De quoi ça parle ?
À Brizan, paisible station balnéaire des Landes, tout bascule avec l'arrivée de la première Vague : un déferlement de nuages qui, tel un tsunami, va provoquer la disparition de surfeurs. La première d'une série de phénomènes auxquels vont être confrontés les habitants de cette petite communauté, bouleversant leurs vies intimes. S'agit-il d'un simple dérèglement climatique ou, comme certains l'affirment, du commencement de la révolte de la Nature ?
La Dernière Vague - une série de 6x52' écrite par Raphaëlle Roudaut, Alexis Le Sec et Sophie Hiet, et réalisée par Rodolphe Tissot.
A quoi ça ressemble ?
C'est avec qui ?
Dans cette série chorale proposée par France 2, on retrouve un quatuor d'acteurs confirmés et rodés aux fictions françaises pour interpréter deux couples en crise : David Kammenos (Falco), Marie Dompnier (Les Témoins), sobre et touchante en mère de famille frappée par la tragédie, et Lola Dewaere (Astrid et Raphaëlle), parfaite de colère contenue aux côtés d'Arnaud Binard (Chérif) en père de famille dépassé par leur fils (le jeune Gaël Raës.) On retrouve également Guillaume Cramoisan (Profilage), qui réussit à trouver le ton juste dans un rôle de guérisseur mystique, Isabel Otero (Crimes Parfaits), Olivier Barthélémy (J'ai 2 amours) ou encore Odile Vuillemin (Les Innocents) dans un second rôle à contre-emploi. La série introduit enfin et surtout un trio de jeunes acteurs prometteurs : Roberto Calvet, Théo Christine (tous les deux vus dans SKAM France) et la jeune Capucine Valmary (vue dans L'Heure de la sortie), qui livrent de puissantes prestations.
Ca vaut le coup d'oeil ?
Depuis Les Revenants, les séries françaises ne s'étaient plus vraiment aventurées sur des sujets high-concept flirtant avec le fantastique. Ici, le message écologique est clair : à travers la disparition inexpliquée d'un groupe de surfeurs dans l'épisode pilote, c'est la nature même qui se dresse contre l'homme et tente de lui laisser une dernière chance de devenir meilleur. La ville de Brizan (fictive) est ainsi frappée par les effets de l'activité humaine sur l'environnement, et ce "rapt", sans dévoiler plus de ses conséquences sur les habitants, ressemble bien à une mise en garde.
Les références convoquées par La Dernière Vague sont nombreuses : citons, pêle-mêle, des séries comme Les 4400, Manifest ou encore le film Phénomènes de M.Night Shyamalan (pour les scènes de rêve apocalyptiques où la nature engloutit tout, plutôt réussies.) Damon Lindelof lui-même n'aurait pas renié la série, aux lointains accents de Lost et de The Leftovers par son sens du collectif, sa manière sensible d'aborder le deuil, et son thème de prédilection : le besoin de recréer un lien spirituel entre les hommes quand tout s'écroule.
Car l'autre force de La Dernière Vague, c'est son sens du collectif. Rare sont les séries françaises à parvenir à tisser un vrai récit choral, et à développer avec finesse chaque groupe de personnages et leurs différentes connexions au fil des épisodes. A travers une galerie de héros abîmés - du petit garçon rejeté par ses pairs à la cellule familiale brisée par le deuil en passant par le lycéen marginalisé - la série propose un vrai drama, dans lequel tous portent le poids d'un passif douloureux et vont se retrouver confrontés à l'idée de la perte, à travers une épreuve commune dont le sens leur échappe mais qui finit par les rapprocher.
La série étonnera sans doute, agaçera peut-être ceux qui peinent à adhérer au fantastique qui surgit dans un cadre quotidien. On peut regretter qu'elle manque parfois de basculer dans le grotesque, notamment lors de l'introduction du nuage, qui malgré son aspect menaçant ne semble alarmer personne, ou encore de ses effets spéciaux parfois limités et du jeu inégal de certains acteurs. La série perd également de sa puissance dans la longueur en s'égarant dans une sous-intrigue en lien avec la pollution industrielle, au détriment de certains personnages secondaires dont le potentiel méritait d'être mieux exploré. Mais si l'on accepte de suspendre son incrédulité - le principe même pour adhérer à toute oeuvre de fiction - on se laisse peu à peu gagner par une émotion grandissante, à mesure que les souffrances intimes des personnages se dévoilent en même temps que leur environnement et leurs certitudes s'effondrent. Saluons l'audace de France 2 de sortir des sentiers balisés avec une proposition forte qui, non seulement se donne les moyens de ses ambitions narratives en livrant un récit choral puissant, mais résonne singulièrement avec notre époque et nos angoisses, face au monde incertain qui se dresse devant nous.