Réputé pour être le poumon du cinéma indépendant américain, on sait finalement peu de choses sur le déroulement du Festival de Sundance et sur son organisation concrète. AlloCiné vous raconte son expérience de cet événement cinéphilique.
Sundance est le nom du festival, mais il se déroule dans la ville de Park City dans l’Utah. Bordée par les montagnes wasatchs, cette petite bourgade de 10 000 habitants accueille chaque année des skieurs mais aussi des milliers de festivaliers venus savourer la crème de la crème d’un cinéma qui vit sans les majors de Hollywood et des films qui se retrouveront, pour les plus chanceux d’entre eux, dans d’autres festivals ensuite, comme Cannes, Berlin ou Deauville.
La ville
On arrive à Park City via une large route passant à travers un canyon (enneigé à cette période de l’année), le Lambs Canyon. On croise sur la route la "Grange blanche", dont un local nous apprend qu’elle date de la création de la cité en 1869. Restaurée au fil des ans, elle symbolise l’esprit des pionniers venus s’installer dans cet endroit reculé situé à 45 minutes de voiture de Salt Lake City, capitale de l’État.
Park City possède une rue principale justement baptisée Main Street, qui contient tout ce que le festivalier pourra chercher en termes de restaurants et commerces. Un fresh market (supermarché) plus éloigné offre des services plus globaux (et moins chers). Main Street est un enfilement en ligne droite de maisons semblant toutes dater de la conquête de l’Ouest. En réalité, la municipalité empêche toute construction qui ne respecterait pas cette règle : "il n’y aura jamais un building sur Main Street", nous garantit Steve, un habitant de la ville.
On trouve dans cette grande rue un seul des dix cinémas du festival : l’Egyptian Theater, ainsi appelé par sa décoration qui fut supervisée par un égyptologue. Ouvert le 25 décembre 1926, il est désormais iconique et peut accueillir 318 festivaliers. Par ailleurs, certaines maisons de Main Street accueillent des conversations autour du cinéma organisées par les médias partenaires qui ont tous leur stand sur Main Street, du Hollywood Reporter à Variety. C’est aussi un bon endroit pour apercevoir les stars invitées à des événements créés par ces médias.
La vie du festivalier
C’est aussi autour de Main Street que se trouve le bâtiment nommé "Box Office" qui va devenir un rendez-vous pour le festivalier qui n’a pu se payer un pass pour les 11 jours que dure Sundance. C’est ici que l’on peut acheter des tickets individuels à des séances, qui permettent de garantir son entrée dans les salles. Certains des cinémas possèdent moins de 200 places et les porteurs de tickets ou de pass sont prioritaires à l’entrée. Les autres passeront en dernier, en payant un billet moins cher mais avec de grandes chances de ne pas entrer. (L’auteur de ces lignes, pourtant premier de sa file "sans ticket" en a fait les frais, se faisant refuser l'accès car toutes les places avaient été prises par les pass et les tickets). Chaque ticket coûte 20 dollars.
L’attente pour chaque film peut être supérieure à une heure mais heureusement les quelque 2 000 bénévoles qui s’occupent des files d’attente seront là pour vous réchauffer de leur bonne humeur et de leur sens du relationnel. Sans eux, le festival n’existerait pas, ils sont toujours applaudis en début de séance et une journée du festival est traditionnellement désignée comme "la journée des bénévoles" au cours de laquelle il est encouragé de prêter attention et de ne pas hésiter à parler à ces personnes qui travaillent gratuitement pour permettre au festival d’exister. Pour l’anecdote, Steven Soderbergh fut bénévole et un an plus tard, gagnait le Prix du Public avec Sexe, mensonges et vidéo en 1989.
Et les films dans tout ça ?
