Quelques jours après la mise en ligne sur Netflix de Lupin, Hachette Livres ajoutait dans les rayons des librairies une nouvelle version du roman Gentleman Cambrioleur, celui-là même que l’on peut apercevoir dans la série. En quelques jours, le nombre de pré-commandes s’est affolé, comme nous l’explique en interview Cécile Térouanne, directrice d’Hachette Romans/Livre de Poche Jeunesse.
En une semaine, cette réédition a été vendue à 5764 exemplaires (chiffres qui seront confirmés définitivement vendredi), permettant à Arsène Lupin, Gentleman Cambrioleur de passer en tête des ventes grand format jeunesse devant l'Ickabog de J. K. Rowling. Et cela ne devrait pas s’arrêter là, tant la nouvelle production française de Netflix a le vent en poupe dans le monde. Histoire d’une success story bleu blanc rouge.
AlloCiné : On parlait il y a quelques jours de 40 000 exemplaires pour cette réédition. Que signifie ce chiffre dans le monde de l’édition ? Quels sont vos objectifs ?
Cécile Térouanne : A ce jour nous pouvons en effet annoncer un tirage cumulé (toutes réimpressions incluses) de 70 000 exemplaires pour l’édition en grand format du Gentleman Cambrioleur, sous la marque Hachette Romans, et nous réimprimons aussi 30 000 exemplaires des quatre romans disponibles au format poche (Gentleman Cambrioleur, L’aiguille creuse, La Demeure mystérieuse, Le bouchon de cristal), sous la marque Livre de Poche jeunesse. Ces chiffres augurent d’ores et déjà d’un très beau succès, car ils sont liés à des commandes qui s’enflamment alors que les livres sont en librairie depuis une semaine à peine ! Nous visons donc le beau total de 100 000 exemplaires.
AlloCiné : La sortie de la série sur Netflix a donc donné envie aux gens de (re)découvrir les romans de Maurice Leblanc. Est-ce que ce genre d’effet de mode est récurrent ou Lupin fait partie des rares exceptions ?
Cécile Térouanne : Un tel cercle vertueux entre le livre et le film/la série, entre le texte et l’image, n’est pas rare et nous l’avons connu avec Oliver Twist, Jacquou le croquant et bien d’autres titres encore . La singularité du phénomène, ici, est que la série est une œuvre à part entière, à la fois librement inspirée du personnage créé par Maurice Leblanc et qui confère quasiment au personnage d’Arsène Lupin le second meilleur rôle après celui d’Assane Diop incarné magistralement par Omar Sy. Ainsi, chaque œuvre nourrit l’autre, tout en conservant sa spécificité et son langage propres.
Comment fonctionnaient les ventes des livres avant cela ?
Les romans de Maurice Leblanc sont des œuvres du patrimoine français, et les ventes étaient celles de titres du fonds : régulières et à hauteur de quelques milliers d’exemplaires chaque année.
Est-ce qu’on peut aussi parler d’un effet Netflix (on connaît le succès de la plateforme en France) ?
Indubitablement, c’est la série Netflix et la popularité de la plateforme en France qui ont braqué les spots sur l’œuvre de Leblanc. Mais cette dernière, une fois sous les feux de la rampe, révèle une solidité et un pouvoir de séduction inaltérés !
Est-ce qu'on voit aussi ce succès dans d'autres pays francophones ?
La Belgique et le Canada nous réclament des exemplaires à cor et à cri. Mais nous avons aussi reçu des messages d’éditeurs italien, espagnol, coréen nous demandant de pouvoir reproduire notre édition de Gentleman Cambrioleur, et les Etats-Unis comme l’Angleterre semblent devoir suivre bientôt…
Qui va lire les livres d'Arsène Lupin selon vous ? Les plus jeunes, les adultes, les parents ?
Le personnage d’Arsène Lupin est profondément inscrit dans la culture populaire française, il n’y a qu’à voir le nombre d'adaptations audiovisuelles déjà disponibles au cinéma comme à la télévision. Et qui dit populaire, dit familial, le public allant de pair avec le lectorat, de 7 à… 107 ans !
Que peut-on savoir de cette réédition ? Pourquoi avoir misé sur une ressortie ?
Le Département Hachette Romans/Livre de Poche Jeunesse est très attentif à toutes les opportunités de synergie entre texte et image, qu’il s’agisse de publier des romans dérivés de films ou de série, ou de remettre en avant des textes adaptés à l’écran : nous avions déjà travaillé avec Netflix autour de Stranger Things, Riverdale, Sabrina, qui s’inscrivent dans une pop-culture très contemporaine, sans parler de Kissing Booth, Before I Fall, Treize raisons… Dès que nous avons lu l’annonce du projet autour d’Arsène Lupin, qui plus est incarné par Omar Sy et porté par l’équipe Netflix France, nous n’avons pas hésité et les avons aussitôt contactés. S’en est suivie une année d’échanges très fluides et constructifs, et le succès du livre conjugué à celui de la série est une consécration pour les deux équipes.
Est-ce que les adaptations au ciné ou à la télévision sont toujours une aubaine pour le monde de l'édition ?
Je parlerais moins d’aubaine, qui peut paraître dépréciatif sinon péjoratif, que d’opportunité : ni le cinéma ni la télévision ne sont des menaces pour les livres dont ils s’inspirent si souvent. Bien loin d’en vampiriser le contenu, ils peuvent, dans le meilleur des cas, le sublimer, et servir d’écrin à l’œuvre ; et quand bien même l’œuvre audiovisuelle n’est pas une grande réussite, c’est toujours une occasion de parler… littérature !