Alors que la mini-série Mrs America vient de s’achever sur Canal+, coup de projecteur sur ce qui s’apparente à une nouvelle tendance, ou à tout le moins, un certain engouement : celui de faire appel à des signatures françaises pour réaliser des épisodes de séries américaines, ou à la production internationale comme The Eddy actuellement disponible sur Netflix.
Entre les noms de Cate Blanchett, Rose Byrne, Uzo Aduba ou Dahvi Waller, en l'occurrence la créatrice de Mrs. America, peut être avez-vous également relevé, au générique de la série, le nom de Laure de Clermont-Tonnerre. Elle était précisément réalisatrice des épisodes 6 et 7, parmi une équipe de metteurs en scène, en majorité féminine. Cette cinéaste a récemment sorti son premier long métrage, Nevada, film remarqué à Sundance, parrainé par Robert Redford, et parmi les productions françaises s’étant le mieux exporté en 2019. Précisons que la cinéaste française, implantée aux Etats-Unis, a récemment mis en scène des épisodes de la série The Act, avec Patricia Arquette, prochainement disponible sur Canal+.
Juste avant cette série, c’était le nom d’Houda Benyamina, remarquée il y a quelques années à Cannes avec Divines, qui nous sautait aux yeux au générique de The Eddy, série arrivée début mai sur Netflix. Comme Laure de Clermont-Tonnerre, la cinéaste a réalisé deux épisodes de cette production internationale. Si les épisodes ont été tourné à domicile, dans le quartier de Belleville à Paris, cette série Netflix peut s’enorgueillir d’une distribution internationale, avec également Damien Chazelle (également créateur du show), Alan Poul et Laïla Marrakchi parmi ses réalisateurs.
En début d’année, on se souvient aussi avoir vu M. Night Shyamalan poser sur les réseaux sociaux aux côtés de Julia Ducournau, réalisatrice du premier long remarqué Grave, et dont on attend Titane avec impatience. Julia Ducournau a réalisé les deux premiers épisodes de la saison 2, dont on ne connait pas encore la date de diffusion en France.
Comme Houda Benyamina, Julia Ducournau appartient à la nouvelle génération de réalisatrices, remarquée récemment en section parallèle à Cannes. Même profil pour Deniz Gamze Ergüven qui multiplie les collaborations aux Etats-Unis : après Mustang, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2015, la cinéaste formée à la Fémis, a tourné un long métrage en anglais avec Halle Berry et Daniel Craig, Kings, sorti en avril 2018. Mais ce que l'on sait moins, c'est qu'elle a aussi mis en scène plusieurs épisodes de The Handmaid's Tale (deux épisodes de la dernière saison diffusée), mais aussi deux épisodes de The First pour Hulu, et elle reviendra à la fin de ce mois de juin avec la série Perry Mason dont elle a réalisé trois épisodes. Perry Mason arrive en France dès le 22 juin sur OCS.
Prochaine réalisatrice française qui apposera son nom au générique d'une série internationale : il s'agit d'Eva Husson, dont Bang Gang, son premier long métrage, avait fait sensation à Toronto. Son second long métrage Les Filles du soleil s'est hissé en compétition à Cannes en 2018. Contactée, elle nous a confié avoir travaillé sur la saison 2 de Hanna pour Amazon Studios, en assurant la réalisation des trois premiers épisodes (David Farr et Ugla Hauksdóttir ont mis en scène les épisodes suivants). La série, inspirée du long métrage de Joe Wright, arrivera sur Amazon Prime dès le 3 juillet prochain.
Selon Eva Husson, ces productions de série sont attirées par la vision de cinéma associée aux réalisatrices récemment sollicitée. Mais elle souligne d'emblée qu'il s'agit souvent de cas particuliers, puisque ces séries ne sont pas forcément implantées aux Etats-Unis (Eva Husson en l'occurence a tourné à Londres pour Hanna; Houda Benyamina était à Paris pour The Eddy), et certaines des réalisatrices françaises convoitées sont déjà basées aux Etats-Unis, comme Laure de Clermont-Tonnerre ou Deniz Gamze Ergüven. Les séries sont en tout cas attirées par une patte, et le prestige du nom associé à ces cinéastes. Selon Eva Husson, cela fait partie du marketing de ces séries, pouvant ainsi y mettre un sceau auteur ou "indé".
"C’est compliqué pour les auteurs de travailler dans le système qui est en train de se mettre en place en terme de rythme de production. On aime notre vision grâce à des méthodes de travail qui sont clairement des méthodes de travail de ciné, des temporalités de ciné, des marges de manœuvre, des subjectivités de cinéma". Selon la cinéaste, "la télé est vraiment le royaume du scénariste et du producteur. Nous sommes vraiment au service de ça. Ce n’est pas un souci quand vous êtes créateur du show, et que vous avez un écosystème qui vous convient. Mais il y a un peu une omerta sur la réalité du travail quand ce ne sont pas des gens qui se sont choisi mutuellement", concède-t-elle. Et de rappeler à titre d'exemple la mésaventure connue par la cinéaste britannique Andrea Arnold sur la saison 2 de Big Little Lies, dont on dit qu'elle aurait été mise sur la touche en raison de différents artistiques.
Verra-t-on les collaborations se multiplier ces prochains mois entre la France et les Etats-Unis ? La crise du Covid pourrait porter un coup d'arrêt à cet engouement, en particulier si les tournages sont implantés outre-Manche où une mise en quarantaine est obligatoire dans un sens comme dans l'autre depuis la France. Le spectre d'une seconde vague du virus devrait aussi ralentir ces passerelles entre pays et cinéastes. "Ce qui se passe va forcement changer les projets, résume Eva Husson. Les Britanniques vont rester en Angleterre; de même, les Américains restent aux Etats-Unis." Cela pourrait-il inciter davantage de cinéaste de cette génération à tourner de séries en France ? Et ainsi emboiter le pas, par exemple, de Rebecca Zlotowski avec la série Les Sauvages pour Canal+ (actuellement en préparation de la saison 2) ou de Lucie Borleteau, qui avant l'adaptation de Chanson douce au cinéma, dévoilait la série Cannabis pour Arte.
Le teaser de la saison 2 de la série Hanna, dont les trois premiers épisodes ont été réalisés par Eva Husson :