Il a déserté l’armée
Marqué par une enfance difficile (né d’une union illégitime, il est élevé par sa grand-mère puis retrouve le foyer familial où se nouent des relations complexes avec sa mère), François Truffaut devient très vite adepte de l’école buissonnière, un comportement qui aura une influence certaine sur sa scolarité catastrophique. Son passé de cancre ne lui laisse alors que peu de perspectives d’avenir et le cinéma et la lecture deviennent alors pour lui des refuges.
Après plusieurs passages en maison de correction (épisode qui aura grandement influencé l’intrigue des Quatre cents coups) et même en prison pour le vol d’une machine à écrire, François Truffaut traîne une réputation d’asocial, ce malgré la rencontre décisive de plusieurs personnalités qui joueront par la suite un rôle décisif dans sa carrière de cinéaste, parmi lesquelles celle du journaliste André Bazin.
Après plusieurs déceptions amoureuses et professionnelles, il tente de mettre fin à ses jours en 1950. Sauvé in extremis, il décide de s’engager dans l’armée avec l’espoir d’être tué au combat en Indochine. Plusieurs fois mis à pied pour insubordination, il tente de se faire réformer en prétextant la folie et va même déserter de son poste, un acte de rébellion qui lui coûtera une nouvelle peine d’emprisonnement. Il est finalement réformé à l’automne 1951 sur l’intervention d’André Bazin, qui va accueillir chez lui le jeune François Truffaut et jouer pour lui le rôle de père de substitution (il ne connaissait alors pas son père biologique, Roland Truffaut ayant reconnu l’enfant à l’état civil bien que son épouse Jeanine était tombée enceinte avant leur rencontre).
Il était un critique de cinéma redouté
C’est donc André Bazin qui va activement aider François Truffaut à se réinsérer dans la vie professionnelle. Après une expérience mitigée au Ministère de l’Agriculture, Truffaut écrit plusieurs textes pour les Cahiers du cinéma avant de se voir offrir en 1953 un poste de rédacteur à plein temps. Avec les autres journalistes de l’époque – Claude Chabrol, Eric Rohmer, Jean-Luc Godard, Jacques Demy… - il va former la bande dite des "têtes de turc du cinéma français", renommée pour la postérité "la bande des Cahiers".
En guerre contre "une certaine tendance du cinéma français", Truffaut et ses collègues vont s’attaquer au "cinéma de papa", nom donné alors à une certaine forme d’institutionnalisation du cinéma français, et plus particulièrement aux films réalisés par des grands noms de l’époque comme Claude Autant-Lara et Pierre Bost. Avec une plume féroce et enfiévrée, François Truffaut et la bande des Cahiers vont défaire les codes cinématographiques de l’époque et promettre un vent de fraîcheur dans le paysage cinématographique, une tendance déjà annoncée par l’émergence du néo-réalisme italien dont les films ont reçu par ailleurs un accueil enthousiaste dans les Cahiers du cinéma, et seront par la suite à l’origine de l’esthétique des films de la Nouvelle Vague réalisés quelques années plus tard par ces mêmes "têtes de turcs".
Il est à l’origine d’A bout de souffle
Sorti en 1959, A bout de souffle a lancé la carrière de son réalisateur Jean-Luc Godard, considéré comme l’autre figure du mouvement cinématographique de la Nouvelle Vague. Pour autant, l’histoire aurait pu être totalement différente, puisque le long métrage est né d’une idée de… François Truffaut. A l’origine, un fait divers fait les gros titres de la presse 1954 après qu’un certain Michel Portail ait été abattu par la police au volant d’une voiture volée alors qu’il se rendait au chevet de sa mère malade.
De l’histoire originale, seuls quelques éléments ont été conservés pour apporter une dimension plus romanesque à cette cavale qui offrait à Jean-Paul Belmondo son premier rôle principal au cinéma. Mais bien que la première esquisse du scénario ait été signée François Truffaut (d’ailleurs crédité au générique du film), le projet a ensuite été grandement remanié par Jean-Luc Godard, au gré notamment d’un tournage en grande partie improvisée mais aussi d’audaces visuelles qui font encore aujourd'hui d’A bout de souffle un film révolutionnaire et majeur dans l’Histoire du cinéma.
