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    La Nuit des survivants sur CANAL+ CINEMA: pourquoi le cinéma nous est si essentiel
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    CANAL+ CINÉMA diffuse ce lundi 8 mars, à 22H35, un documentaire inédit, sur le cinéma français en temps de confinement. L'occasion de s'interroger sur notre rapport au cinéma, si "essentiel". Entretien avec son réalisateur, Baptiste Etchegaray.

    Synopsis : Quasiment un an après le confinement qui a bouleversé nos vies, ce journal de l'année 2020 est une lettre d'amour au 7e Art. Raconté à la première personne et convoquant de nombreux témoins, il multiplie les clins d'œil au cinéma d'horreur pour conjurer le sort, et interroge une passion qui n'a certainement pas fini de nous faire vibrer.

    AlloCiné : Vous adoptez un ton très personnel, proche du journal de bord, dans ce nouveau documentaire. Etait-ce l'idée déclencheuse, comme une sorte de journal d'un cinéphile confiné ? Et en même temps, il y a cette géniale idée de faire un parallèle avec La nuit des morts vivants... Dans quel ordre sont venues ces idées ?

    Baptiste Etchegaray, réalisateur : On peut dire que le documentaire s'est fait par écriture intuitive ! Tout a commencé pendant le premier confinement où je tournais un peu en rond, où je ruminais de ne pas pouvoir aller au cinéma et où m'est venue l'idée d'enregistrer des Zooms avec des gens du cinéma pour savoir comment ils vivaient cette situation historique (des distributeurs, des directeurs de salle, des producteurs..)

    Je n'avais aucune idée de la destination finale. J'avais vaguement l'intuition d'un documentaire qui raconterait la pandémie par l'angle du cinéma manquant mais sans avoir de forme précise en tête. J'en ai parlé à Canal+ qui s'est montré intéressé et m'a dit "go" en septembre. C'est à partir de là que j'ai réellement réfléchi à une narration avec mes producteurs, Caïmans Productions, que m'est venue l'idée du cinéma d'horreur -puisqu'on vivait un film d'horreur en vrai- et en particulier de La Nuit des morts-vivants qui faisait tant de clins d'oeils avec ce qu'on traversait (jusqu'à ce Dr Georges Romero qui se trouve être réanimateur à Lyon !).

    Et c'est en faisant le montage du film en janvier, alors qu'on semblait ne plus jamais voir le bout du tunnel, que j'ai petit à petit affirmé un "je" qui parlait de "nous", collectivement, pris dans le tourment de cette pandémie. C'est donc devenu une sorte de journal de confinement et de lettre d'amour au cinéma qui n'avaient pas été vraiment prémédités !

    Qu'est ce qui a guidé vos choix pour les interlocuteurs de votre film ? On peut entendre notamment les témoignages de quelques attachés de presse par exemple, qu'on voit plutôt rarement à l'écran...

    J'avais envie que toute la chaîne de fabrication des films soit représentée, jusqu'aux attachés de presse qui en effet ne sont jamais mis en lumière alors qu'ils sont très lourdement impactés par cette crise puisque les films ne sortent plus.

    Très fragilisés par la crise, les attachés de presse de cinéma créent l'association CLAP

    Je voulais bien sûr donner la parole aux directeurs de salle (les "exploitants" dans le jargon, mais comme ce mot est laid !) qui sont les premiers touchés, notamment les cinémas indépendant privés (comme Le Rex à Sarlat) dont on peut être très inquiet pour l'avenir. L'idée que des salles puissent fermer à cause de la pandémie me fend le cœur. Mais je voulais surtout profiter de cette parenthèse pour recueillir des paroles lumineuses sur le cinéma, me demander pourquoi il nous est si cher, si "essentiel", pourquoi il faut en prendre soin.

    Je ne voulais pas faire un documentaire plombant, la période l'est déjà suffisamment, j'avais plutôt envie de rendre hommage à une passion qui m'anime depuis l'adolescence et qui je crois anime beaucoup de gens.. C'est ce qui m'a guidé dans le choix des intervenants, c'est pourquoi par exemple j'ai tant aimé discuter avec l'immense cheffe opératrice Caroline Champetier, qui nous rappelle que l'écran de cinéma est une lumière dont nous avons besoin pour sortir de notre grotte, nous, animaux confinés ! 

    On ressent des sentiments mêlés en découvrant votre film : à la fois, une forme de tristesse et de mélancolie, en faisant le constat de cette mise à l'arrêt de la culture toujours en cours, et en même temps, une certaine euphorie en écoutant la façon dont chacun a réussi à se confronter à cette période, se questionner, voire se réinventer. Il n'a pas dû être facile de mener à terme ce projet ne sachant pas s'il serait diffusé à un moment où la culture serait déconfiné ou non... Pour le dire autrement, était-ce un casse tête pour imaginer un tel film dont on ne connait pas encore l'issue ? 

    Oui ça c'est bien vrai ! Je passais mon temps à réécrire le synopsis, à réajuster la narration, en fonction des nouvelles annonces gouvernementales, des nouvelles restrictions, des nouveaux couvre-feu.. Au départ, je pensais suivre la réouverture des salles en décembre, j'étais prêt à filmer ça, embarqué avec un distributeur. Et puis patatras, tout est resté fermé. Ça a été un vrai coup dur. Je crois d'ailleurs que ça a déprimé pas mal de cinéastes, que je n'ai pas réussi à convaincre de participer, beaucoup ne savaient plus quoi penser.

    On s'est dit avec les producteurs et le diffuseur que cette incertitude perpétuelle avec laquelle on vit depuis un an faisait également partie du documentaire, qu'il fallait l'accepter, "jouer" avec. Elle offrait parfois de jolies surprises qu'il fallait saisir, comme cette projection "sauvage" un soir de janvier sur le mur de La Clef. Je dois dire que mon grand plaisir fut de pouvoir, pour les besoins du tournage, me glisser dans toutes ces salles "en sommeil". L'Arlequin, le Max Linder, le Grand Action, le Studio 28... toutes ces salles mythiques à Paris me semblaient encore bien vivantes, pleines de souvenirs et de promesses.. Je voyais comme leurs propriétaires les bichonnaient en attendant de ré-accueillir enfin les spectateurs, à la fin de cette trop longue "nuit".

    > 2020 au cinéma : la nuit des survivants, diffusé ce lundi 8 mars à 22h35 sur CANAL+CINÉMA, un documentaire inédit de Baptiste Etchegaray, produit par Caïmans Productions. Avec la participation de Marie Amachoukeli - Saïd Ben Saïd - Mikael Buch - Caroline Champetier - Manuel Chiche - Renan Cros - Monica Donati - Jean-Michel Frodon - Isabelle Gibbal-Hardy - Mathieu Guetta - Matilde Incerti - Gilles Lellouche - Claude Lelouch - Margaret Menegoz - Antoine Reinartz - Alain Roulleau - Jean-Paul Salomé - Arnaud Vialle - Collectif La Clef Revival : Claire-Emmanuelle Blot, Paola Rayman, Derek Woolfenden.

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