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    Sympathie pour le diable sur Canal+ : rencontre autour du film choc

    Primé au Festival de Saint-Jean-de-Luz, Sympathie pour le diable plonge le spectateur en plein siège de Sarajevo en 1992 couvert par le reporter de guerre Paul Marchand. Rencontre avec le réalisateur Guillaume de Fontenay et l'acteur Niels Schneider.

    Shayne Laverdière/Monkey Pack Films/Gofilms

    Figure du journalisme rebelle, provocatrice et passionnée, Paul Marchand est un reporter de guerre pourtant méconnu en France qui a notamment couvert en indépendant le siège de Sarajevo dans les années 1990. Parti s'installer au Canada après avoir reçu une balle d'un sniper, le journaliste a écrit plusieurs livres dont "Sympathie pour le diable", paru en 1997, qui a profondément marqué Guillaume de Fontenay. Quelques années après, s’ensuit un parcours du combattant pour le réalisateur, qui a fait ses armes au théâtre et dans la publicité, pour rencontrer Paul Marchand afin de mettre en scène son histoire.

    Sympathie pour le diable
    Sympathie pour le diable
    Sortie : 27 novembre 2019 | 1h 40min
    De Guillaume de Fontenay
    Avec Niels Schneider, Ella Rumpf, Vincent Rottiers
    Presse
    3,9
    Spectateurs
    4,0
    louer ou acheter

    UN PROJET DE LONGUE DATE

    C'est à partir de 2006 que Guillaume de Fontenay se lance dans l'écriture du scénario avec l'aide de Paul Marchand jusqu'en 2009. Mais il aura fallu attendre 2019 pour que le film soit enfin en boite et sorte en salle. Le cinéaste se confie : "Cela a été difficile mais il était hors de question que je lâche l'affaire. La mort de Paul a été un choc [il s'est suicidé en juin 2009, ndlr]. C'est une dette que j'avais envers lui de sortir le film mais aussi envers les Bosniens. C'est une guerre qui m'a beaucoup touché dès 1992 lorsque j'ai vu ce qu'il se passait là-bas, ça a été une grosse baffe. J'ai un pote qui était casque bleu et ça m'a bouleversé de voir que pendant quatre ans, on a laissé faire ce siège."

    À cette époque, Paul Marchand est l'un des reporters qui raconte Sarajevo à la radio et à la télévision. Guillaume de Fontenay se souvient de cet homme comme si c'était hier : "Sa voix m'a marqué, très particulière, lorsqu'il a couvert Sarajevo. Cette façon de dire les choses. D'entendre les archives de Paul qui disent 'tout ça sous le regard impassible de la communauté internationale', je trouve que c'est une dénonciation sur des grandes chaînes qu'on ne retrouve pas ailleurs". Derrière le masque, les cigares et la posture provocatrice, Guillaume de Fontenay comprend que Paul Marchand est un "écorché vif avec une intelligence extraordinaire et une plume exceptionnelle."

    Shayne Laverdière Monkey Pack Films Gofilms

    L'élément déclencheur est la lecture de "Sympathie pour le diable" en 1997. Pour Guillaume de Fontenay, c'est "un coup de poing dans la gueule". À cette époque-là, le cinéaste voulait en faire une pièce de théâtre avec "Paul assis sur une chaise où il raconte son histoire pendant une heure, entouré de débris de guerre, une voiture calcinée et des téléviseurs qui passent les news. Ça aurait été très percutant, c'est dommage qu'on ne l'ait pas fait, peut-être qu'on le fera avec Niels."

    NIELS SCHNEIDER EN PAUL MARCHAND, "UNE ÉVIDENCE"

    Justement, l'acteur franco-canadien s'est imposé "comme une évidence". Récompensé du Prix d'Interprétation Masculine au Festival de Saint-Jean-de-Luz et du Clion du meilleur comédien au Festival de Waterloo, Niels Schneider a appris à connaître Paul Marchand grâce à son bouquin, à de multiples archives, mais aussi en discutant avec celles et ceux qui ont partagé sa vie, comme la fixeuse et interprète Boba Lizdek, toujours vivante, qui a accompagné le tournage, les autres reporters qui ont travaillé avec lui et les Bosniens qui l'ont rencontré lors de la guerre. Niels Schneider, qui s'est toujours tourné vers des personnages ambigus et complexes, "ne pouvait pas passer à côté de ce personnage complexe entre sa dureté et son humanité" comme il nous l'explique :

    "C'est un paradoxe sur pattes et c'est ce type de personnages qui est intéressant à jouer. Paul n'est pas une figure connue dans l'imaginaire collectif et je ne voulais pas rentrer dans l'imitation parce que ce n'est pas un biopic mais je voulais faire un vrai travail d'incarnation. C'est un personnage qui m'a totalement bouleversé et j'ai mis du temps à m'en détacher. Je continuais à fumer des cigares après, je portais encore ses vêtements pendant encore quelques semaines, je voulais même ramener sa voiture à Paris."

    Shayne Laverdière Monkey Pack Films Gofilms

    Pour Niels Schneider, le tournage à Sarajevo a été fort émotionnellement avec une moitié d'équipe bosniaque impliquée, bienveillante et encore marquée par la guerre. L'acteur de 32 ans se souvient d'un figurant qui a perdu sa jambe pendant la guerre et qui a rejoué cette scène avec le largage d'un obus. "C'est un peuple qui m'a touché et on se sent vraiment très petit face à ce qu'ils ont vécu. Par ailleurs, les correspondants de guerre qui étaient à Sarajevo m'en ont parlé avec beaucoup de nostalgie même s'ils ont été témoins des pires atrocités."

    UN FILM ENGAGÉ

    Même si Sympathie pour le diable traite d'une guerre passée, Guillaume de Fontenay considère que le film est "toujours d'actualité parce que Sarajevo c'était une guerre dont on se foutait, et c'est malheureusement le miroir de ce qu'il se passe aujourd'hui en Syrie où les morts des civils sont passées sous silence. On a des présidents qui parlent de 'fake news', qui emprisonnent des opposants politiques, c'est fait au vu et au su de tous. Je pense que nos démocraties sont en péril et que le métier de journaliste doit retrouver ses lettres de noblesse."

    Et son cri du cœur politique, le cinéaste franco-canadien le fait passer à travers la figure de Paul Marchand qu'il s'est malgré tout refusé d'ériger en héros. Sa mise en scène, brute et à hauteur d'homme, se veut aussi très réaliste et proche du métier de journaliste : "J'ai eu le temps de voir beaucoup de documentaires, de photos de guerre, c'est très carré, direct, c'est une information qui passe. J'ai essayé de faire la même chose dans le film avec une approche humble et presque impressionniste pour ne pas étirer la violence et ne pas être complaisant."

    De Sympathie pour le diable résulte un récit percutant qui tiendra le spectateur en haleine et le fera réfléchir. Le film, qui a fait la tournée des festivals, n'a pourtant pas été sélectionné au Sarajevo Film Festival jugé "trop violent pour être passé dans la salle principale" si l'on en croit l'explication donnée. Après Sympathie pour le diable, Guillaume de Fontenay devrait réaliser d'autres films politiques portés par des personnages aussi forts et charismatiques que Paul Marchand.

     

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