AlloCiné : Comment est venue l'idée d'aborder le thème du whitewashing, et plus spécifiquement du Yellow Face à Hollywood ?
Clara et Julia Kuperberg (réalisatrices) : Après avoir travaillé sur la représentation des femmes pionnières du cinéma américain, à travers notre documentaire "Et la femme à Hollywood", et la manière dont elles ont été effacées de l'histoire du cinéma, nous nous sommes intéressées à la représentation des minorités et à la façon dont celles-ci ont été stigmatisées dans le cinéma hollywoodien.
Nous avons ainsi découvert une multitude de films avec des acteurs très connus ; John Wayne, Marlon Brando, Mickey Rooney, Katharine Hepburn et bien d'autres qui n'avaient pas vu de problème à se grimer en Asiatiques afin d'endosser leur rôle.
Prothèses sur les yeux, peinture jaune sur la peau, accent ridicule et posture stupide. Autant de clichés véhiculés par cette pratique du "Yellowface", comme l'est aussi le "Blackface" pour les Noirs, et nous avons voulu montrer d'où viennent ces pratiques choquantes aujourd'hui.
Le film retrace les origines du problème, et pourtant la controverse perdure aujourd'hui (Ghost in the Shell, Cloud Atlas...). Comment expliquer cela ?
Le problème n'est pas terminé, Ghost in the Shell, Docteur Strange ou même Hellboy dans lequel le second rôle d'un Asiatique a failli être joué par un Blanc et c'est grâce au soulèvement sur les réseaux sociaux que l'acteur a décliné le rôle.
Le racisme est toujours là, même si grâce à la libération de la parole, du mouvement #metoo également et de voix qui disent stop à ces pratiques, qui militent et se battent pour une ouverture à la diversité des représentations et des thèmes. Les succès des films Black Panthers et Crazy Rich Asian le montrent bien. Idem sur les plateformes comme Netflix.
Si le Yellow Face a presque disparu des écrans, on note néanmoins un certain nombre d'amalgames, comme le fait de choisir des acteurs chinois ou coréens pour des rôles de japonais par exemple. Le succès de Crazy Rich Asians peut-il vraiment "changer" Hollywood comme le titrait le magazine Time ?
Crazy Rich Asian est espérons-le le début d'une prise de conscience qu'une Rom Com avec que des Asiatiques peut marcher pour tous les publics. Comme le démontre aussi le succès planétaire de Black Panthers.
Le whitewashing est-il selon vous tabou à Hollywood ? Il est vrai que l'épisode des camps d'internement reste méconnu d'une grande partie du grand public...
Le whitewashing n'est plus tabou à Hollywood. Ces questions et ces problématiques sont beaucoup plus abordées que chez nous. Elles sont devenues de véritables enjeux de société.
L'histoire des camps d'internement japonais est elle par contre très taboue, elle a refait surface il y a quelques années notamment dans le New York Times comparant la politique de Donald Trump en matière d'immigration avec celle des années sombres des camps d'internement. Cela reste une question très épineuse aux Etats Unis. L'ordre d'internement ayant été donné par le héros de l'Amérique; Franklin Roosevelt.
Qu'est-ce que la réalisation de ce documentaire vous a appris ?
Réaliser ce documentaire nous a fait revoir différemment beaucoup de films connus qui pratiquaient le whitewashing, citons notamment Diamants sur canapé, et de réfléchir à la façon dont le cinéma américain reste toujours une arme de propagande terrible et cynique, manipulant les clichés racistes.
Comment le cinéma française se positionne-t-il sur cette question ? Les rôles réservés aux asiatiques sont-ils eux aussi marqués par les stéréotypes raciaux ?
Même si le whitewashing est une pratique identifiée chez nous, les caricatures, les sketches soit disant comiques et personnages caricaturaux regorgent dans notre cinéma et notre culture, même récents. Et ceci sans beaucoup de réflexion sur la question.
Les Asiatiques jouent toujours les rôles d'Asiatiques, véhiculant tous les clichés qui vont avec. A quand un premier rôle joué par un acteur Asiatique ou Noir qui ne joue pas un Noir ou un Asiatique ?
Le documentaire L'ennemi Japonais à Hollywood est à découvrir dès à présent sur OCS Go.