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    The Boys sur Amazon : que vaut la série qui tape sur les super-héros ?
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Après "Preacher", Seth Rogen et Evan Goldberg adaptent un autre comic book de Garth Ennis, "The Boys", et cette fois-ci, ce sont les super-héros qui en prennent pour leur grade. Mais que vaut la série disponible sur Amazon Prime Vidéo ?

    Amazon Prime Video

    DE QUOI ÇA PARLE ?

    Dans un monde fictif où les super-héros se sont laissés corrompre par la célébrité et la gloire et ont peu à peu révélé la part sombre de leur personnalité, une équipe de justiciers qui se fait appeler "The Boys" décide de passer à l'action et d'abattre ces super-héros autrefois appréciés de tous.

    The Boys avec Karl Urban, Erin Moriarty, Jack Quaid... Crée par Evan GoldbergEric KripkeSeth Rogen

    Disponible sur Amazon Prime Vidéo depuis le 26 juillet

    ÇA RESSEMBLE À QUOI ?

    NOTRE AVIS

    Encore une "série-de-super-héros-pas-comme-les-autres" ? Certes. Mais celle-ci mérite son appellation, tant son entreprise de démolition paraît évidente dès le pilote. Sans grande surprise pour qui aura lu le comic book signé Garth Ennis, qui avait déjà égratigné l'Église dans Preacher, dont l'adaptation avait également été chapeautée par Seth Rogen et Evan Goldberg. On ne change donc pas une équipe qui gagne, même si The Boys débute de façon très classique, lorsque des malfrats sont interceptés par Le Protecteur de la Patrie (Antony Starr), croisement entre Superman et Captain America, et Reine Maeve (Dominique McElligott), qui pourrait facilement passer pour une cousine de Wonder Woman. Mais c'est ensuite que les choses se gâtent. Salement.

    Alors qu'il passe un moment à priori banal avec sa compagne, Hughie 'Wee' Campbell (Jack Quaid) voit celle-ci se transformer en une mare de sang, dans une scène aussi gore que surprenante, suite au passage d'A-Train (Jessie T. Usher), super-héros doté des mêmes pouvoirs que Flash, la maîtrise et la sympathie en moins, puisqu'il trace sa route sans se soucier une seconde de ce qu'il vient de faire. Dans le même temps, nous découvrons le QG des Sept, détournement à peine masqué des Avengers, grâce à Starlight (Erin Moriarty) : la jeune femme a, en effet, gagné un concours lui permettant de devenir, officiellement, une super-héroïne, et de rencontrer ses idoles. Dont The Deep (Chace Crawford), le "crush" de son adolescence, comme elle l'avoue au prince des mers qui se met à se caresser sous ses yeux avant de lui faire des avances et de faire pression sur elle : "Tout dépend à quel point tu veux faire partie des Sept".

    Amazon Prime Video

    Toute ressemblance avec des faits qui font encore l'actualité n'est bien évidemment pas fortuite. Et c'est là que The Boys se révèle à la fois impertinente, juste et politique. Comme dans l'univers né au sein des ouvrages publiés entre 2006 et 2012, les super-héros y sont des stars que l'on s'arrache : en apparence, l'idée est que chaque ville ait le sien ; dans les faits, leur présence se négocie comme dans un mercato sportif, où la personne chargée de les superviser (Madelyn Stillwell, jouée par Elisabeth Shue) fait monter les enchères en jouant la carte du bluff. Sollicités pour diverses opérations, présents sur de très nombreux produits dérivés, Le Protecteur et les siens affichent sourires et valeurs positives en public, mais cachent une réalité bien plus sombre, où il est davantage question de double-vie que de double-identité, entre ceux qui taisent leur homosexualité ou les habitudes qu'ils ont dans des boîtes échangistes, trop peu en phase avec leurs images respectives, et ceux qui se révèlent plus dangereux que les criminels qu'ils sont censés arrêter.

