Dans Swallow, Haley Bennett incarne Hunter, une jeune femme qui semble mener une vie parfaite aux côtés de son mari, lequel vient de reprendre la direction de l'entreprise familiale. Mais dès lors qu'elle tombe enceinte, elle commence à développer un trouble compulsif du comportement alimentaire, le Pica... A l'occasion de la sortie de ce thriller aussi envoûtant qu'inquiétant, focus sur cette étrange maladie dont souffre son héroïne.
Le Pica est un trouble alimentaire qui se manifeste par l'ingestion d'objets, ou de substances non comestibles comme la terre, le charbon ou le sable. Il est très rare dans la population générale, et plus fréquent chez les personnes ayant une anémie ou des carences alimentaires. Il n'est pas toujours signe d'une maladie mentale (il est même banal chez l'enfant de moins de deux ans et peut être un rituel partagé dans certains groupes ethniques) et il n'existe aucun médicament pour le soigner.
Swallow : notre interview d'Haley Bennett, avaleuse compulsive dans ce film primé à DeauvilleComme dans le cas du personnage du film, le Pica est plus fréquent chez la femme enceinte. Hunter entretient une relation quasi intime aux objets qu'elle ingère en grande partie parce qu'elle commence à réaliser qu'elle est prisonnière de son mode de vie. Avaler des choses apparaît alors comme une tentative de faire quelque chose par elle même. Le metteur en scène Carlo Mirabella-Davis explique à quel point la maladie du personnage est liée à sa situation personnelle :
"On l'utilise pour donner une descendance et s'occuper de son mari. On veut que ce soit une épouse soumise et serviable. Ses beaux-parents ne la voient pas comme un être humain mais comme un objet qu'ils ont acheté et qu'ils exhibent. Les objets qu'elle ingurgite reflètent cela, en plus d'un mode de vie matérialiste. Mais pour Hunter, ils la ramènent à cette phase animiste propre à l’enfance. Quand on est enfant, les objets sont chargés de magie."
Swallow est donc un film engagé parlant autant de la maladie de Pica que d’émancipation féminine. Carlo Mirabella-Davis voulait ainsi montrer à quel point le patriarcat est toujours très présent dans nos sociétés : "J'ai regardé récemment la vidéo d'un talk-show où des experts s’accordaient à dire que le féminisme n'avait plus d'intérêt car le sexisme n'existait plus. Cela m'a horrifié et j'ai voulu faire un film sur une femme qui prend conscience de cette oppression et se rebelle."
L'histoire du film a par ailleurs été inspirée à Carlo Mirabella-Davis par sa grand-mère. Dans les années 1950, elle était femme au foyer et a commencé à développer des troubles obsessionnels compulsifs : elle se lavait les mains sans arrêt (utilisant jusqu'à quatre savons par jour) et nettoyait tout en permanence (se servant de douze bouteilles d'alcool ménager par semaine). Le réalisateur, qui pense qu'elle essayait elle aussi de reprendre le contrôle d'une vie qui lui semblait étouffante, se rappelle :
"Sur les conseils du médecin, mon grand-père l'a fait interner. Elle a reçu des électrochocs et des injections d'insuline, subi une lobotomie qui lui a fait perdre le goût et l'odorat. J'avais le sentiment qu'on la punissait plus qu'on ne la soignait parce qu'elle ne se conformait pas aux attentes de la société. Je voulais faire un film sur le sujet mais se laver les mains de manière compulsive n'est pas très cinégénique. Je me suis alors rappelé avoir vu la radio d'une personne qui souffrait de la maladie de Pica."