Il a réalisé son premier film à 26 ans
François Truffaut n’avait que 26 ans lorsqu’il a tourné son premier film Les Quatre Cents Coups, récit largement autobiographique tiré de sa propre enfance. Le cinéaste a par la suite regretté que de jeunes cinéastes n’aient pas l’opportunité de tourner des films dans leurs jeunes années, considérant que le film aurait été tout à fait différent s’il l’avait tourné à 24 ou 28 ans. "J’ai toujours considéré que ce sont les trois premiers films qui sont les plus importants. Ce qui se tourne ensuite, ce n’est pas que cela n’est pas important, mais cela s’apparente davantage à une carrière." (citation extrait du documentaire François Truffaut : une autobiographie)
A l’image d’un Orson Welles, réalisateur de Citizen Kane au même âge, François Truffaut signait avec ce premier essai un coup de maître qui lui permit notamment de remporter le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes, mais également de lancer – au même titre qu’A bout de souffle de Jean-Luc Godard, Paris nous appartient de Jacques Rivette et Le Beau Serge de Claude Chabrol – les prémisses de la Nouvelle Vague.
Il a fait annuler le festival de Cannes en 1968
En 1968, l’écrivain et ministre de la culture André Malraux ordonnait la mise en retrait d’Henri Langlois de la Cinémathèque française ; cette décision a immédiatement entraîné une vive vague de contestation au sein du milieu cinématographique, avec de nombreuses manifestations menées par d’emblématiques figures comme François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Berri… Face à la pression médiatique, Henri Langlois est finalement confirmé dans ses fonctions le 22 avril 1968, une décision trop tardive pour éteindre l’incendie, l’affaire Langlois étant depuis considérée comme l’un des éléments déclencheurs des événements de mai 1968.
C’est donc dans un climat de contestation sociale particulièrement tendue que s'est ouvert le festival de Cannes de cette même année ; après qu’une réunion des États généraux du cinéma ait demandé l’annulation de l’édition par solidarité avec les grévistes, plusieurs cinéastes dont François Truffaut ont décidé de se rendree sur place afin d’interrompre la projection du long métrage Peppermint ; scène totalement surréaliste, le cinéaste Carlos Saura participa également au sabotage de la séance de son propre film ! Alors que plusieurs membres du jury décidèrent de démissionner de leurs fonctions en solidarité avec les frontistes, le délégué général du festival Robert Favre Le Bret annonçait le lendemain de cet événement l’annulation de cette 21ème édition.
Pour l'anecdote, les cinq films n’ayant pu être diffusés cette année ont finalement été projetés quarante ans plus tard lors de la 61ème édition du festival de Cannes !
ll a inspiré E.T. à Steven Spielberg
Sa présence au générique de Rencontres du troisième type peut parfois étonner, mais pourtant François Truffaut a été bien plus qu’un simple acteur dirigé par Steven Spielberg : le cinéaste français a été pour ce dernier un mentor et un modèle, mais également une source d’inspiration, en témoigne ce conseil suivi à la lettre par le réalisateur; particulièrement impressionné par son travail avec les enfants sur le plateau de tournage, Truffaut avait conseillé à Spielberg de "laisser tomber les extraterrestres et de se concentrer sur les enfants"
Un conseil loin d’être tombé dans l’oreille d’un sourd puisqu’il serait à l’origine de l’idée du film E.T., l’un des plus gros succès dans la carrière de Steven Spielberg, dont l'une des caractéristiques est d'avoir été filmé à la hauteur du point de vue des enfants face à des adultes en totale déconnexion avec la fantaisie et l'innocence qui leur sont propres.
Alfred Hitchcock lui doit sa renommée
On aurait tendance à l’oublier, mais il fut un temps où Alfred Hitchcock était un cinéaste boudé par la critique, ces derniers voyant surtout un technicien et non un artiste à l’oeuvre inestimable. Dès leurs années Cahiers du cinéma, Truffaut et Claude Chabrol furent les premiers à traiter les films d’« Hitch » comme des travaux de premier plan. Mais c’est finalement à travers la publication de ses célèbres entretiens que Truffaut permit d’offrir au cinéaste britannique toute l’estime et la reconnaissance qui lui reviennent, la rédaction de cet ouvrage figurant d'ailleurs parmi les plus projets les plus personnels de François Truffaut.
