Quand la nature se rebelle
Deux mois se sont écoulés après les événements tragiques survenus à l'issue de la première saison. Laurène Weiss (Suliane Brahim), la shérif de Villefranche, miraculeusement "guérie" de ses blessures dans la forêt, continue sa quête afin de découvrir qui l'a enlevée et séquestrée vingt ans plus tôt, et quel est ce lien profond qu'elle semble entretenir avec le mystérieux "homme des bois"... Hallucinations ou réalité?
Située dans une bourgade imaginaire, Zone Blanche aborde des thèmes en lien avec la préservation de l'écosystème et la destruction de la nature par la main de l'homme. Dans la saison 1, nous assistions à la fermeture de la scierie de Villefranche, qui représentait l'activité économique principale de la ville, mettant sur la paille tous les ouvriers et entraînant la colère des habitants. La lutte des enfants d'Arduinna contre Gérald Steiner (Olivier Bonjour), l'industriel détenteur de la carrière de la ville voulant désormais en faire une déchetterie à ciel ouvert, résonne avec les organismes de "terrorisme écologique" actuels, et symbolise la rupture entre la nouvelle génération, ayant conscience de l'urgence environnementale, et l'ancienne, refusant de remettre les modèles traditionnels en question. Cette saison introduit par ailleurs un nouveau personnage, Delphine Garnier (interprétée par Marina Hands), une spécialiste environnementale venue enquêter sur un essaim d'abeilles tueuses qui sème la panique dans la ville. Mais le major Weiss, Nounours (Hubert Delattre) et Siriani (Laurent Capelluto) ne sont pas au bout de leurs peines. Ces dérèglements écologiques seraient-ils une réaction de défense de la forêt face à la pollution qui la menace ? Fantastique ou non, les personnages vont découvrir que le Mal a, encore et toujours, une origine humaine.
Une arène fantastique plus assumée
Zone Blanche est ce qu'on pourrait appeler une série de genre, ce mot fourre-tout (trop) souvent utilisé lorsqu'on ne sait pas quelle étiquette attribuer à une fiction. A mi-chemin entre la fable écologique, l'aspect western et le polar, Le créateur de la série, Mathieu Missoffe, brouille volontairement les pistes. Alors que l'arène de Villefranche, ni totalement fantastique ni 100% réaliste, est désormais introduite au spectateur, cette saison explore le passé de la ville, son héritage et ses démons, qui ne semblent décidément épargner aucun habitant. Une légion romaine maudite, des insectes tueurs, une plein lune qui fait dérailler les habitants, une meute de chiens déchaînés surgissant soudainement dans la ville... Pas le temps de s'ennuyer à Villefranche !
Cette saison est d'autant plus agréable à suivre (après un petit rattrapage obligatoire des intrigues la saison 1, qui nous semblent bien lointaines après deux ans d'absence!) car les enquêtes bouclées à chaque épisodes sont plus aérées - la saison s'ouvre d'ailleurs sur un double épisode. Chacune, à travers ses conséquences, est directement rattachée à l'intrigue feuilletonnante : l'affrontement entre Laurène et l'homme des bois, une créature inspirée d'un dieu celte nommé Cernunnos, doté de bois de cerfs. La série s'inspire en effet de rites et de légendes celtes qui possèdent une forte proximité avec la nature, le thème central de Zone Blanche. Le monstre, sans doute l'une des grandes forces de la série, évoque la série Hannibal de Bryan Fuller pour les amateurs du genre qui, sans être fantastique, flirte avec une esthétique gothique similaire.
Un second degré salvateur
Serait-ce l'effet de la fameuse patte belge ? Ce qui surprend de façon agréable dans la série, c'est sa capacité à l'autodérision et le second degré qui ponctue ses dialogues, gommant ainsi ses aspects excessifs, notamment par rapport à l'accumulation de morts violentes dans une ville aussi petite. "Vous n'êtes que deux ! Deux gendarmes dans une ville où on ne peut pas ouvrir une porte sans tomber sur un cadavre !" déclare Siriani, désamorçant ainsi le manque de crédibilité de la situation pour le spectateur. Ce sont les petites incongruités des personnages (Nounours et son cochon d'Inde, Hermann et sa passion pour la pêche ) et leurs défaillances (les allergies de Siriani, le handicap de Laurène) qui font tout le sel de la série et leur donne une grande humanité, là où le polar a trop souvent tendance à aseptiser les personnages. Un sens de l'ironie et de la mise à distance qui permet d'entrer plus facilement dans cet univers inclassable, dont on ne peut que saluer l'originalité tant les séries de genre manquent cruellement sur le service public français.
Si l'on ne devait garder qu'un seul point négatif à cette seconde mouture, ce serait son rythme : un format trop étiré de presque une heure, qui aurait gagné à être ramené à du 45 minutes. Une longueur également desservie par le fait que France 2 ait décidé d'écouler les huit épisodes sur trois soirées seulement...
Retrouvez Zone Blanche tous les lundis à 21h sur France 2 :