Attention, spoilers ! Les paragraphes suivants contiennent des spoilers sur la saga Star Wars et son univers étendu, des livres aux séries en passant par les jeux vidéo.
Aussi aimée que décriée, la nouvelle trilogie de la saga Star Wars met un terme à l'épopée des Skywalker en remettant sur le devant de la scène l’antagoniste Palpatine (Ian McDiarmid) dans le derniver volet L'Ascension de Skywalker. "Revenu d’entre les morts", le Seigneur Sith pourrait être bien plus important qu’on ne le croit dans cette nouvelle trilogie et surtout être le personnage central d’une saga politique et fataliste narrant la(les?) guerre(s) des étoiles. Bien que Rian Johnson ait tenté une autre direction plus expérimentale et désacralisante avec Les Derniers Jedi, J.J. Abrams revient littéralement aux sources de la saga en faisant appel aux anciennes gloires claires et obscures, notamment Palpatine.
Fan service pour certains, il s’agit d’un choix réfléchi pour le réalisateur J.J. Abrams qui a expliqué à Uproxx que le retour de Dark Sidious était prévu depuis Le Réveil de la Force : "Quand on regarde la saga dans son ensemble - une histoire composée de neuf chapitres -, il aurait été bizarre que Palpatine ne revienne pas. Il faut se rappeller sa manière de s’exprimer, sa façon d’être et surtout son importance dans l’histoire. Étrangement, son absence durant la troisième trilogie se serait fait sentir. Cela aurait été bizarre. Je ne dis pas que nous avions une espèce de Bible et que nous savions exactement ce que nous allions faire. Mais notre travail sur Le Réveil de la Force avec Larry Kasdan ne reposait pas sur du vide. Nous avons examiné ce qui se passait avant et nous avons choisi d’orienter l’histoire vers des thématiques vues précédemment pour commencer une nouvelle histoire."
En effet, lorsque l’on revoit la saga dans son entièreté, on peut se demander si le retour de Palpatine n'était pas inévitable, ce qui ferait de lui le plus grand complotiste politique jamais créé, un être vicieux qui avait tout prévu depuis le début, comme il aime à le rappeler tout au long de la saga. Alors comment ? Et pourquoi ? Qu’est-ce que J.J. Abrams n’a peut-être pas pu expliquer sur le Seigneur Sith ? Rappelons d’abord que Sheev Palpatine est un homme politique originaire de Naboo qui est passé d’une main de maître de Sénateur à Chancelier Suprême de la République galactique avant de devenir l'Empereur. Mais il est aussi et surtout un Seigneur Sith qui fût l’apprenti de Dark Plagueis, grand Sith dont les puissants pouvoirs ont été mentionnés à Anakin Skywalker dans La Revanche des Sith, lorsque le jeune Padawan cherchait un moyen de sauver Padmé.
Bien que depuis 2016 et le rachat de Lucasfilm par Disney il ne soit plus considéré comme un élément de l’univers étendu mais comme un Star Wars Legends, le roman "Dark Plagueis" de James Luceno, apporte un premier regard sur le plan de Palpatine pour renverser la République avec l’aide de son maître. On y apprend aussi que ce dernier est le premier à manipuler les midi-chloriens dans le but de maîtriser la mort, ce qui l’amène à bouleverser la Force et à créer Anakin. Ce dernier serait l'Élu, celui qui amènerait l'équilibre dans la Force, selon la prophétie, qui a poussé Qui-Gon à prendre ce dernier comme Padawan dans La Menace Fantôme. L'équilibre entre le côté clair et le côté obscur a toujours été la problématique de la saga et on rappelle que les Jedi ont réussi à "maîtriser la mort" avec un entraînement, à l’image de Qui-Gon, Yoda, Obi-Wan, Anakin et tant d’autres que l’on entend aider Rey dans son combat ultime. Par la voie du côté obscur, Palpatine a également réussi à apprivoiser les multiples pouvoirs de la Force.
Le fait qu'il ait survécu après le sacrifice de Dark Vador dans Le Retour du Jedi n'a en soit rien d'étonnant. Le Seigneur Sith a toujours agi dans l’ombre en plaçant ses disciples sur le champ de bataille tels que Dark Maul, Dark Tyrannus et Dark Vador, mais aussi Snoke qu'il a créé comme une extension de lui-même. Sur Exegol, on remarque même des capsules de clonage et il aurait très bien pu oeuvrer dans l'obscurité pendant tout ce temps pour accroitre ses pouvoirs et les expérimenter. Et pour mieux remporter la guerre, Palpatine n’a jamais hésité à concéder certaines victoires aux Jedi, aux Rebelles et aux Résistants. Il a laissé des disciples du côté obscur se faire tuer, il a laissé les Clones combattre au côté des Jedi avant d’exécuter l’Ordre 66, il a laissé les enfants d’Anakin être protégés, il a laissé les plans de l’Étoile Noire être subtilisés, il a laissé StarKiller être détruite, il laisse aussi certains de ses pions trahir l'Empire et l'Ordre avant de les abattre. Le bon vieil adage "on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs" (qu'on retrouve également dans Watchmen) est de mise dans la saga Star Wars.