En 1984, quelques années après la mort d’Hitchcock et quelques mois avant sa propre disparition, l’auteur des Quatre Cents Coups s’était rendu sur le plateau de l’émission Apostrophe pour évoquer la mémoire et la personnalité d’un de ses maîtres du cinéma. Un extrait devenu célèbre à retrouver ci-dessous :
Il a écrit une lettre destructrice à Jean-Luc Godard
Jean-Luc Godard et François Truffaut son souvent considérés comme les deux piliers de la Nouvelle Vague. Proches comme des frères à leurs débuts, les deux hommes se sont peu à peu éloignés, à travers leurs films tout d’abord (l’oeuvre de Godard s’étant orienté vers l’expérimentation politique, celle de Truffaut vers le classicisme romanesque) puis dans leurs relations intimes, avec comme point d’orgue une lettre envoyée au cinéaste d’A bout de souffle devenue mythique pour son contenu.
Un contexte s’impose tout d’abord. Nous sommes en 1973 ; alors qu’il lui écrit pour une sombre histoire de financements, Jean-Luc Godard profite de l’occasion pour lui dire tout le mal qu’il pense de son dernier film La Nuit américaine qu’il qualifie notamment de "simpliste" et de "mensonger", insinuant en outre que la médiocrité du film justifierait à elle seule que Truffaut finance le projet de son "ami" (à ce stade, difficile pourtant de qualifier encore de la sorte les deux hommes).
Loin de se laisser démonter, François Truffaut répondait une lettre destructrice, s’ouvrant par ces mots restés célèbres : "Je sens le moment venu de te dire, longuement, que selon moi tu te conduis comme une merde." S’en suit un règlement de comptes en règle, où de nombreux épisodes du passé ressurgissent, si bien que plus jamais les deux hommes ne sont par la suite plus adressés la parole tant les différents qui les opposaient -et peut-être aussi une forme d’ego- n’ont pu être surmontés par le souvenir de l’amitié des débuts de leur carrière.
Plusieurs de ses scénarios ont été adaptés après sa mort
La mort prématurée de François Truffaut en 1984 (il n’était âgé que de 52 ans) ne lui a guère permis de concrétiser les dizaines de projets qu’il avait en tête. Certains d’entre eux ont néanmoins pu voir le jour de manière posthume, comme par exemple Belle époque, série de trois épisodes qui réunissait plusieurs habitués du cinéma de Truffaut : André Dussollier (Une belle fille comme moi), Claude Jade (cycle Antoine Doinel) et bien évidemment Jeanne Moreau.
En 1988, le cinéaste Claude Miller signait La Petite voleuse d’après un scénario inachevé de François Truffaut, et offrait à Charlotte Gainsbourg un rôle mémorable dans cette sorte de Quatre Cents Coups au féminin (la mère du personnage principal a d’ailleurs été nommée Janine d’après la propre mère du cinéaste, tandis que Michel Davenne tient son nom d’après le personnage incarné par Truffaut dans son film La Chambre verte).
Il possède le record du film le plus récompensé aux César
Unique film de François Truffaut récompensé aux César, Le Dernier Métro a néanmoins compensé cela en devenant en 1981 le premier long métrage à remporter 10 récompenses, dont celles du Meilleur film et du Meilleur réalisateur. Il s’agit d’ailleurs encore à ce jour d’un record, désormais co-détenu par le Cyrano Bergerac de Jean-Paul Rappeneau. Fait amusant, ces deux films ont également en commun leur acteur principal : Gérard Depardieu.
Le Dernier Métro et Cyrano de Bergerac détiennent également un autre record, celui d’avoir triomphé dans les cinq catégories les plus prestigieuses des César (Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur acteur, Meilleure actrice et Meilleur scénario). Seul Amour de Michael Haneke est parvenu depuis à réitérer l’exploit, un trio amené à demeurer éternel puisque de récentes réformes du règlement des César interdisent désormais à un même film de triompher dans les catégories Meilleur film et Meilleur réalisateur.
Catherine Deneuve sacrée Meilleure actrice aux César en 1981 :
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