De quoi ça parle ?
Confinés en raison de la crise sanitaire alors qu’ils s’apprêtaient à monter sur scène, deux célèbres comédiens anglais sont contraints de rester chez eux. Leur metteur en scène les convainc de reprendre leur répétition… en visio ; pas une mince affaire pour ces deux artistes, habituées à brûler les planches et pas toujours techno-compatibles.
C’est avec qui ?
On ne présente plus Michael Sheen et David Tennant. Le premier s’est révélé auprès du grand public en interprétant le Premier Ministre Tony Blair dans The Queen de Stephen Frears et a depuis joué dans quantité de succès tels que Twilight, Frost/Nixon ou encore Masters of Sex.
Le second a été l’une des incarnations les plus réussies du Doctor Who, un flic antipathique mais néanmoins tenace dans Broadchurch, un pervers manipulateur dans Jessica Jones... Et ensemble, ils ont joué l'ange Aziraphale et le démon Rampa dans Good Omens, réjouissante mini-série de Neil Gaiman.
Ça vaut quoi ?
Autant l’annoncer tout de suite : Staged est un ovni ! Composée de deux saisons relativement courtes – six et huit épisodes de 22 mn – cette comédie ne ressemble à rien de comparable. C’est souvent sous la contrainte que l’art cherche des chemins de traverse pour s’exprimer.
Et c’est précisément le cas avec Staged. Ecrite et réalisée par Simon Evans, cette sitcom tournée en plein pendant le premier confinement tire le meilleur parti possible d’un empêchement quasi-total.
Chacun chez soi, Michael Sheen et David Tennant échangent et s’ennuient par écrans interposés. Simon Evans – qui joue un metteur en scène de théâtre – leur propose alors de répéter en visio la pièce de Pirandello, Six personnages en quête d’auteur, qu’ils devaient jouer ensemble et dont la programmation a été suspendue confinement oblige. Ils acceptent en y mettant leur meilleure mauvaise volonté.
Toute la réussite de Staged tient dans le simple fait de voir deux immenses acteurs jouer des sales gosses. Ils s’autorisent ce qu’on s’interdit : jérémiades, mauvaise foi et mauvais coups. Un véritable retour en enfance s’opère sous nos yeux de la part de deux hommes mûrs et éminemment respectés. Jouissif.
Plus vrai que nature
De toutes les productions, plus ou moins réussies, tournées pendant le confinement, Staged est la plus réaliste. Simon Evans tire profit de l’économie de moyens et joue sur le multi-écrans qui s'est désormais interposé dans notre quotidien.
Le huis clos sonne plus vrai que nature. La demeure familiale devient lieu de travail. Et la vie privée fait toujours irruption au plus mauvais moment dans la vie professionnelle. L’exercice est d’autant plus réussi que les épouses respectives de Tennant et Sheen participent à la série et jouent leur propre rôle.
Quelques plans de coupe viennent soulager une mise en scène qui serait trop lourde si elle passait uniquement par le prisme de la webcam. La caméra filme alors les places abandonnées de Londres, des déserts hantés par quelques pigeons.
Et pour le plaisir du téléspectateur, quelques stars viennent passer une tête à l’écran. On a ainsi droit à des numéros choisis de Samuel L. Jackson, Judi Dench ou encore Cate Blanchett.
L’autre atout charme de Staged réside dans les accents. Le gallois Michael Sheen et l’écossais David Tennant déconfinent avec joie leurs intonations et s’amusent avec les sonorités rétives de leurs langues natales respectives.
Capillairement à l’abandon, Michael Sheen ressemble à un satyre aux allures de dominant tandis que David Tennant donne plutôt dans le Droopy un peu pleutre. Tout est faux. Tout sonne vrai. L’absurde l’emporte sur la raison. C’est un grand n’importe quoi complètement futile mais qui se révèle très vite essentiel.