Palpatine suit un plan bien précis et place brillamment ses pions sur l'échiquier qu'est Star Wars. Rien n'est vraiment laissé au hasard et un message déterministe et fataliste se dégage au premier abord lorsqu'on regarde la saga. Le bien et le mal sont parfois plus proches qu'on ne le croit et les actions du côté clair influent sur le côté obscur et vice versa. Si Rian Johnson n'hésite pas à briser cette frontière de manière nette dans Les Derniers Jedi, le jeu vidéo Star Wars : Le Pouvoir de la Force, sorti en 2008, a avant largement contribué à cette idée. On y incarne Galen Marek, ancien apprenti de Dark Vador surnommé Starkiller, qui a contribué à accroître l'Alliance Rebelle. Toutes les actions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, sont reliées entre elles. Bien que ce jeu ne soit plus considéré comme un élément de l'univers étendu depuis 2013, il aurait tout de même été approuvé en tant que volet officiel de la saga par George Lucas himself si l’on en croit Lucasfilm Magazine n°65.
Après avoir vu L’Ascension de Skywalker, l’Étoile de la Mort et StarKiller apparaissent désormais comme des brouillons, des leurres de la part de Palpatine pour détourner l'attention des Rebelles alors que dans l’ombre se construisait la plus grande flotte obscure jamais connue sur Exegol. A la fin de La Revanche des Sith, Vador se tient dans le vaisseau amiral et assiste à la construction de l’Etoile de la Mort. Seulement, au même moment, StarKiller est aussi en pré-construction sur la planète Ilum, si l’on en croit cette théorie Reddit sur le jeu vidéo Star Wars : Jedi Fallen Order, situé seulement 5 ans après la purge des Jedi. Cette planète glaciale servait de repère Jedi et regorge de cristaux kyber (matériau qui sert à la fabrication de sabres laser) déjà mentionnés dans Rogue One. Il ne serait pas étonnant que Palpatine, obsédé par les Jedi, se soit emparé de cette planète pour la faire basculer du côté obscur.
Il apparaît impossible que ce soit une autre personne que Palpatine – et encore moins Snoke seul – qui perpétue le côté obscur dans la Galaxie au moyen de l’Empire, du Premier Ordre puis du Dernier Ordre. Le côté obscur semble renaître à chaque fois de ses cendres et pourtant force est de constater que Palpatine a toujours un coup d’avance et que son emprise sur la galaxie est totale. Dans les deux derniers épisodes de la série The Mandalorian, qui se passe seulement 5 ans après Le Retour du Jedi, les Stormtroopers et les équipements sont presque aussi évolués que ceux du Réveil de la Force. Palpatine devait sûrement faire appel aux nombreux fidèles de l'Empire restants dans la galaxie, malgré la mise en place de la Nouvelle République très instable, ainsi qu'à la secte d'adorateurs du côté obscur aperçus dans l'arène d'Exegol. Pendant ce temps il préparait sagement son retour en mettant au front Snoke, être qu'il a créé, comme il le rappelle à Kylo Ren. Par ailleurs, l'apparition dans The Mandalorian de Moff Gideon, officier de l'Empire, avec son sabre laser noir à la fin de la première saison laisse penser que l'Empire n'a jamais vraiment cessé d'exister, et par extension Palpatine.
Alors s'il était si "facile" pour Palpatine de contrôler la galaxie - même à distance -, pourquoi avoir besoin d'une descendance ? Comme son maître avant lui, Palpatine a pu réussir à manipuler les midi-chloriens pour combattre la mort mais aussi se créer une descendance sensible à la Force. Sa perpétuelle recherche de connexion avec un autre être était vaine ("Toujours par deux ils vont. Ni plus, ni moins. Le maître et son apprenti", rappellait Maitre Yoda dans la prélogie) puisqu'il ne trouvait sûrement pas de binôme à sa hauteur. Peut-être le Seigneur Sith souhaitait-il accéder au pouvoir ultime provoqué par la dyade, principe instauré dans L'Ascension de Skywalker, et synergie qui relie fortement Rey et Ben Solo, tous deux descendants d'êtres créés par les midi-chloriens.
A la manière d'un Voldemort, Palpatine, dans un piteux état à la fin de la saga, voulait que Rey le tue par la haine pour pouvoir prendre possession de son corps car les apprentis Sith doivent tuer leur maître pour devenir Sith. Sauf que Rey n'a pas tué Palpatine, elle s'est défendue avec ses sabres et sacrifiée et les rayons lancés par Palpatine ont ricoché sur lui. Si on pensait qu'Anakin était l'élu, il aurait en fait participé à la légende de Rey et sa construction identitaire. Elle serait alors la véritable élue. Rey est descendante d'un Sith mais choisit d'être Jedi et de prendre le nom de Skywalker, elle est la personnification de l'équilibre entre le côté clair et le côté obscur. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si son sabre laser est de couleur jaune, symbole de l'équilibre. Ces sabres sont maniés par les Jedi sensibles au côté obscur et par les gardiens du temple, notamment dans Clone Wars.
Et donc paradoxalement, Palpatine a aussi orchestré sa propre fin. Mais si on suit un certain fatalisme jusqu'au bout, on peut aussi dire que le Seigneur Sith a réussi son coup puisque son sang coule dans les veines de Rey. Techniquement, la dernière héroïne en place dans Star Wars est une Palpatine. Il ne pouvait en être autrement pour cette saga Star Wars : Palpatine était le seul personnage à pouvoir être derrière tout ça. Mais le choix de nom de famille de Rey brise ce fatalisme qui a régné sur l'univers Star Wars. Il est aussi un rappel aux fans de Star Wars, très attachés personnellement et émotionnellement à la saga, que chacun peut interpréter l’histoire comme il l’entend, se la réapproprier et écrire sa propre histoire. Dans tous les cas, la fin de Star Wars ne pouvait satisfaire tout le monde, comme toutes les sagas qui se sont achevées cette année, telles que Avengers ou Game of Thrones.
Et vous, comment avez-vous interprété L’Ascension de Skywalker ?
Spotlight - La Rédac débriefe L'Ascension de Skywalker dans son podcast spécial :