12 000€ de budget, 192 contributeurs, 2 ans de production, 16 jours de tournage, 8 mois de post-production, 45 personnes impliqués, 12 armes, 1 gamme de jouets... Avec le moyen métrage Cyborg : Deadly Machine, le collectif Masebrothers livre sa production la plus ambitieuse en revisitant avec talent et passion le meilleur du cinéma SF des années 80/90. Le réalisateur Mathieu Caillière nous parle de la genèse de ce fan-projet, visible en intégralité dans la vidéo ci-dessous.
AlloCiné : Pouvez-vous nous rappeler l'esprit du collectif Masebrothers ? Combien de personnes travaillent désormais sur la chaîne et les productions MB ?
Mathieu Caillière (réalisateur) : Masebrothers est un collectif monté par des amis d’enfance qui réalisent depuis quatre ans des vidéos à sketchs, des fausses pubs, des bande-annonces de films et des court-métrages en hommage à la pop culture des années 80 et 90 et à la génération Vidéo-Club. Je dirais que nous sommes la rencontre improbable entre l’humour des Nuls et un film de Chuck Norris.
Aujourd’hui techniquement nous sommes trois : je m’occupe de l’écriture, de la réalisation et de la post-production de la majeure partie du contenu de la chaîne. Jérémy Vazzoli intervient essentiellement à la post-production, l’identité graphique et la photographie de nos films et enfin Sébastien Petitjean s’occupe de l’écriture de certaines vidéos et films et est également comédien. Et pour interpréter les personnages de notre univers ce sont les mêmes copains avec qui je faisais mes films lorsque nous étions au collège et lycée auquels sont venus s’ajouter au fil des années de nouvelles têtes, comédiens, musiciens, et artistes rencontrés par le biais de la chaîne. Cyborg : Deadly Machine est clairement l’aboutissement de toutes ces rencontres.
Masebrothers s'était illustré jusque-là avec des courts métrages, des fausses bandes-annonces, des fausses publicités... Passer au format long était la prochaine étape logique ?
Au départ, nous pensions faire un court-métrage de 20 minutes maximum, mais à l’écriture tout a changé. Et au final on a fait un film de 50 minutes. Et pour être franc, on aurait pu facilement écrire 20 minutes de plus pour en faire un long-métrage. Mais en auto-production, l’économie n’est pas la même et le format court est souvent plus adapté surtout dans le cinéma de genre très référencé que l’on propose.
Comment est née l'histoire de "Cyborg : Deadly Machine" ?
Je suis un très gros fan du premier Terminator de James Cameron, l’univers du film me fascine. C'est l'un des meilleurs films de genre de l’histoire et le rythme est incroyable. Je suis tellement fan que j’avais même fait un petit film au lycée qui s’appelait "Le Soldat Cybernétique" avec Dave Trix (qui joue d'ailleurs le héros de Cyborg : Deadly Machine) dans le rôle d’un Terminator de 15 ans et moi même dans celui de Kyle
Reese ! Et c’était... assez pathétique. Donc l’idée de rendre hommage au film me trottait dans la tête depuis longtemps, et ça me paraissait logique de le faire avec Masebrothers. Au départ on pensait simplement réaliser une bande-annonce, celle que l’on peut voir sur notre site, puis on s’est dit pourquoi pas essayer de le faire financer via un crowdfunding.
Le film mêle les ambiances de "Terminator" et "Cyborg", en glissant d'innombrables clins d'oeils aux films des années 80/90. Comment trouver le juste équilibre entre hommage, fan-service, parodie et originalité ?
La démarche artistique de Masebrothers est avant tout de rendre hommage à tous ces films avec lesquels nous avons grandi, d’en emprunter des moments cultes et les servir dans une toute nouvelle histoire afin d’éveiller la nostalgie du public et pourquoi pas donner envie aux jeunes générations d’aller découvrir les films originaux. Des références il y en a plein dans Cyborg : Deadly Machine, dès la scène d’ouverture qui est clairement un hommage assumé à celle du film Terminator.J’ai voulu me glisser dans les baskets du film original et proposer une immersion totale, et par la même occasion réaliser mon rêve de gamin. Mais certaines références sont plus subtiles comme Aliens, Predator, Nemesis, Class 1999, Demolition Man ou encore ce vieux dessin animé dont personne ne se souvient avec une petite TV dans une voiture qui parle Pôle Position. J’espère que le public y sera sensible en tout cas.
