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    The Dark Pictures : Little Hope, dans les pas du Projet Blair Witch
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Un peu plus d'un an après la sortie de "The Dark Pictures : Man of Medan", le studio Supermassive Games continue de creuser la veine horrifique avec un nouveau chapitre, "The Dark Pictures : Little Hope". Pour quel résultat ?

    Supermassive Games / Bandai Namco

    Dans une maison perdue tout au fond d’une montagne, 8 amis vont rapidement découvrir qu’ils ne sont pas seuls et tenter de rester en vie… jusqu’à l’aube. Pris par la peur alors que les tensions au sein du groupe ne cessent d’augmenter, le joueur devait prendre de nombreuses décisions qui étaient souvent synonyme de vie ou de mort. Tel était le pitch du jeu Until Dawn, sorti fin août 2015 sur PS4.

    Pensé et conçu comme un véritable hommage au Slasher (avec au passage des acteurs quand même sympas, comme Rami Malek ou Hayden Panettiere), Until Dawn offrait une expérience à mi-chemin entre le cinéma et les jeux vidéo. Ou, si l’on souhaite être plus précis, une expérience analogue à celles proposées par le studio Quantic Dream avec ses productions Heavy Rain, Beyond Two Souls ou plus récemment, Détroit : Become Human. Et le résultat s'était révélé être vraiment enthousiasmant.

    Après quelques productions pas tout à fait convaincantes (The Inpatient notamment, qui se déroulait avant les événements du jeu Until Dawn), le studio de développement Supermassive Games a remis le couvert avec The Dark Pictures Anthology : Man of Medan, sorti le 30 août 2019. Parmi les bonus figurant dans le jeu se trouvait une très intéressante featurette d'un peu moins de dix minutes, nous rappelant cette réalité. Si dans le monde du cinéma et des séries TV  le concept d'anthologie existe depuis des années, entre les Masters of Horror, les Contes de la crypteDarkside les contes de la nuit noire et autres Creepshow pour n'en citer qu'une poignée, celui-ci est finalement plutôt rare du côté des jeux vidéo.

    C'est donc avec une certaine bienveillance que l'on avait accueilli la nouvelle itération du studio anglais. Certes handicapé par de vrais défauts, comme des incohérences d'écritures et un souci de rythme, des personnages parfois trop raides ou souffrant du syndrôme de l'Uncanny Valley, The Dark Pictures : Man of Medan était une expérience de jeu horrifique plutôt sympathique au terme de ses 4/5h de jeu, avec le bénéfice d'une petite replay value, grâce aux choix effectués par le joueur dans les différents embranchements du récit.

    Beau casting

    Une recontextualisation un poil fastidieuse du pedigree du studio, mais pas inutile pour appréhender la nouvelle livraison, sortie ce 30 octobre. Dans The Dark Pictures : Little Hope, la patte du studio est toujours aussi reconnaissable. On retrouve d'abord un casting d'acteurs et actrices dont certains connus. Si Shawn Ashmore était la principale tête d'affiche du précédent volet, c'est désormais le comédien Will Poulter (Black Mirror : bandersnatch, Detroit, et plus récemment l'excellent Midsommar) qui s'est prêté de bonne grâce aux séances de la Motion Capture. Il est en outre épaulé par les comédiennes Caitlyn Sponheimer (vue notamment dans la géniale série The Boys sur Amazon) et Ellen David (La Vérité sur l'affaire Harry Quebert). Sans oublier le comédien britannique Pip Torrens, qui officie encore une fois dans le jeu sous les traits du personnage dénommé "Le Conservateur". Un personnage qui est en fait tout à la fois le narrateur de l'histoire, mais aussi celui qui pourra vous donner à certains moments des indices sur le devenir des personnages et situations rencontrées. Le but ultime étant de maintenir en vie tout ce joli monde, d'autant que le conservateur en question ne manque pas de régulièrement instiller le doute sur vos actions...

    Ma sorcière bien hantée

    Cette fois-ci, exit les eaux chaudes du Pacifique et son navire fantôme lorgnant du côté du Vaisseau de l'angoisse, et bienvenue dans le Massachusetts. Alors qu'ils font une sortie scolaire nocturne à bord d'un bus, quatre étudiants accompagnés de leur professeur sont victimes d'un accident de la route. Piégés par un mystérieux brouillard nappant la petite ville abandonnée de Little Hope, ils cherchent désespéremment un moyen d'échapper aux visions cauchemardesques qui semblent les traquer et les confronter au terrible et sinistre passé de la ville...

    Supermassive Games

    Avec Little Hope, on se retrouve plus ou moins avec les qualités et les défauts intrinsèques du précédent jeu. Un aspect très positif tout d'abord : si la toile de fond du précédent jeu n'était pas inintéressante, on a une nette préférence pour celle qui est exploitée dans ce nouveau chapitre. A savoir la vague d'hystérie collective qui secoua la Nouvelle-Angleterre dans la seconde moitié du XVIIe siècle, alors que la population était plongée dans un froid et une famine sans précédent. Les colons puritains rejetés du Royaume-Uni y entretenaient une culture de l’angoisse profonde, pris en étau entre les assauts des Amérindiens et des Français. Une détresse qui les mena vers la peur, la folie et l’épuisement. Un terreau idéal pour qu’une tragédie voit le jour et que le mal s’empare de tous, ce qui débouchera sur la fameuse série de procès de sorcellerie, qui ne se sont d'ailleurs pas déroulé qu'à Salem, le lieu le plus connu dans l'imaginaire collectif.

