"Depuis sa mort, l'absence de River se fait ressentir à Hollywood", écrit l'auteur Gavin Edwards dans Last Night at the Viper Room, le livre dédié à l'acteur, publié en 2013. Lorsqu'il succombe à une overdose devant les portes d'un club branché de West Hollywood, le 31 octobre 1993, River Phoenix, vingt-trois ans, laisse derrière lui une carrière prestigieuse et de nombreux projets, dont un film inachevé, Dark Blood de George Sluizer, tourné à 80%.
Avec seulement quatorze films à son actif et quelques apparitions à la télévision, la star est parvenue à marquer les esprits à travers des rôles mémorables qui continuent d'inspirer de nombreux cinéastes. Ce 23 août 2020, l'acteur aurait fêté son cinquantième anniversaire. Pour mieux le comprendre, retour sur trois films importants de sa filmographie.
Mosquito Coast (1986)
1986 est une année importante dans la carrière de River Phoenix. Un an après sa première apparition au cinéma dans le film de science-fiction de Joe Dante, Explorers, il incarne Chris Chambers dans le chef-d'œuvre culte de Rob Reiner, Stand by Me. Cette adaptation d'une nouvelle de Stephen King reste, encore aujourd'hui, l'un de ses films les plus notables. La même année, Peter Weir l'engage pour Mosquito Coast. Dans ce drame familial, Harrison Ford interprète un père caractériel qui, écœuré par le système capitaliste des États-Unis, décide d'emmener sa famille vivre dans la jungle, en Amérique centrale.
Par bien des aspects, l'histoire de Mosquito Coast rappelle étrangement la vie de River Phoenix. Dans les années soixante-dix, l'acteur et sa famille ont déménagé en Amérique latine pour promouvoir les Enfants de Dieu, secte à laquelle ils appartenaient. "Je connaissais très bien ce personnage puisque j'ai été lui. Je connaissais tout de son parcours", déclare-t-il. Tourné au beau milieu de la jungle, le film est également l'occasion pour le comédien d'expérimenter une autre manière d'approcher son rôle : il s'immerge totalement dans la peau du héros, au point d'en oublier sa propre personnalité.
À sa sortie, Mosquito Coast est un échec, mais confirme l'immense talent du jeune acteur. Devant la caméra, il réussit même à éclipser ses deux costars, Helen Mirren et Harrison Ford. Ce dernier est tellement impressionné par le jeu de l'adolescent qu'il convaincra Steven Spielberg de le choisir pour jouer une version jeune d'Indiana Jones dans le troisième film de la franchise : Indiana Jones et la Dernière croisade. Le film, sorti en 1989, sera son seul blockbuster.
À bout de course (1988)
Après une comédie pour adolescents, Jimmy Reardon, et un film policier, Little Nikita, aux côtés de Sidney Poitier, River Phoenix tourne sous la direction de Sidney Lumet dans À bout de course. Il y signe le plus beau rôle de sa carrière. L'histoire suit la vie d'un jeune garçon, Danny Pope, contraint de suivre ses parents, deux anciens militants contre la guerre du Vietnam recherchés par le FBI.
Là encore, il est question du thème de la famille et les parrallèles avec la vie de l'acteur sont nombreux. Pourtant, il réfute en bloc : "Les gens pensent que les Popes [la famille du film] sont comme mes parents, mais c'est faux. Mes parents n'ont jamais été des fugitifs." Il admettra, malgré tout, une connection entre lui et son personnage. "Je pense que c'est ce qui m'a séduit dans le script dès le départ." Magnétique et plus vrai que nature, River Phoenix porte le long métrage sur ses épaules.
Très soucieux du moindre détail, il a même appris à jouer du piano pendant six mois avant le début du tournage. Un perfectionnisme qui finit par payer car, en 1989, il est nommé à l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle. Kevin Kline remporte le prix, mais cette nomination impose River Phoenix dans la cour des plus grands. Il n'a alors que dix-neuf ans.
My Own Private Idaho (1991)
Devant la caméra de Gus Van Sant, la star continue de se fier à son instinct et se dirige, une nouvelle fois, vers un cinéma plus exigeant. À cette époque, le metteur en scène n'a réalisé que deux films, Mala Noche et Drugstore Cowboy, qui avait conquis River Phoenix. Avec My Own Private Idaho, il donne la réplique à Keanu Reeves et incarne un prostitué narcoleptique à la recherche de sa mère. Sa performance impressionne et émeut - notamment grâce à une scène de déclaration d'amour autour d'un feu. Plus sensible et hypnotique que jamais, l'acteur devient, grâce à ce film, l'une des figures marquantes du cinéma LGBT.
Pour se glisser dans la peau de Mikey Waters, le héros, River Phoenix va encore plus loin dans le method acting. Il s'installe chez Gus Van Sant et fréquente l'un de ses amis narcoleptiques. À Portland, il suit des travailleurs du sexe dans leur quotidien et s'essaye même à plusieurs drogues dures. Sur un cahier, il écrit des notes et invente tout le passé de son personnage. Lorsque le tournage s'achève, l'acteur décide de brûler les pages avant de passer à un autre rôle.
Des mois après la sortie de My Own Private Idaho dans les salles, de nombreux spectateurs regrettent son absence dans les catégories aux Oscars. Pour beaucoup, le film offrait, comme c'était peu souvent le cas, une meilleure représentation de l'homosexualité. L'acteur devait recroiser la route de Gus Van Sant pour un autre projet : le biopic sur Harvey Milk, homme politique ouvertement gay et assassiné en 1978. Robin Williams devait incarner le rôle-titre, tandis que River Phoenix devait jouer celui de Cleve Jones. Finalement, le film ne se fera qu'en 2008 avec Sean Penn et Emile Hirsch.