Retour dans les années 90. Une multitude de sitcoms fleurissent dans le paysage télévisuel français. La plus célèbre d'entre toutes, Hélène et les garçons, connaît un véritable retentissement auprès des adolescents, et notamment des jeunes filles. Les personnages deviennent instantanément cultes et les audiences explosent, avec près de six millions de téléspectateurs au rendez-vous chaque soir. Fustigée par la presse et les parents, la série ne brille pas par la complexité de ses intrigues et se révèle plutôt naïve, bien qu'inoffensive. Néanmoins, le feuilleton a le mérite d'aborder des sujets sensibles, comme le viol ou le suicide, à des heures de grande écoute. Avec plus de quatre saisons et 280 épisodes, Hélène et les garçons confirme son statut de phénomène de société, au grand bonheur de son créateur et producteur, Jean-Luc Azoulay.
La décennie s'écoule, les adolescents sont devenus de jeunes adultes et le succès de ces programmes s'estompe. Début des années 2000, TF1 lance La Vie devant nous, une série sur six étudiants parisiens, et tente de relancer la machine, en vain. C'est vers des productions internationales que la cible décide de se tourner, à l'instar de la fiction américaine Les Frères Scott ou le feuilleton de danse espagnol Un, dos, tres, diffusé sur M6 en 2004.
Un renouveau
Si elles se faisaient plus rares ces derniers temps, les séries pour ados à la française suscitent aujourd'hui un regain d'intérêt. L'insouciance des années 90 étant révolue, les producteurs doivent répondre à de nouvelles exigences pour séduire la Génération Z. Avec SKAM France, la chaîne numérique FranceTV Slash a su reconquérir le jeune public. Adapté d'un programme norvégien, la série est une totale immersion dans le quotidien d'un groupe de lycéens et illustre à merveille les premiers émois et les difficultés de l'âge.
Plus sombre et plus engagé que les feuilletons d'AB Productions, SKAM France fait des sujets de société son principal moteur. Chaque saison est consacrée à un personnage et à un thème comme le cyberharcèlement, l'homosexualité ou encore la discrimination religieuse, qui était au cœur de la dernière saison. De par son format original - des petites scènes sont mises en ligne tous les jours, avant de découvrir l'épisode intégral chaque vendredi - et son interaction avec les réseaux sociaux, le programme est également parvenu à se créer une communauté de fans très active.
Créée par Benjamin Parent et Joris Morio, Les Grands dresse également un portrait authentique de l'adolescence. La série, diffusée sur OCS, met en scène les péripéties de Boogie, Hugo, Ilyes, Avril et MJ, des collégiens en classe de troisième et les suit jusqu'en terminale pour sa troisième et ultime saison. Inspiré par le feuilleton britannique culte Skins, Les Grands excelle dans le développement de ses personnages, tous très réalistes. Cette justesse est brillament transposée à l'écran grâce à un casting attachant, composé d'Adèle Wismes, Théophile Baquet, Grégoire Montana, Pauline Serieys et Sami Outalbali, qui a rejoint la distribution de la seconde saison de Sex Education, une série Netflix.
Du réalisme au fantastique
Le géant du streaming permet la création de productions françaises destinées aux ados plus ambitieuses. C'est le cas de Mortel, une nouvelle création originale (disponible sur la plateforme) créée par Frédéric Garcia, l'un des scénaristes et dialoguistes de SKAM France. Le feuilleton de six épisodes raconte les mésaventures de Sofiane, élève dans un lycée de banlieue, qui devient lié à une force surnaturelle. Le héros, aidé par deux de ses camarades, utilisera ses nouvelles capacités pour retrouver la trace de son frère. Grâce à une mise en scène électrique et sous acide, Mortel est un parfait mélange entre un conte super-héroïque et un drame humain, le tout rythmé par une bande-originale dominée par le rap urbain. En 2020, Netflix proposera une nouvelle série de genre avec Vampires, qui racontera le parcours d'une adolescente rebelle, interprétée par Oulaya Amamra (Divines), dont la vie sera bouleversée par sa transformation en suceuse de sang.
Au-delà du fantastique, les fictions psychologiques et médicales trouvent écho chez les adolescents, à l'instar du feuilleton de TF1, Les Bracelets rouges, dont la troisième saison devrait être diffusée au printemps 2020. Adaptée d'un programme espagnol, intitulé Polseres Vermelles, la série situe son action entre les murs d'un hôpital, où une bande de jeunes patients affrontent leurs problèmes de santé tout en vivant leurs premières expériences. Sans jamais se complaire dans le misérabilisme, Les Bracelets rouges choisit de traiter la maladie avec humour et émotion, à l'image de Mental, nouvelle production de FranceTV Slash. Dans la lignée de SKAM France, la série suit des adolescents dans une clinique pédopsychiatrique, en choisissant l'angle de la santé mentale. Un thème tabou, trop peu traité à la télévision, qui pourrait permettre à des jeunes téléspectateurs de s'identifier et de prendre la parole sur leurs difficultés.
Mental : que vaut la nouvelle série de FranceTV Slash sur la santé mentale des jeunes ?Outre-Atlantique, deux des plus gros phénomènes de ces dernières années destinés aux jeunes choisissent également d'aborder les troubles psychiques. Le premier, 13 Reasons Why, choisit de traiter la question du suicide et du harcèlement scolaire. La série est un véritable succès, rassemblant plus de six millions de téléspectateurs trois jours après sa sortie, en 2017. Le second, Euphoria, s'intéresse aux addictions d'une génération en perdition, notamment à travers le personnage de Rue, brillamment incarné par Zendaya, qui tente de trouver son équilibre après sa sortie de cure de désintoxication.
Dans cette vague de séries pour ados, de nouveaux projets français sont actuellement en cours. La chaîne FranceTV Slash prépare Stalk, créée Simon Bouisson, Jean-Charles Paugam et Victor Rodenbach. Très différente de SKAM France et Mental, l'intrigue portera sur étudiant en école d'ingénieur qui sombre dans le stalking pour se venger et Derby Girl, un feuilleton sur une ex-patineuse artistique dont la carrière s'est effrondrée. Les créateurs ne manquent décidemment pas d'idées pour conquérir le jeune public.
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