Mise à jour du 21 décembre 2019 : Au lendemain de la parution de l'article de Marianne (lire notre news ci-dessous), la journaliste de Mediapart, Marine Turchi, a mis en ligne un article revenant sur cette "interview du cinéaste déguisée en « contre-enquête »" (...) "Aucun contradictoire n’a été réalisé", indique-t-elle. "Sur six pages, le journaliste met en cause le travail de Mediapart (mentionné pas moins de … 25 fois), mais il n’a pourtant à aucun moment contacté Mediapart ou l’auteure de l’enquête en question. Il n’a pas non plus sollicité la principale concernée, Adèle Haenel, pourtant accusée dans l’article d’avoir « nourri » de la « haine » à l’égard de Christophe Ruggia à cause d’un second film qui lui aurait été refusé. Enfin, le journaliste n’a pas jugé utile de questionner point par point les témoins clé mis en cause nommément dans l’article." L'article de Mediapart revient point par point sur des arguments avancés par Marianne. Lire l'article de Mediapart.
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Dans son nouveau numéro sorti ce jour, le magazine Marianne publie "une contre-enquête" de 6 pages consacrées à l'affaire Adèle Haenel révélée par Mediapart le dimanche 3 novembre 2019. Le réalisateur Christophe Ruggia, accusé de "harcèlement sexuel" et d'"attouchements" par la comédienne, alors qu'elle avait entre 12 et 15 ans, s'y exprime pour la première fois par voie de presse, depuis le communiqué qu'il avait adressé à Mediapart, publié le 6 novembre dernier. Il ne s'agit pas d'un entretien du réalisateur, mais d'un article revenant sur 14 points et témoignages de la longue enquête de Marine Turchi pour Mediapart. Présenté comme une "contre-enquête", il est important de préciser que ni Marine Turchi, journaliste à Mediapart, ni Adèle Haenel n'ont été contactées.
En préambule, le magazine indique : "Pourquoi une telle contre-enquête ? Parce que, si la justice est imparfaite, aucun média ne peut s'y substituer. La preuve par Mediapart, qui a livré un récit quasi monolithique où le doute, l'inconnu, les zones grises n'ont pas ou peu trouvé leur place. Alors que, la force des prétoires, c'est justement de les y inviter. Et d'y faire entendre le plaignant comme le suspect. Une étape difficile. Mais essentielle pour permettre aux victimes d'avancer. Et à notre société de fonctionner avec sérénité.
A l'heure où le tribunal de l'opinion livre son verdict en moins de vingt-quatre heures, Marianne prend donc le risque de la complexité et... des coups qui ne manqueront pas en retour
A l'heure où le tribunal de l'opinion livre son verdict en moins de vingt-quatre heures, Marianne prend donc le risque de la complexité et... des coups qui ne manqueront pas en retour. Et se réjouit que la comédienne ait finalement porté plainte. En attendant, reste cette enquête de Mediapart qui interroge..."
Plusieurs parties de cet article reviennent sur la notion d'emprise dont il a été largement question dans les colonnes de Mediapart. Marianne remet en question la véracité, la fiabilité la crédibilité de certains témoignages, parfois "aux intérêts convergents".
Christophe Ruggia réfute notamment deux témoignages, celui de la directrice de casting Christel Barras, et celui de son ex-compagne Mona Achache. Parole contre parole. A propos de Christel Barras, Ruggia réfute le fait qu'elle ait été bannie du tournage et dit "ne pas comprendre de quoi elle parle" : "Primo, je n'ai jamais reçu Adèle chez moi avant le tournage. Toutes les répétitions se faisaient à l'extérieur, dans des salles dédiées en présence de tiers. Secundo, le budget étant plus que serré, il n'a jamais été question qu'elle vienne en province, là où se tournait le film. J'avais engagé une autre directrice de casting à Marseille pour les seconds rôles et la figuration".
Christophe Ruggia "croit posséder l'explication de la "haine" nourrie par l'actrice à son égard depuis tant d'années"
L'aspect de cette contre-enquête qui a été le plus largement relayé est une interprétation de Christophe Ruggia qui "croit posséder l'explication de la "haine" nourrie par l'actrice à son égard depuis tant d'années" : "Après ce premier film, où Adèle était éblouissante, je lui avais promis d'écrire à nouveau pour elle. J'ai donc rédigé un scénario avec un rôle pour elle et un pour Vincent Rottiers, mais mon producteur ne voulait pas en entendre parler. Il voulait des "stars", explique-t-il. J'ai donc dû expliquer à Adèle que, bien malgré moi, elle ne ferait pas partie de l'aventure. C'était dur car - en dehors d'un film qu'elle avait refusé - aucun des castings qu'elle passés ne l'avait retenue depuis Les Diables. Elle misait tout sur mon futur film. Le lendemain, je recevais une lettre d'une violence inouïe où elle racontait qu'elle stoppait le cinéma parce que je l'avais trahie et manipulée. Je lui ai répondu en lui confiant mon désarroi et toute l'admiration que j'avais pour son immense talent. Devant un tel revirement, et au final un tel gâchis, j'ai moi-même songé à arrêter le métier..."
Le magazine précise enfin que "Christel Baras, Céline Sciamma, Mona Achache, Laetitia Cangioni, Edmée Doroszlai, Fabienne Vansteenkiste n'ont pas donné suite à leur sollicitation. Vincent Rottiers n'a pas tenu à s'exprimer à nouveau à ce sujet. Bertrand Faivre, producteur des Diables, a précisé à Marianne qu'il ne parlerait que dans le cadre de la procédure judiciaire".
Rappelons que Adèle Haenel, qui accuse le réalisateur Christophe Ruggia d'"attouchements" et de "harcèlement sexuel", a décidé de porter plainte le 26 novembre dernier.
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