Dans Photo de famille, sorti en salles en 2018, Pierre Deladonchamps incarne un "game designer" dépressif noyant sa mélancolie dans l’alcool et la psychanalyse. Son père dans le film ? Jean-Pierre Bacri, pour ce qui fut son dernier rôle à l'écran. Au micro d'AlloCiné, Pierre Deladonchamps se souvient avec émotion de son travail avec le comédien.
AlloCiné : Vous avez donné la réplique à Jean-Pierre Bacri dans son tout dernier film. Quel souvenir gardez-vous de lui ?
Pierre Deladonchamps : Je rêvais de tourner avec Jean-Pierre Bacri. Je l'admire pour tous ces rôles incroyables qu'il a campés, pour son écriture aux côtés d'Agnès Jaoui. J'étais assez intimidé à l'idée de le rencontrer, de jouer à ses côtés, mais c'était une personne incroyable, avec beaucoup de pudeur, de gentillesse et surtout de générosité. Je me souviens qu'au-delà d'être un partenaire généreux, c'était un homme généreux.
Je me souviens surtout d'une scène qu'on avait ensemble sur Photo de famille, où l'on jouait donc un père et un fils. Il y avait eu le champ sur lui et ensuite le contrechamp sur moi, et même dans le contrechamp, il donnait tout ce qu'il avait. Au cours de cette scène où il n'était pas du tout filmé, il s'est véritablement mis à pleurer car on avait un peu improvisé la fin de la scène et je lui avait dit des choses qui l'avaient touché dans la relation des personnages. J'avais trouvé ça très touchant qu'il pleure. C'était lui. C'est comme ça que je résumerais Jean-Pierre Bacri, c'est ce que j'ai connu de lui : quelqu'un de très intelligent, touchant et généreux.
Pour beaucoup, il avait cette image de râleur. Comment était-il au quotidien ?
Je m'avance peut-être un peu, mais j'ai surtout l'impression que c'était un emploi qui lui allait bien et qu'il avait fini par bien se rôder dans cet emploi. Moi, je n'ai pas du tout vu ce côté-là chez lui. Au contraire, c'était quelqu'un de plutôt discret, généreux, gentil... Pince-sans-rire, quand même, avec beaucoup d'humour, mais très discret, jamais à prendre énormément de place ou à faire entendre sa voix plus fort que les autres.
J'ai eu la chance de le recroiser par hasard, un jour, dans un bar, longtemps après qu'on ait tourné. Il a eu des mots très touchants à mon endroit. Je m'en souviens encore, j'étais très heureux de le revoir, mais j'avais peur qu'il ne me reconnaisse pas. Et en fait, très vite, tout de suite, il est venu vers moi et on a discuté. J'étais vraiment très touché de cette rencontre. J'ai joué son fils dans Photo de famille et il n'y a pas longtemps, je disais à un ami que c'était mon plus beau "papa de cinéma", qu'on ne pouvait pas rêver mieux.
Mort de Jean-Pierre Bacri : Alain Chabat rend hommage à l'acteur dans l'émission Burger QuizQuels sont les films de Bacri qui vont ont le plus marqué ?
Il m'a laissé un souvenir impérissable dans Le Goût des autres. Plus récemment, dans Le Sens de la fête, je l'ai vraiment trouvé brillant. A chaque fois que je le voyais dans un film, je le trouvais absolument formidable... Dans Mes meilleurs copains, il était beaucoup plus jeune, et déjà, là...
Je crois qu'il fait partie de ces acteurs qui ont une telle partition qu'ils ne peuvent pas être mauvais (sourire). Même dans les mauvais films, il était bon. Pas dirigé, il savait se diriger tout seul. C'est quelqu'un qui avait le sens du texte. Je l'ai vu plusieurs fois dans des scènes de Photo de famille, en tant qu'observateur, des scènes où je n'étais pas avec lui, et je prenais une leçon de cinéma. Il se renouvelait à chaque prise, il avait beaucoup de talent.
Propos recueillis le 21 janvier 2021
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