À l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée chaque année le 3 mai, AlloCiné décide de se replonger dans ces films qui mettent en scène le journalisme et ceux qui se battent pour faire circuler l'information. Qu'elles s'intéressent à de simples reporters ou à des correspondants de guerre, à travers le prisme du thriller ou du biopic, nombreuses ont été les œuvres à avoir marqué l'histoire du cinéma. Parmi les plus emblématiques, on pense bien sûr au film d'Alan J. Pakula, Les Hommes du Président, qui revient sur l'affaire du Watergate, mais aussi à Good Night, and Good Luck de George Clooney, ou encore Le Syndrome chinois de James Bridges, dans lequel Jane Fonda incarne une journaliste enquêtant sur une centrale nucléaire.
Sorti récemment, en 2019, Camille de Boris Lojkine avait également séduit les spectateurs grâce à son portrait de la photojournaliste Camille Lepage. Cette dernière, incarnée à l'écran par Nina Meurisse, avait été tuée en Centrafrique par les ex-Seleka, en 2014. Elle avait 26 ans. La sélection qui suit reflète les choix personnels d'une partie de la rédaction sur les meilleurs films consacrés à ce sujet :
Le gouffre aux chimères (1951)
Près de soixante-dix ans après sa sortie, Le Gouffre aux chimères, réalisé par Billy Wilder (Certains l'aiment chaud, Sabrina...), trouve toujours un écho très actuel. Le film porté par le regretté Kirk Douglas, décédé en février dernier à l'âge de 103 ans, suit Charles Tatum, un journaliste sans scrupule, prêt à tout pour exploiter le filon d'une affaire qu'il suit pour son journal. Le reporter va en effet découvrir un homme, coincé au fond d'une galerie effondrée du Nouveau-Mexique. Tatum va faire en sorte de gagner sa confiance pour mieux tirer profit de la situation... Un film captivant, qui a très peu vieilli et qui ne redore pas le blason de la profession de journaliste, bien au contraire. Il permet néanmoins de s'interroger sur le rôle que les reporters peuvent jouer en tant que témoin de certaines situations, ou en tant que lanceur d'alerte.
Zodiac (2007)
Adapté du livre de Robert Graysmith, dessinateur de presse au San Francisco Chronicle, Zodiac est un thriller sombre et glaçant sur le serial killer qui a terrorisé l'Amérique dans les années 1970 en s'en prenant à de jeunes couples. Il a la particularité de suivre le point du vue de Graysmith (Jake Gyllenhaal), devenu obsédé par l'enquête pour retrouver l'assassin qui envoyait des messages codés aux journaux pour surfer sur sa notoriété, plutôt que celui des forces de police (dont l'inspecteur est incarné par Mark Ruffalo). En observant en marge de l'enquête les conséquences sur la vie personnelle de Graysmith, entâchée par ses recherches compulsives, David Fincher questionne la notion de fascination que l'on éprouve vis-à-vis des tueurs en série; une réflexion qu'il continuera à développer dix ans plus tard dans la série Mindhunter.
Spotlight (2015)
Oscar du Meilleur film en 2016, Spotlight est adapté de faits réels et retrace la fascinante enquête des journalistes du Boston Globe qui a mis au jour un scandale impliquant des prêtres pédophiles couverts par l’Eglise Catholique. Le titre du film fait référence au nom donné à l'équipe d’investigation du journal qui a travaillé pendant un an sur cette affaire, interrogeant les victimes d'abus sexuels et révélant que l'institution catholique avait protégé leurs bourreaux pendant des décennies. Leur article, publié en janvier 2002 et couronné par le prix Pulitzer en 2003, a permis de libérer la parole et déclenché une vague de révélations dans le monde entier.
Le film de Tom McCarthy, dont le script figurait sur la black list des meilleurs scénarios cherchant un producteur, est porté par un casting cinq étoiles (Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams, Liev Schreiber... tous sont parfaits) et sa narration est extrêmement bien ficelée. Le réalisateur ne cherche jamais le sensationnalisme et choisit de reprendre les codes du polar et du thriller, pour faire ressentir au spectateur l'intensité du travail de ces reporters prêts à investir toute leur énergie dans la mission qu'ils se sont fixés : informer leurs lecteurs coûte que coûte et faire éclater la vérité.
Pentagon Papers (2017)
Film contemporain le plus récent de Steven Spielberg, après sa relecture de l'abolition de l'esclavage par Lincoln (2012) et d'un incident historique au cours de la Guerre froide avec Le Pont des Espions (2015), Pentagon Papers se focalise sur une affaire d'État mise en lumière par le Washington Post au début des années 1970. Le journal enquête sur la dissimulation d'informations de la part du gouvernement américain au sujet de l'enlisement de la guerre du Vietnam. Cette révélation, deviendra l'un des premiers scoops de l'histoire du journalisme aux Etats-Unis. Servi par un duo d'acteurs au sommet (Meryl Streep et Tom Hanks) et une mécanique narrative implacable, le film de Spielberg est d'une douloureuse actualité, et montre avec beaucoup de pédagogie la nécessité absolue de la survie du journalisme en pleine ère trumpiste.
Sympathie pour le diable (2019)
Pour son premier film, le réalisateur Guillaume de Fontenay s'intéresse au reporter de guerre Paul Marchand, en adaptant son livre, Sympathie pour le diable, publié en 1997. Le film, qui a mis plus de deux décennies à se faire, retrace le parcours du journaliste français durant le siège de Sarajevo en 1992. D'une grande maîtrise, le biopic trouve sa force dans ses images froides, sa violence brute, mais aussi dans la performance bluffante de Niels Schneider, qui prête ses traits au correspondant. L'acteur québécois sera auréolé du Prix de la Meilleure interprétation masculine au Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz, en 2019.
Tourné à Sarajevo, Sympathie pour le diable parvient à récréer avec beaucoup de réalisme le cauchemar et les conditions de travail des reporters, qui vivent au rythme des bombardements. Le film réussit également à éveiller les consciences et à créer un dialogue chez les spectateurs en abordant les conséquences traumatiques de ces hommes et femmes qui risquent leur vie pour rendre l'information accessible. Paul Marchand, lui-même, a participé à la conception du scénario, avant de mettre fin à ses jours en 2009.
Écoutez la bande-originale de "Pentagon Papers" composée par John Williams :