Mon plus grand désir d'acteur ? C'est de faire des films destinés à faire rire les enfants et les parents à la fois dans ce monde trop triste ! (Louis de Funès)
23 mars 2020. Le confinement dure depuis déjà presque une semaine, et personne ne sait pour combien de temps encore. Les masques et les flacons de gel hydroalcoolique forment un tas grossier dans le couloir de l'entrée. A côté de l'imprimante, les attestations à remplir s'entassent comme autant de questions laissées sans réponses. Et dans les enceintes de la télévision laissée allumée, résonne tout à coup une voix familière.
Celle d'un gendarme énervé, occupé à passer un savon magistral à ses deux subordonnés. Sous un ciel bleu provençal, au son des cigales, à l'air libre, dehors, ils disputent une partie de pétanque. Le maréchal des logis-chef Cruchot, loin d'avouer sa défaite, est furieux. Ses hommes s'apprêtent à passer un sale quart d'heure. Lentement, sur le visage des spectateurs qui s'arrêtent devant l'écran, se dessine un sourire en même temps que la réplique suivante.
Même 37 ans après sa disparition, Louis de Funès, comédien préféré des Français, semble poursuivre de là où il se trouve, la mission qu'il avait déjà menée tout au long de sa vie : faire oublier aux gens leurs soucis l'espace de quelques instants, panser leurs peines à coups de grimaces, déconfiner leurs rires.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle, tout au long de cette année 2020 pour le moins complexe, et notamment en mars et en avril, les chaînes de télévision ont choisi de rediffuser en masse les grands classiques du maître de la comédie. Telle une ordonnance médicale, la grille télévision nous a prescrit plusieurs fois par semaine, et à heure fixe, du Gendarme, du Rabbi Jacob, de la Grande Vadrouille, du Corniaud, de l'aile ou de la cuisse.
Le résultat : 50 millions de spectateurs rassemblés devant des films de Louis de Funès durant le premier confinement, avec un record pour La Folie des Grandeurs, diffusé le 12 avril sur France 2 devant 5,3 millions de spectateurs. 5,1 millions pour La Grande vadrouille, 4,1 millions pour Rabbi Jacob, etc.
Bref ! Un véritable plébiscite pour le roi du rire, un enthousiasme ressuscité pour la bonne humeur de ces films anciens, durant une période où le quotidien avait grand besoin d'être un peu allégé.
Pourquoi ? Tout simplement parce que Louis de Funès avait - a toujours - un super-pouvoir. Celui de provoquer chez son spectateur le rire à l'état brut. Un rire viscéral, naturel, qui n'a pas besoin d'être intellectualisé ou expliqué. Le même rire que celui d'un enfant de 2 ans surpris par une grimace. Un rire d'excellence, de qualité supérieure pourrait-on dire, sculpté avec un savoir-faire qu'aucun autre artiste comique (quelle que soit l'époque ou la nationalité) n'a jamais réussi à reproduire.
Un rire, surtout, qui nous fait instantanément oublier tout le reste pour nous replonger dans des scènes mythiques que l'on connaît souvent par coeur. Quoi de plus salvateur dans une période d'incertitude, que de savoir anticiper chaque séquence, d'entendre à l'avance chaque réplique résonner dans sa tête ? Quoi de plus réjouissant pendant un confinement que de rendre visite au Tonton Louis de Funès, et à sa grande famille ?
Car oui, autour des crises de nerfs de Cruchot, de Barnier ou de Pivert, gravitent souvent l'accent chantant de Michel Galabru, le rire de Claude Gensac, l'air ahuri de Jean Lefebvre ou de Paul Préboist, la musique de Raymond Lefèvre ou de Vladimir Cosma...
Du rire, de la sécurité, de la joie (qui nous sont pourtant offerts par une génération qui elle aussi, en son temps, a connu la peur et l'incertitude), donc. Mais aussi un peu d'émotion salutaire. Lorsqu'on se rend compte que même aujourd'hui, Louis de Funès ne nous a pas laissés tomber. Même 37 ans après sa mort, il poursuit la même mission. Même en 2020, on peut toujours venir se reposer quelques instants à l'ombre de son képi.
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