AlloCiné : Que représente ce film pour vous ?
Thomas Vinterberg (réalisateur) : Kursk, c’est avant tout une grosse aventure épique qui tourne en tragédie. Au-delà du spectable, je voulais faire un film à dimension humaine et mettre en avant tout l’amour qui animait cette famille et le destin fatal auquel elle a dû faire face. Je me suis plus focalisé sur la situation de vie et de mort de tous ces personnages que sur le contexte politique qui gravite autour. J’ai également été fasciné par les différences de culture entre les pays occidentaux et la Russie de l’époque. Ce qui explique comment d’un côté on peut "facilement" tirer un trait sur des vies humaines alors que l’autre on est prêt à tout risquer pour les sauver. C’est incroyable qu’à l’époque, ne voulant pas perdre la face vis à vis de l'Occident, la Russie accepte de perdre la vie de vingt-trois de ses militaires !
C’est incroyable qu’à l’époque, ne voulant pas perdre la face vis à vis de l'Occident, la Russie accepte de perdre la vie de vingt-trois de ses militaires !
Parlez-nous de vos acteurs, Matthias Schoenaerts et Léa Seydoux ?
Thomas Vinterberg (réalisateur) : En fait c’est Matthias Schoenaerts, avec qui j’avais travaillé sur "Loin de la foule déchaînée", qui a proposé ma candidature comme réalisateur. J’ai donc eu beaucoup de chance. J’ai
toujours voulu travailler avec Léa Seydoux car c’est une femme tellement belle mais aussi tellement vraie : il y a quelque chose de tellement attachant, fragile quand on a la voit rayonner sur un grand écran.
Connaissiez-vous les détails de cette histoire ?
Matthias Schoenaerts : J’étais familier avec cette histoire et j’ai tout de suite été fasciné par l’idée de jouer ce rôle. En lisant le scénario, tous les souvenirs horribles de ces tragiques évènements sont remontés à la surface. J’avais par exemple oublié pourquoi les Russes n’ont pas voulu demander l’aide internationale avant qu’il ne soit trop tard... Je ne me souvenais plus du contexte et juste de ces morts horribles.
C’est vraiment difficile de ne pas être totalement dévasté face au destin cruel de ces hommes et leurs familles.
Léa Seydoux : Je ne connaissais pas du tout cette histoire et je n’étais pas familière avec ces évènements. De plus j’étais enceinte et pas forcément disponible. Mais j’ai rencontré le réalisateur Thomas Vinterberg, pour qui j’avais beaucoup d’admiration. Sa passion pour ce film m’a donné envie de faire partie de cette aventure. C’est vraiment en commencant le tournage que j’ai saisi l’énormité et l’horreur totale de cette histoire dramatique. C’est vraiment difficile de ne pas être totalement dévasté face au destin cruel de ces hommes et leurs familles.
Léa, vous incarnez Tanya Kalekov, l’épouse de l’un des marins : comment appréhender une histoire vraie en tant que comédienne ?
Léa Seydoux : Ce n’est pas si compliqué de se mettre dans sa peau car dès le début du tournage j’ai été saisie par cette histoire vraie. Jouer un personnage qui existe change le positionnement de mon jeu
d’actrice : on ne peut pas se permettre vraiment de les inventer comme un personnage de fiction. On ne peut qu’être traversé par cette émotion. En fait, j’ai exprimé la frustration et la rage aussi de cette femme face à cette injustice de la vie.
Parlez-nous du défi technique de mettre un scène un tel film.
Thomas Vinterberg (réalisateur) : Le premier défi a été la conception technique qui se déroule pour une longue partie dans un sous-marin. Recréer cet environnement claustrophobique n'a pas été une chose simple à mettre en place et les décors ont été un véritable casse-tête à construire. Evidemment, pour mener à bien cette tâche, j’ai fait appel à de nombreux consultants et à des spécialistes militaires car je voulais que tout soit plus vrai que nature, dans le moindre détail.
Je crois que presque la moitié du film se déroule dans le "ventre" du sous-marin
Tourner un film de sous-marin : on imagine que les conditions n'ont pas été simples...
Matthias Schoenaerts : Nous avons passé des heures et des heures dans des décors ultra-claustrophobiques et nous étions immergés dans une eau glaciale pendant un temps interminable. Tourner dans décors aussi minimalistes n’était pas une partie de plaisir pour notre réalisateur qui a dû faire preuve d’une grande créativité pour rendre le tout effrayant et excitant. Je crois que presque la moitié du film se déroule dans le "ventre" du sous-marin : c’est donc un défi que de maintenir le rythme et de donner du mouvement dans un environnement aussi hermétique. En ce qui me concerne, en tant qu’acteur, j’aime ce genre de mise à l’épreuve. Cela me permet de me mettre d’autant plus dans le "bain" de cette destinée tragique.
Thomas Vinterberg (réalisateur) : Il y a une scène où les soldats doivent nager pendant un bon moment pour aller chercher des cartouches d’oxygène. Ca n'a pas été simple pour les acteurs de tourner à plusieurs reprises, sous plusieurs angles et dans une eau glacée ces quelques minutes de pellicule. Globalement, toutes les scènes avec de l’eau ont représenté un défi car vous avez des câbles électriques dans tous les sens et donc toute une équipe de travail sur les nerfs ainsi qu’une compagnie d’assurances priant pour qu’il n’y ait pas de fatalité !
Parlez-nous de votre relation de travail avec Thomas Vinterberg ?
Léa Seydoux : J’ai aimé sa grande douceur dans sa manière de travailler. Il a une grande sensibilité mais en même temps c’est quelqu’un de très solide et qui sait faire preuve d’autorité. C’était intéressant ce mélange de douceur et d’extrême concentration.
Le coeur de ce film, c'est le combat éternel entre l’Humain et la bureaucratie.
Au-delà de l'histoire vraie, quel est le coeur du film de votre point de vue ?
Léa Seydoux : Il parle de beaucoup de choses, y compris l’aspect politique qui est évident. Je crois que notre réalisateur a essayé de faire un film très humain. Il a fait en sorte que nous, en tant que spectateur, puissions avoir une vision de cette catastrophe sous un aspect intime, d’avoir un regard sur ces gens qui ont été complétement abandonnés par leur propre nation. Cela donne un sujet fort.
Matthias Schoenaerts : Le coeur de ce film, c'est le combat éternel entre l’Humain et la bureaucratie qui se dresse toujours sur sa route. C’est intéressant et dramatique de constater que c’est toujours un sujet d’actualité de par le monde. C’est aussi une leçon de courage mettant en avant des hommes qui refusent de mourir. Et c’est une histoire d’amour tragique. Ce film est d’une force et d’une horreur incroyable : je crois que cela ne peut que vous émouvoir et vous retourner.
Kursk, au cinéma cette semaine