"Cyborg : Deadly Machine" représente deux ans de travail. Comment se sont organisées la préparation, la production et la post-production durant ces deux années ? Quels ont été les plus gros défis, les bonne surprises, les déconvenues ?
Nous avons produit une bande-annonce en 2018 et lancé un crowdfunding en mars 2019, que nous avons obtenu grâce à l’aide de 192 contributeurs de France, Europe,Australie, Nouvelle Zélande et Etats-Unis entre autres. La préparation et la création des costumes et accessoires ont pris 2 mois environ et le tournage s’est déroulé de juin 2019 à... juin 2020. Le contexte actuel de crise sanitaire est venu un peu freiner la production. La post-production s’est quant à elle faite en parallèle sur huit mois, nous étions deux à tout faire : Jérémy et moi même.
L’enjeu de Cyborg : Deadly Machine était de proposer un film de science-fiction comme s'l avait été réalisé dans les années 80 et début 90, avec une réelle immersion pour le spectateur. Pour cela il fallait respecter certains codes, comme des personnages hauts en couleurs (une héroïne guerrière, un héros badass, le sidekick rigolo, le scientifique un peu perché...), un tueur sous les traits du méchant Cyborg aux yeux rouges et une bonne dose d’action, de cascades, d’effets spéciaux et l’utilisation de maquettes miniatures.
Le plus gros du budget nous a essentiellement servi à faire financer ces éléments, et de pouvoir faire appel à 2 artistes, Stef Fabio et Fred Wajeman, pour la conception des cyborgs du film. Notamment celui de l’endosquelette du C-9000 que l’on voit lors de la scène finale et qui était piloté grâce à un système de harnais posé sur les épaule d’un opérateur. en ce qui concerne les maquettes miniatures, nous avons dû les fabriquer nous-mêmes avec l’aide de quelques amis et la famille, et une bonne dose d’ingéniosité par manque de budget.
Au-delà du travail impressionnant sur la photographie, le film met en scène des décors et des armes so eighties et tellement iconiques. Comment avez-vous déniché ces lieux de tournage et ces accessoires ?
La lumière est signée Jérémy Vazzoli avec qui nous formions un duo sur le tournage : lui s’occupait de la photographie et moi du cadre et de la réalisation. Nous avons également été aidés par des amis comme Eric Goron qui s’est occupé des prises de vues au drone par exemple. Concernant les armes et accessoires, par souci d’économies, il s’agit en réalité de jouets Nerf que nous avons peint et customisé : ça fait la blague rétro-futuriste... et le reste relève de la magie du cinéma. Le reste a été fabriqué par Stef Fabio notre accessoiriste, c’est à lui que l’on doit la sulfateuse qui est une réplique de celle de Terminator 2. Le film a été tourné essentiellement dans des anciennes friches abandonnées, ici dans le sud de la France, que je connaissais bien : parfois les tournages nous amenaient jusqu’à la tombée de la nuit, ce qui donnait une atmosphère vraiment glauque. Mais tous les comédiens et l’équipe ont vraiment été super. Il y avait une
très bonne ambiance, même quand c’était rude. Mention spéciale aux copains et cascadeurs qui étaient dans le costumes du cyborg, et qui pouvait à peine respirer. Et une pensée aussi à Matthieu Trintignac (Booker dans le film) qui a réalisé ses scènes d’actions dans des Rangers deux pointures en dessous de la sienne pendant une journée !
Parlez-nous du travail sur le son, la musique et les voix qui font appel à de grands noms du doublage ?
Le son du film a été intégralement refait en post-production : bruitages, voix, etc. Notamment parce que nous devions produire deux versions du film, l’une en français et l’autre en anglais. Je me suis occupé de tout le montage son, des frottements de blouson au bruit de pas en passant par les fusillades ou explosions.
