Dans Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part, adaptation du célèbre roman d'Anna Gavalda par Arnaud Viard, Jean-Paul Rouve et Alice Taglioni incarnent un frère et une soeur très proches, tous deux en quête d'eux-mêmes et des autres. C'est au festival d'Angoulême 2019 que nous avons rencontré les deux acteurs (voir notre interview en vidéo ci-dessus) et leur réalisateur (propos ci-dessous), heureux de se retrouver et de parler tout en douceur et philosophie de la famille, des désirs inavoués et des regrets à éviter.
AlloCiné : A part la presse ce matin, personne n'a encore vu le film à l'heure où l'on se parle et vous n'avez encore donné aucune interview à son sujet. Commençons donc par le commencement et parlez-nous de la naissance de ce projet qui vous tient à coeur depuis longtemps et que vous avez eu surtout beaucoup de mal à adapter...
Arnaud Viard : C'est toujours difficile de faire un film en France, à part bien sûr lorsque l'on est un réalisateur installé et reconnu, car il ya beaucoup de talent, de monde et peu d'endroits où on peut demander de l'argent. J'ai développé le projet avec un producteur qui s'appelle Christophe Rossignon de Nord-Ouest, puisque j'ai eu les droits par Anna Gavalda que je connaissais un petit peu. On a écrit le projet pendant un an et on a essayé de le monter sans y arriver. Peut-être parce que je n'avais fait qu'un film et que pour les films choraux, c'est compliqué de caster des personnes connues car chacun veut la place principale. J'ai donc laissé le projet tomber pendant un moment, sans jamais abandonner les droits du livre avec ma société de production. J'ai fait un autre film, ma reconnaissance a bougé, j'ai rencontré un nouveau producteur, j'ai retravaillé le scénario et ce producteur a adoré. On a soumis le scénario à Jean-Paul Rouve dont l'accord a permis de tout déclencher.
Entre le premier projet et le deuxième, qu'avez-vous décidé de changer fondamentalement pour convaincre ?
Le film démarrait par une interview de Juliette (Alice Taglioni), qui est un peu le double fictif d'Anna Gavalda et qui venait d'écrire un livre et on lui demandait "Mais d'où vient votre histoire, vous avez deux frères et une soeur..." "Non je n'ai qu'un frère", répondait-elle, avant de développer la suite. Puis on revenait sur elle à la fin. J'ai enlevé cette parenthèse pour que le spectateur ne sache pas en avance ce qu'il va se passer. Le film devient un film davantage centré sur la création, où l'on comprend comment une vocation d'écrivain peut naître. Et je raconte l'histoire fictive d'un livre, le premier d'Anna Gavalda qui avait 25 ans et a vendu deux millions d'exemplaires...
Vous avez donc fait un film de famille à partir des douze nouvelles du recueil d'Anna Gavalda...
Oui, le seul point commun entre elles est Anna Gavalda, sinon ces nouvelles sont très différentes. Mais il y a quand même trois nouvelles qui sont autour de frères et soeurs. L'une donne son titre au livre d'ailleurs. Sur les douze nouvelles, j'en ai adapté six ou sept en les mixant. Il s'agit d'une sorte de portrait cubiste du livre pour ceux qui connaissent le roman.
"Plus on coupe, plus on montre" disait un de vos amis monteur. Parlez-nous de vos choix de montage justement sur ce film...
L'art du montage pour moi, c'est de faire exister des choses qui ne sont pas dans le scénario, qui sont entre les lignes. Il y a une image puis une autre et si on le met côte à côte, cela fait autre chose. C'est ce que je me suis appliqué à faire par mes choix.
Ce film aurait pu s'intituler aussi "J'aurais voulu être un artiste". Est-ce un questionnement dans lequel par votre profession, vos choix, vous vous retrouvez personnellement ?
C'est bien vu en effet, car cela a toujours été ma chanson préférée ! Derrière ce questionnement qui m'anime oui, se cache sans doute une faille narcissique. Quand on est artiste, on veut être aimé, reconnu. Comme dans une famille. C'est un film sur la reconnaissance, la renaissance.
Ce film parle donc de la famille et lors d'une scène dans le film, celle du bac, il y a une sorte de maxime qui fait du bien car elle propose de "savoir se délester de sa famille avec joie". Un mot sur cet état d'esprit inspirant...
Cette scène arrive au moment où tout ce qu'on a mis en place s'opère. Ce que je fais dire à Quentin Dolmaire qui est incroyable, c'est inspirant parce qu'aujourd'hui on a une génération qui quitte ses parents peut-être un peu plus tard. Et lui à 18 ans a décidé de dire tout simplement "merci et à bientôt" aux siens, sans reproche, ni attentes. C'est la plus belle preuve de confiance que l'on puisse donner. A travers cette histoire de famille, il s'agit de dire de ne pas passer à côté de son désir, de l'identifier et d'y aller, en étant attentif aux signes pour ne pas se tromper de chemin.
Propos recueillis à Angoulême le 24 août 2019.
Découvrez la bande-annonce du film en salles ce 22 janvier :