AlloCiné : Comment est née l'idée de Première campagne ?
Audrey Gordon : Je connais Astrid Mezmorian depuis longtemps. Nous avons même étudié le journalisme ensemble. Je suivais chaque jour les aventures de cette jeune journaliste couvrant sa première campagne et suivant un jeune candidat qui vivait lui aussi sa première campagne. C’est à travers le regard d’Astrid que j’ai commencé à m’intéresser à cette élection. Cette plongée, quand les choses se sont accélérées, j’ai eu envie d’en faire un film.
La grande qualité du film est le rythme. On sent que c'est au prix de coupes drastiques dans le matériau disponible. De combien d'heures de rushes disposiez-vous ?
Plus de cent. Si le temps du tournage a été celui de l’actualité, assez inhabituel pour moi, celui du montage a été le temps du cinéma. J’ai la chance de travailler avec un monteur exceptionnel : Baptiste Saint-Dizier. Ensemble nous avons pu vivre une deuxième fois cette campagne mais à notre propre rythme, avec un peu de recul. Et petit à petit nous avons tâché de restituer le rythme délirant qui avait été celui d’Astrid pendant cette campagne.
À l'origine du film il y a un pari un peu fou : miser sur le candidat Macron alors que personne ne le prend encore au sérieux.
Le film ne repose pas sur ce pari : moi j’ai tout misé sur Astrid ! Elle est l’héroïne de ce film. Le candidat Macron n’est « que » second rôle…
Avez-vous tourné avec des modèles en tête ? Instinctivement on pense à Depardon...
Merci…En fait je n’avais pas vraiment de modèle en tête, j’avais vu très peu de films politiques, de films de campagne. Je me sens surtout inspirée par quelques portraits de femmes aussi bien en documentaire qu’en fiction, par exemple le si beau film de Kelly Reichardt Certaines femmes.
Votre film réconcilie avec le journalisme politique. On y voit des professionnels impliqués mais aussi des humains qui se heurtent à des obstacles très concrets.
C’était vraiment l’idée de "Première campagne" : désacraliser ce métier qui suscite une telle défiance aujourd’hui, en montrant au quotidien, un peu comme on montrerait un artisan, une femme au travail qui vit cela pour la première fois. Derrière les contraintes, le rythme délirant, derrière le théâtre de la campagne, il y a parfois des êtres humains qui font du mieux qu’ils peuvent.
Quel regard Astrid Mezmorian porte-t-elle sur le film ?
Elle répondrait sans doute mieux que moi. La première fois que je lui ai montré le film, j’étais très intimidée. Elle m’a dit que c’était fidèle à ce qu’elle avait vécu : qu’elle retrouvait le rythme, l’urgence mais aussi la solitude ressentie au fil de cette campagne.
Saviez-vous qu'Astrid Mezmorian était un tel personnage de cinéma ?
Je le devinais, mais son authenticité, son humilité, son indépendance d’esprit, sa spiritualité - qui a à voir avec la joie qu’elle remet toujours au cœur de son travail – son humour, son culot et son charme… Tout cela n’en finira jamais de m’épater.
La bande-annonce de Première campagne :