DES SERIES SUR-TOUT...
La décennie 2010-2019 aura été marquée par un basculement du rapport de forces entre le cinéma et les séries. Petit à petit, ce n'est pas de cinéma dont on parlait le plus aux dîners de famille ou à la machine à café mais de séries. Il fallait ne pas avoir raté le dernier épisode de The Walking Dead ou de Grey's Anatomy sinon c'était le spoiler assuré ! "Tu as vu que **** est mort ?"; "Tu es au courant que **** se sont séparés ?". Une tendance qui existait déjà entre 2000 et 2009, avec des séries comme Lost ou 24, mais qui n'a fait que s'intensifier, au point de créer des fâcheries entre amis. On dit même que le spoiler serait à l'origine de divorces et même de meurtres... Et l'avénement des réseaux sociaux n'a rien arrangé à l'affaire, il faut bien l'admettre, encore plus pour nous français du fait du décalage horaire. Une gymnastique que les adeptes de Twitter ont fini par maîtriser, mais une pratique toujours considérée à haut risque pour qui ose attendre plus d'une journée avant de savourer son épisode.
Les sériephiles ont eu de quoi se réjouir au cours de la décennie passée : d'abord parce que l'offre n'a jamais été aussi vaste et diversifiée, ensuite parce que de vraies alternatives satisfaisantes au téléchargement illégal ont fini par arriver -mieux vaut tard que jamais !-, enfin bien sûr car l'arrivée au pouvoir des plateformes de streaming, à commencer par le raz-de-marée Netflix, a profondément modifié le paysage audiovisuel mondial pour le faire entrer dans une nouvelle ère remplie de nouvelles possibilités tandis que les téléspectateurs ont pris goût à de nouvelles façons de consommer leurs programmes préférés, dont le désormais sacralisé binge-watching ou le plus rare mais réel speed-watching.
Les super-productions coûteuses pour rivaliser avec le cinéma ont émergé, et cela ne fait que commencer. On peut remercier pour ça HBO et Game Of Thrones, qui ont repoussé les limites de ce que l'on pensait la télévision capable d'offrir, en termes de grand spectacle et d'ambition visuelle. Mais les petites séries de niche, avec beaucoup moins d'argent mais faites avec au moins autant de coeur, si ce n'est plus encore, ont réussi à se frayer un chemin auprès de ceux qui les cherchaient. En particulier celles au format "dramédie" de 30 minutes, qui se sont multipliées et qui ont permis de s'adresser à des publics différents, en représentant des personnages jusqu'alors ignorés, ou relegués au deuxième, voire troisième plan. De la génération Girls, à des Master of None, Looking, Insecure, ou Ramy, la télévision est plus inclusive, plus colorée, en tout cas outre-Atlantique. La France doit encore fournir beaucoup d'efforts de ce point de vue...
Pendant ce temps, les anti-héros ont cédé peu à peu leur place aux "anti- anti-héros", comme le Good Doctor ou la famille de This Is Us : des personnages toujours complexes mais tournés vers la bienveillance, que l'on souhaite inspirants pendant que le monde s'assombrit et que les récit dystopiques se succèdent en cette fin de décennie, de The Handmaid's Tale à Years and Years. Plus que jamais partagées entre l'envie de représenter le monde tel qu'il est, de prévenir des dangers qui guettent, et celui de l'embellir pour pouvoir continuer à espérer en gardant une légèreté, les séries passionnent, divertissent, cultivent, émeuvent en s'infiltrant désormais dans tous les foyers du monde entier.
... ET DES REMAKES PARTOUT
Nostalgie (ou manque d'inspiration ?), quand tu nous tiens... La décennie écoulée aura beaucoup rimé avec remakes ou reboots, plus encore qu'auparavant même si le concept n'est pas nouveau. Côté ciné, c'est souvent le genre horrifique qui a été revisité, avec de nouvelles versions des classiques Halloween, Evil Dead, Freddy, Chucky, Poltergeist, Carrie ou Suspiria, la tentative pouvant même être effectuée en plusieurs dimensions, comme ce fut le cas avec Piranha 3D.
Si l'action et la SF, de Predator à Tomb Raider en passant par Jumanji, n'a pas été en reste, si on aura noté quelques tentatives de reboots au féminin paresseux avec S.O.S. Fantômes ou Ocean's 8, ces dix ans auront surtout été marqués par la volonté de Disney de redonner vie, en prises de vues réelles, à nombre de ses classiques animés pour une nouvelle génération. D'Alice au pays des merveilles à Maléfique, en passant par Cendrillon, Le Livre de la Jungle, La Belle et la Bête, Aladdin, Dumbo et Le Roi Lion, le studio aux grandes oreilles aura ainsi été l'un des grands artisans de la vague effrénée de remakes entre 2000 et aujourd'hui. Avec des fortunes diverses quand aux résultats au box-office : globalement de très gros chiffres pour Disney et les productions emmenées par des stars de premier rang (Jumanji, avec Dwayne Johnson), mais des carrières bien plus modestes en ce qui concerne les productions horrifiques.
Les séries aussi ont cédé aux sirènes des remakes et reboots durant la dernière décennie. Tous les genres auront été passé en revue, du fantastique (Charmed, Roswell) au soap (Dynastie) en passant par l'espionnage cool (MacGyver), le tout avec un seul fil rouge : on ne s'embarrasse pas du moindre risque et on ne reboote que du culte... à de rares exceptions près. A noter que parfois, il est une nuance dans ce monde du recyclage, lorsque le reboot se mue en revival et prolonge habilement l'oeuvre, avec ou sans les héros d'origine, sans donner au spectateur l'impression de lui voler son programme culte. Citons notamment comme exemples 24 Legacy, Gilmore Girls, Prison Break, X-Files ou encore Twin Peaks. Sans oublier la variante "meta" Beverly Hills : 90210, où les héros d'un show culte tentent de convaincre la chaîne de produire... un revival !
Reste-t-il encore des oeuvres pertinentes à remaker, ou s'achemine-t-on, enfin, vers une nouvelle décennie d'originalités ?
