2020 serait-elle l'année d'Harley Quinn ? En quelques semaines, le personnage DC Comics s'est illustré sur petit et grand écran grâce à une série animée à son nom et un film, Birds of Prey, qui tentent de lui redonner ses lettres de noblesse, elle dont l'image a été ternie par Suicide Squad en 2016. Car même s'il a rapporté 847 millions de dollars au box-office mondial, les critiques et spectateurs n'ont pas été tendres avec le long métrage signé David Ayer et dont Margot Robbie a été l'une des rares à tirer son épingle du jeu, quand bien même son personnage y était objectifié et mal traité dans son rapport au Joker.
Birds of Prey et Harley Quinn peuvent donc être vus comme des tentatives de rectifier le tir. Et tous deux le font en s'inspirant des comic books d'Amanda Conner et Jimmy Palmiotti parus pendant l'ère Renaissance (ou New 52 en version originale), reboot de l'univers DC né suite aux événements de "Flashpoint", qui voit Flash remonter le temps pour sauver sa mère sans se soucier des conséquences, et dont la parution s'est étendue entre août 2011 et mai 2016. Dans ces récits cartoonesques et déjantés au sein desquels elle se présente par moments comme l'homologue du Deadpool de Marvel dans sa manière de briser le quatrième mur et s'adresser aux lecteurs, l'acolyte du Joker devient une anti-héroïne désireuse de sortir de l'ombre de son patron et amant.
L'émancipation est donc le thème clé de la série et du long métrage, et faisait même partie du titre original de ce dernier avant que des résultats déçevants au box-office ne conduisent la Warner à simplifier le tout. Mais l'idée de fond reste la même et les deux oeuvres débutent par une rupture plus ou moins violente qui conduit Harley à se recentrer sur elle-même, non sans insister sur la toxicité de la relation qui l'unit au Joker dans le show supervisé par Justin Halpern, Dean Lorey et Patrick Schumacker, là où le film de Cathy Yan ne montre le Prince du crime que sur une cible destinée à la pratique du lancer de couteaux en appartement et des images de Suicide Squad, celles de la transformation d'Harleen Quinzel dans un bain d'acide, et sur lesquelles on ne distingue que ses cheveux verts.
Un retour aux sources en forme de remise à niveau qui s'avère également nécessaire pour marquer le contraste avec ce qui suit. Et on notera que Birds of Prey rend hommage aux origines du personnage d'Harley Quinn avec son prologue animé que l'on peut voir comme un joli clin-d'oeil à la série de 1992 dans laquelle la jeune femme a fait ses débuts, le 11 septembre, au coeur de l'épisode "Chantage à crédit" où elle ne devait être qu'un partenaire interchangeable du Joker dont la popularité a surpris jusqu'à ses créateurs Bruce Timm et Paul Dini, qui lui ont donné de plus en plus de place avant qu'elle ne prenne son envol dans les comic books.
L'émancipation a donc presque toujours fait partie de son ADN, et il n'est alors pas particulièrement étonnant que cette idée se retrouve dans les deux oeuvres la mettant sur le devant de la scène, l'une d'entre eux parvenant à renouer avec ses origines animées et l'ambiance des publications d'Amanda Conner et Jimmy Palmiotti, très aimées des fans. Là où Harley Quinn cherche surtout sa voie (et à rester en vie) dans Birds of Prey, tout en illustrant la réappropriation du personnage par son interprète Margot Robbie, devenue productrice, elle a pour but de devenir l'ennemi publique numéro 1 de Gotham City dans le show, en intégrant la Legion of Doom, pendant maléfique de la Justice League aperçue, entre autres, dans Legends of Tomorrow.
Une quête d'identité qui, dans les deux cas, passe par un mélange de violence et de gros mots destinant les résultats à des publics adultes aux États-Unis. Et un changement de look hautement symbolique : plus encore que dans le prologue de Birds of Prey, où il s'agit avant tout d'un clin-d'oeil, Harley Quinn porte la tenue d'harlequin de ses débuts dans une bonne partie du pilote de son show. Et c'est suite à la trahison du Prince clown du crime, beaucoup plus obsédé par l'Homme Chauve-Souris que par sa compagne, qu'elle renouvelle sa garde-robe et son style capillaire, pour bien marquer son désir d'indépendance, dans son esprit comme celui des autres. Ce qui n'est pas sans complication : "Tu crois qu'on a peur de la gonzesse du Joker ?", s'entend dire le personnage doublé par Kaley Cuoco dans la série animée, tandis que Margot Robbie se retrouve confrontée à une poignée de malfrats qui se sentent libres de l'attaquer lorsqu'ils apprennent qu'elle n'est plus protégée par la némésis de Batman.
GOD SAVE THE QUINN
Beaucoup plus ouvertement féministe (jusque dans sa façon de castrer les hommes et/ou leur briser les genoux) et inscrit dans l'époque #MeToo tout autant que dans une volonté de féminisation du blockbuster, Birds of Prey s'articule autour d'une trame simple et joue la carte de la sororité en associant l'anti-héroïne à quatre autres femmes (Huntress, Black Canary, Renee Montoya et Cassandra Cain). Dans Harley Quinn, la série, il y a certes sa colocataire Poison Ivy, mais ses partenaires sont majoritairement masculins. Si tant est que l'on puisse le dire ainsi, puisque le groupe comporte un homme-requin et Gueule d'Argile, masse de terre glaise avide d'effets et déclamations dramatiques, capable de prendre l'apparence de n'importe qui. Mais surtout, l'ombre du Joker y plane davantage que dans le film de Cathy Yan.
Le grand méchant réapparaît d'ailleurs à intervalles réguliers, pour tester les convictions d'Harley, et ses interventions font office d'étapes dans son cheminement, jusqu'au face-à-face final riche en symboles, à commencer par ce moment où le clown lui demande de remettre son costume d'origine, pour lui faire plaisir. Au vu de ce qui a été développé durant treize épisodes, le choix de l'ex-psychiatre n'est pas bien difficile à deviner, mais il apparaît comme le point final de sa recherche d'émancipation dans une série qui lui permet de prendre ses distances avec les héros et méchants de l'univers DC dans lequel elle est né. Comme au cinéma, où le long métrage porté par Margot Robbie est d'ailleurs devenu Harley Quinn : Birds of Prey aux États-Unis.
S'agit-il d'un hasard ou d'une manière de doubler les chances de redorer le blason de celle qui est devenue une icône de la pop culture en moins de trois décennies ? La vérité se trouve peut-être entre les deux. Car si la série animée, lancée fin novembre 2019, reprend l'introduction des films du DC Extended Universe, le casting n'est pas le même et le récit part d'un point de départ semblable à celui du film, pour ensuite s'orienter dans une autre direction. Mais on notera que les deux adaptations se rejoignent sur le ton, même si les auteurs vont plus loin sur le petit écran que sur le grand, ainisi que la source d'inspiration principale. Ils ne sont étrangement cités dans aucun des génériques, dans la mesure où il ne s'agit pas d'adaptations d'histoires précises, mais il est difficile de dissocier Amanda Conner et Jimmy Palmiotti de Birds of Prey et Harley Quinn tant leur influence est grande dans ces oeuvres réussies. En attendant la suite, dans The Suicide Squad et la saison 2 du show animé, la renaissancre de l'anti-héroïne s'est donc très bien passée.
"Harley Quinn" n'a pas encore de date de diffusion en France :