    Durant les trois premiers des huit épisodes que compte la saison 1, la série d'Amazon Prime Vidéo avance sur deux fronts pour nous révéler l'envers du décor : d'un côté, Starlight attaque de l'intérieur, contrainte de jouer le jeu de ceux qu'elle veut faire tomber (en signant des autographes dans la tenue très échancrée qui lui a été imposée), tout en profitant d'une notoriété grandissante suite à la mise en ligne d'une vidéo dans laquelle elle sauve une femme d'un viol ; et de l'autre, Wee, aidé par un homme qui se présente comme un agent fédéral (Karl Urban), tente de faire tomber A-Train et les Sept pour obtenir justice, et découvre certains de leurs sombres secrets, comme le sérum qui donne ses pouvoirs à chacun. Deux intrigues qui finissent par se rejoindre à l'issue de l'épisode 3 (le dernier que nous avons pu voir en avance), alors que tous les pions sont en place pour que la suite soit explosive.

    Comme dans le final de l'épisode 2, où l'on reconnaît bien le goût de Seth Rogen et Evan Goldberg pour le trash. Sur ce plan, le duo a définitivement trouvé dans les oeuvres de Garth Ennis un terrain de jeu idéal, mais The Boys n'est pas une pochade pour autant. Grinçant et ironique, l'ensemble est avant tout sérieux, pour rendre plus efficaces les quelques envolées absurdes que peuvent représenter un câble électrique inséré dans le derrière d'un homme invisible pour le faire apparaître, avec des effets spéciaux qui rappellent ceux d'Hollow Man de Paul Verhoeven, où l'on retrouvait déjà Elisabeth Shue. Évoquant le comic book "Civil War" de Marvel lorsqu'il est question de privatiser la guerre en intégrant les super-héros dans la défense du pays, The Boys se rapproche davantage de Watchmen, même en étant un poil moins désespéré et stylisé que le film de Zack Snyder. Mais plus ancré dans l'actualité.

    Amazon Prime Video

    Car l'intrigue emmenée par Starlight résonne particulièrement en cette période de #MeToo et Time's Up, tandis que celle dans laquelle Wee est au premier plan dresse un parallèle entre les dommages collatéraux causés par les super-héros et les violences policières dont les États-Unis sont trop souvent le théâtre. Au-delà des adaptations de comic books, c'est sur le pays entier que tape The Boys. Un angle qui paraît d'autant plus évident lorsqu'une course entre A-Train et Shock Wave, pour déterminer qui est le plus rapide, a lieu sur la piste d'une course de NASCAR, sport typiquement américain. Et entre les hommes politiques corrompus et/ou que l'on fait chanter, les héros qui mentent et la façon dont les hommes s'attribuent les honneurs d'actions menées par des femmes, la série n'épargne personne, du monde du spectacle à la société elle-même.

    Et si l'on peut qualifier de "gentils" le groupe de justiciers désireux de faire tomber les Sept, l'ensemble n'est pas manichéen, chaque personnage ayant des zones d'ombres qui ne demandent qu'à prendre le pas sur la lumière, comme lorsque Wee bascule à la fin de l'épisode 2, devant un panneau avec une pub rétro sur laquelle il est ironiquement écrit "Gardez les mains propres". Malgré une baisse de rythme entre le pilote et la suite, qui prend plus son temps pour laisser les camps se former, et un léger manque de finesse à quelques rares moments ou dans le jeu de Karl Urban, The Boys réussit son décollage. Violente et impertinente, avec une réalisation léchée mais globalement sobre, la série apporte vraiment du sang neuf au genre, dans sa façon de bousculer ses icônes, et sa différence par rapport aux autres productions n'a rien d'un simple effet d'annonce. Surtout si le show passe à la vitesse supérieure dans la suite de la saison 1, avec la guerre entre les deux camps déclarée officiellement à la fin de l'épisode 3.

    THE BOYS WILL BE BACK

    Bien que fidèle dans le ton, la série n'est pas aussi trash que les comic books dont elle s'inspire, qui avaient fini par rebuter son premier éditeur, Wildstorm, propriété de DC Comics. Il ne devrait pas en être de même du côté d'Amazon Prime Vidéo, qui tient clairement un hit en puissance, capable de durer plusieurs saisons, histoire de retranscrire l'intégralité des soixante-douze numéros publiés entre 2006 et 2012. Reste à espérer qu'il ne souffrira pas de la saturation que beaucoup ressentent actuellement face aux nombre de films et séries de super-héros, tendance qui constitue à la fois la force de The Boys, dans sa façon corrosive de revisiter le genre, et sa potentielle faiblesse, si le public est rebuté par la simple idée de voir, encore, des personnages avec capes et collants. La bonne nouvelle, c'est que la saison 2 est déjà commandée. Pour le reste, son avenir est entre vos mains.

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