Cette année 2019 proposait plus de 115 longs métrages parmi lesquels des documentaires. Deux d’entre eux ont beaucoup fait parler : Untouchable, consacré à Harvey Weinstein et montrant à la fois le système qu’il aurait mis en place pour commettre des agressions sexuelles et sa passion sincère pour le cinéma et son talent de producteur. Le second, Leaving Neverland, racontant en quatre heures les témoignages de deux victimes présumées d’agressions sexuelles sur mineurs, commises par Michael Jackson. Le film montre un côté manipulateur et effrayant du King of pop, ce qui a créé la polémique à Sundance. Certains événements ou magasins ont passé des chansons de l'artiste, ce qu’une partie du public a jugé intolérable après les révélations de Leaving Neverland, tandis qu’une vingtaine de fans avait manifesté devant l’Egyptian Theater pour rappeler que Michael Jackson avait été jugé innocent par la justice américaine et que les deux victimes d’aujourd’hui l’avaient innocenté au moment de ce procès.
Du côté des longs métrages de fiction, l’engagement politique était là avec Official Secrets, le nouveau film de Gavin Hood (La Stratégie Ender, X-Men Origins : Wolverine). Porté par une Keira Knightley impeccable, il raconte l’histoire vraie d’une lanceuse d’alerte qui permit à la presse de faire savoir que la NSA avait tenté de faire pression sur l’ONU pour légitimer la guerre en Irak. Autre histoire vraie présentée au festival, celle du serial killer Ted Bundy centrée avant tout sur l’homme, joué par Zac Efron. Les amateurs de sensations fortes pourront le laisser de côté et se rabattre sur Them That Follow, qui traite du fanatisme au sein d’une église révérant les serpents. Le film se demande jusqu’à quelle absurdité peuvent nous entraîner nos croyances et certains spectateurs peu à l'aise avec les serpents ont dû quitter la salle.
Des films que nous avons pu voir se détache clairement Luce, une oeuvre particulièrement intelligente sur le doute, que n’aurait pas renié Hitchcock. Un ancien enfant soldat nommé Luce (Kelvin Harrison Jr.) a été adopté par des Américains (Tim Roth et Naomi Watts). Alors que le jeune homme suit un parcours parfait au lycée en vue d’aller à l’Université, sa professeure d’histoire découvre qu’il cache dans son casier des feux d’artifice illégaux et que sa dernière dissertation justifie l’usage de la violence pour faire valoir ses droits. Elle alarme alors les parents du jeune Luce à ce sujet et dès lors, les doutes vont surgir, et sur tout le monde, au cours d’un récit captivant ou chaque regard et chaque attitude sera jugée par les spectateurs pour tenter de se faire une opinion. Un film remarquable signé du réalisateur Julius Onah (Cloverfield Paradox).
Enfin, on pourra signaler Clemency, second long métrage de la réalisatrice Chinonye Chukwu, qui présente la vie d’une directrice de prison (parfaite Alfre Woodard) devant assister aux exécutions des condamnés à mort de son établissement. Lorsqu’une exécution ne se passe dramatiquement pas de la façon prévue, cela va bouleverser sa vie pourtant jusque-là dictée par son travail.
Et maintenant ?
Le festival de Sundance se terminera ce dimanche après 11 jours à diffuser ce que le cinéma américain indépendant a produit de mieux l’année dernière. Certains auront la chance de trouver un distributeur car les studios viennent ici "faire leur marché" et s’arracher parfois à prix d’or les pépites de réalisateurs alors inconnus.
Hormis ceux-là, la plupart des films présentés à Sundance ne sortent pas en salle en France mais sont parfois distribués en DVD et surtout en VOD, il est donc conseillé de surveiller la rubrique « art et essai » de vos plateformes. Netflix par exemple, est partenaire du festival et présentait plusieurs films dont Velvet Buzzsaw en avant-première, disponible depuis ce vendredi :
Retrouvez les 10 jours de Sundance sur la chaîne Sundance TV. Tous les soirs, du 25 janvier au 3 février et à partir de 22h30, SundanceTV diffuse une sélection de films les plus remarqués lors du célèbre Festival de Park City.