Dès le départ, le projet devait être un hommage aux années 80 et 90 et cela passe forcément par le choix de la VF. Etant un grand fan des comédiens de doublages, j’avais très envie d’inviter les héros du doublage de films et séries de mon enfance. C’est ainsi que l’on peut entendre dans Cyborg : Deadly Machine les comédiens Michel Vigné que j’adore dans des films comme Road House ou The Killer, Jeff Vlerick pour son interprétation du robot Johnny 5 du film Short Circuit à qui le personnage de Barry fait référence, Eric Legrand et Mark Lesser pour les séries animées comme Saint Seiya ou bien Dragon Ball Z absolument culte. Nicolas Gruber, un comédien qui possède plusieurs capacités d'interprétation, est venu compléter ce casting voix all-star : sur la première scène, il interprète à lui tout seul tous les personnages de l’équipe de Stacy c’est assez bluffant, tout en rendant hommage à d’autres personnalités du monde du doublage français. Ce qui m’a réellement impressionné, c’est la disponibilité de chacun et leur incroyable gentillesse, en plus d’avoir accepté de participer aussi rapidement. Le film leur est clairement dédié.
La musique du film est composée par deux artistes de Synthwave avec qui nous avons l’habitude de travailler, tout d’abord Meteor un artiste Colombien et le français Fixions. La bande-son inspirée par Brad Fiedel, est très orientée retrowave et cyberpunk pour coller avec l ‘univers des machines. Nous avons également fait enregistrer une chanson-titre spécialement pour le générique de fin par Meteor et le chanteur rock new-yorkais Magic Dance dans un esprit très 80s. La bande originale sera d’ailleurs éditée en vinyle et cassette.
Et pour les quelques inserts sanglants qui renvoient aux grandes heures de "Predator" et "Predator 2", s'agit-il d'effets spéciaux... ou de vrais restes de viandes récupérés en boucherie ?
Nous avons utilisé principalement du maquillage, mais c’est vrai que notre régisseuse Ana connait un bon boucher...
Vous proposez à nouveau, après le court métrage "Rage of Fire 2", une séquence géniale en rétro-gaming. Comment avez-vous développé cette scène ?
C’est un peu devenu un incontournable dans nos productions, une sorte de signature Masebrothers. Nous avions l’an dernier réalisé un vidéo-clip pour le groupe de metal Dragon Force en créant un jeu fictif, le groupe nous ayant contacté après avoir vu Rage of Fire 2 justement. On s’est dit que ce serait bien d’avoir une nouvelle séquence de jeu dans Cyborg : Deadly Machine mais à condition que ça ait du sens et qu’elle ne vienne pas dans le film par hasard, et nous avons eu une idée assez cool pour l’amener intelligemment. Cette séquence entière est l’oeuvre de Jérémy Vazzoli, notre arme secrète chez Masebrothers qui avait déjà réalisé celle de Rage Of Fire 2 et de Dragon Force.
"Cyborg : Deadly Machine" a été présenté en public à Toulon juste avant le confinement, quel a été l'accueil ?
L’avant-première à Toulon a été incroyable, malgré le contexte et les restrictions auxquelles nous avons échappé de justesse. Nous avions carte blanche et avons proposé au public une véritable immersion dans un cinéma des 90s avec en guise d’introduction une sélection de fausses pubs et bandes-annonces made in Masebrothers et notre équipe de cascadeurs (Team Cascade 31) est venue de Toulouse pour offrir
au public une démo combat sur scène juste avant le film. Le public a adoré et j’espère avoir l’occasion de pouvoir refaire ce genre de projection à l’avenir.
"Cyborg : Deadly Machine" est désormais lancé... A quand le long métrage ?
On va déjà voir si le film trouve son public. Un long métrage c’est une idée... à condition d’être bien accompagnés !
Qu'est-ce qui vous plaît tant dans cette cinéphilie "vidéoclub 80/90", sur la forme comme sur le fond ? C'est une approche du cinéma que vous ne retrouvez plus dans la production actuelle ?
Je vais parler en mon nom, et pour le cinéma d’action et de science-fiction que j’affectionne tant. Je continue de penser qu’à cette époque-là, nous avions droit à de vrais films d’artisans, de vraies cascades, de vraies explosions, des oeuvres faites à la main par des plasticiens, maquilleurs, décorateurs ou maquettistes... Que le cinéma était plus audacieux qu’aujourd’hui, peut-être plus fou, et surtout plus créatif. C’était aussi une certaine époque, plus sereine que la nôtre finalement.
Rage of Fire II, le précédent film Masebrothers