En décembre dernier, Netflix a dévoilé son top des programmes les plus regardés sur la plateforme aux Etats-Unis. Et dans la liste des films étrangers, on retrouve 4 productions françaises : Balle Perdue, Bronx, Mignonnes et Braqueurs.
Plus récemment c’est Sentinelle qui atteignait la première place du top 10 quotidien. Un coup de force pour ce thriller d’action réalisé par Julien Leclercq et mené par Olga Kurylenko. Alors pourquoi ce tel succès sur la plateforme américaine ? Nous avons posé la question au réalisateur Guillaume Pierret (Balle Perdue).
AlloCiné : L’année dernière on retrouvait dans la liste des programmes étrangers les plus populaires aux Etats-Unis 4 films français, dont le votre, Balle Perdue. Aujourd’hui c’est Sentinelle qui caracole en tête dans le top US. Comment expliquez vous cette réussite et ce phénomène ?
Guillaume Pierret : J'ai pour ma part toujours été convaincu que le cinéma de divertissement - notamment d'action - était très fédérateur. Qu'importe le pays, il y aura toujours des spectateurs en demande de ce type de films. On pourrait croire qu'aux US, le public ne s'intéresse pas aux films de genre étrangers, car ils fabriquent déjà à la pelle des blockbusters à 150 millions de dollars. Dès lors, pourquoi s'intéresseraient-ils à des petits films d'action français sous-titrés ?.. Pourtant je l'ai bien vu avec Balle Perdue : ils sont très curieux de ce qui se fait ailleurs. Il y a pour eux un côté exotique à voir des films tournés à Paris ou dans le sud de la France. D'autant plus des films qui tranchent avec l'offre actuelle des blockbusters : pas (ou très peu de CGI), un côté authentique, direct, des films qui compensent leurs faibles budgets par des idées inédites. Le public de ce type de films est très attaché - voire nostalgique - de ces films faits en "dur", à l'ancienne.
En regardant cette liste, on se rend compte qu’il y a une prédominance de films d’action/thriller. Est-ce que c’est le meilleur "genre" pour un film de plateforme selon vous ?
Le film d'action a toujours cartonné, qu'il soit en salles ou sur Netflix. Il fait partie du paysage cinématographique depuis toujours et semble se réinventer tous les 10 ans. Il n'y a que la France qui ait délaissé si longtemps la production de ce type de films (et les films de genre en général). Les plateformes sont juste venues redonner un souffle à tout ça.
Est-ce que ça aide au final d’avoir des têtes d’affiche connues à l'international ? Je pense à Olga Kurylenko pour Sentinelle, Omar Sy pour Lupin...
Oui ça aide forcément un peu, mais la force de ces films ou séries ne repose pas que sur leurs têtes d'affiche. Mais plutôt sur leur proposition.
Durant le processus de création, est-ce que Netflix vous a suggéré des acteurs, en fonction de l’algorithme ?
Absolument pas. On est allés les voir avec un casting déjà bouclé... Cet "algorithme", c'est vraiment un fantasme. Qu'on s'adresse à Netflix ou n'importe quel autre distributeur, on a affaire à des humains (plus ou moins ouverts d'esprit). Il n'y a pas d'ordinateur qui dicte la recette magique.
Quand on réfléchit à un film pour une plateforme internationale, est-ce que c’est plus logique de s’adapter à une norme mondiale et moins française, en faisant par exemple "un show à l’américaine" ?
Je ne peux parler que de mon cas. Le scénario de Balle Perdue existait depuis 5 ans avant d'atterrir chez Netflix, donc il n'a pas été pensé pour une quelconque plateforme. Et bien que j'ai réalisé un film d'action, c'est quand même dur de faire plus français que Balle Perdue, avec ses Renault 21 et ses routes sétoises, le tout dans une tradition très française de la cascade automobile.
La critique classique française semble juger plus durement les films produits par des plateformes. Est-ce que c’est quelque chose que vous ressentez ?
Je ne sais pas si la critique est forcément plus dure. Mais oui, il y a un traitement particulier pour les films de plateformes, et les autres. C'est nouveau, ça intrigue, il y a beaucoup de fantasmes et parfois de craintes. Donc souvent en lisant une critique de film Netflix ou autre, on a l'impression que c'est la plateforme qui est passée au crible.
Comment vivez-vous ce succès en tant que réalisateur français ?
Après des lustres passés à galérer pour monter un film comme Balle Perdue, c'est évidemment un plaisir de voir se concrétiser tout ce que j'imaginais. Contrairement à tout ce que j'ai entendu toutes ces années, OUI il est possible de faire de l'action en France, de le faire sans un budget extravagant, avec des actrices et des acteurs qui viennent du film d'auteur ou de comédie, et au final avoir un succès international. C'est un vrai bonheur d'observer les mentalités changer petit à petit dans le métier, de voir des producteurs et distributeurs français considérer à nouveau très sérieusement le film de genre.
De plus en plus de réalisateurs français collaborent avec la plateforme. Est-ce qu'ils le font aussi en sachant que leur film va avoir un rayonnement mondial ?
Ils le font avant tout parce que la plateforme leur offre l'occasion de réaliser les films qu'ils veulent faire depuis toujours, mais que l'inertie française les empêchait de réaliser jusque-là. Et c'est rendu possible car une plateforme permet à n'importe quel film de toucher son public immédiatement, dans le monde entier.