    Brassant des références cinématographiques allant du Projet Blair Witch au solide La Chasse aux sorcières, une adaptation de la pièce d'Arthur Miller "les Sorcières de Salem" emmenée par Daniel Day Lewis, sans oublier un généreux nappage de Silent Hill (au-delà du brouillard, les créatures de Little Hope semblent parfois sorties du bestiaire du jeu de la Team Silent), Little Hope parvient à se forger une identité visuelle propre, en plus de livrer un récit jouant habilement sur plusieurs temporalités.

    Mieux écrite que Man of Medan, l'histoire de Little Hope est bien ficelée et ne s'encombre pas du gros défaut du jeu précédent, qui offrait un premier acte particulièrement bavard et peinait franchement à faire démarrer son intrigue. Un gros problème, lorsqu'on propose un jeu très narratif durant à peine 4 ou 5h. Ici, la plume du scénariste Dario Poloni se révèle efficace. En 2010, ce dernier était derrière le script d'un film absolument formidable et assez impressionnant, Black Death, dans lequel Sean Bean sillonnait une Angleterre médiévale ravagée par la peste bubonique. Il y était là aussi largement question de tortures, Inquisition et sorcellerie... On ne se refait pas.

    Jouer à se faire peur

    Cette toile de fond du jeu, et les personnages qui vont avec, sont nettement plus intéressants que les protagonistes plongés dans le présent. Du reste, comme pour Man of Medan, il est difficile de donner suffisamment de chair à des personnages alors que l'on table sur une durée de vie de 5h grand maximum. Des personnages modélisés parfois avec grand soin, parfois moins convaincants, avec ce syndrôme, déjà présent aussi dans Man of Medan, de la Uncanny Valley. Si le studio a fait des efforts pour rendre les protagonistes moins raides comme des piquets qu'avant dans leurs déplacements, ce n'est là aussi pas encore tout à fait ça.

    Supermassive Games

    Dans un gameplay finalement très linéaire, d'où l'on ne sort que très rarement du cadre fixé par les développeurs, le jeu multiplie les plans de caméra anxiogènes (hors-champ, plan rapide, gros plans, effets de zoom...) et distribue avec gourmandise les Jump Scares. Un peu trop même. Parfois très efficace, l'effet finit par s'étioler et perdre en impact. Un impact qui est d'ailleurs pas mal anesthésié si vous refaites le jeu une seconde fois (ce que nous avons fait). Par ailleurs, le jeu se révèle un peu moins punitif (en tout cas exigeant...) qu'avant quant aux maladresses des joueurs / joueuses : avec une interface offrant sensiblement plus de clarté, un petit pictogramme apparaît à l'écran pour indiquer une séquence imminente, où vos réflexes seront mis à contribution et ne vous prendront pas "en traître".

    Cela dit, on avait aussi apprécié justement, à l'époque, ce côté punitif, dans Until Dawn, parce qu'il offrait un parti pris radical et jusqu'au-boutiste totalement assumé. Le joueur se loupant sur une séquence cruciale entraînait une mort quasi certaine d'un personnage, ce qui le contraignait à se cramponner à la manette comme si sa vie en dépendait. Le résultat était puissant, parce qu'il décuplait justement ce sentiment de peur chez le joueur, qui n'avait parfois que très peu droit à l'erreur.

    On ajoutera au rayon des crispations le sentiment tenace que Little Hope se joue de nous régulièrement, sans mauvais jeu de mots : on a parfois la sensation que, quel que soit le choix que l'on fait, il reste une illusion, parce que les développeurs l'ont décidé ainsi. Un sentiment corroboré surtout lors de notre second run du jeu. Pas de quoi non plus forcément entamer l'expérience globale du jeu, loin d'être désagréable, pour être honnête. Mais cette illusion du choix se révèle parfois agaçante.

    On terminera en ajoutant que l'expérience de jeu peut aussi se vivre à plusieurs, grâce à deux modes multijoueurs. Le mode "histoire partagée" permet de profiter de l'expérience de jeu avec un ami en ligne, et le mode "soirée cinéma", comme dans le jeu précédent, peut réunir jusqu'à 5 joueurs en local, histoire de jouer à se faire peur dans une ambiance Pop-Corn Movie, cosy et conviviale. Une alternative sympa face au classique film d'horreur / épouvante inséré dans le lecteur DVD / Blu-ray (ou autres plateformes VOD).

    Avec un Twist Ending plutôt malin est bien vu, sujet d'ailleurs à différentes interprétations, vendu à un prix plutôt honnête (un peu moins de 25€), Little Hope pourra tout à fait vous tenter si vous êtes fan de ce genre d'expérience narrative et interactive qui a, en dépit des défauts sus-mentionnés, de vrais atouts à faire valoir. En attendant le 3e arc narratif de l'anthologie, dont on se demande d'ailleurs si le personnage du Conservateur dans le jeu ne tease pas le cadre géographique, lors de l'une de ses interventions. A vous de trouver !

     

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