AlloCiné : Quelle expérience le documentaire "Jane Fonda in Five Acts" a t-il représenté pour vous ?
Susan Lacy (réalisatrice) : Ce fut pour moi une expérience très émotionnelle. C’est pendant mes recherches sur Jane, et plus particulièrement en lisant son autobiographie, que je me suis rendu compte de l’importance et du poids de Jane, de son impact dans la société. C’est ce que j’ai voulu mettre en avant dans ce film : l’implication de Jane dans divers débats politico-sociaux et son courage pour affronter d’énormes critiques. Je voulais aussi montrer sa passion et son dévouement pour certaines causes humanitaires. Surtout, je ne voulais pas faire un documentaire sur la star de cinéma.
Jane Fonda : J’ai accepté de faire ce documentaire uniquement parce que Susan allait le réaliser. J’avais été approchée par quelqu’un d’autre pour cette tâche, mais je n’avais pas la confiance que j’ai en Susan. J’adore ses films et je savais qu’elle saurait tisser une histoire "vraie" sur ma vie.
Qu’est-ce qui vous a surpris en élaborant ce documentaire ?
Susan Lacy (réalisatrice) : Je connaissais le travail de l’actrice et de l’activiste. J’avais la vision de la femme forte que Jane est. Mais je ne savais pas qu’en même temps, c’était quelqu’un de fragile et de vulnérable. Et cela m’a vraiment surpris. C’est ce que ce film révèle en partie, un côté humain et émotionnel que l’on ne connait pas de Jane Fonda. Jane a fait preuve d’une grande franchise et d'une grande honnêteté en tournant ce documentaire et je lui en suis reconnaissante.
Jane Fonda : Rien ne m’a vraiment surpris par rapport au contenu du documentaire; même si je ne me souvenais pas bien de certains passages de ma vie. Susan a également trouvé des images sur moi que je n’avais jamais vues et ce fut incroyable de découvrir ces vestiges du passé. Surtout, les images sur diverses controverses dont j’ai été la cible, notamment pendant la guerre du Vietnam. Ce qui m’a surpris
agréablement, c'est la structure et le rythme du documentaire : en cinq actes. C’est brillant comme construction ! Et puis j'au aussi été étonnée par le début avec l’enregistrement de Richard Nixon : j’ai trouvé ça marrant et différent.
Susan Lacy (réalisatrice) : C’est amusant car la structure du documentaire m’est apparue en lisant votre livre, tout simplement. C’était une évidence, ces cinq actes de votre vie. En lisant le livre de Jane, j’ai pu déceler l’importance du père dans sa vie jusqu’à l’orée de ses 60 ans. Il y a eu aussi trois mariages qui à
chaque fois l’ont mise dans une "boite" désignée par chaque mari qui l'empêchaient d’être pleinement Jane Fonda. Finalement, après sa relation avec Ted Turner, elle est devenue une femme entière et maître de sa
destinée.
Jane, est-ce que vous pensez que vous êtes toujours une voix importante dans l’Amérique d’aujourd’hui ?
Jane Fonda : Oui, je pense qu’en ce moment, avec tout ce que nous traversons, je suis une voix nécessaire et je suis ravie de pouvoir aider telle ou telle cause quand je le peux. Et je ne suis pas la seule ! Un grand nombre de stars sont de plus en plus actives face au différents défis qui se dressent devant nous. Je me sens très impliquée, notamment avec le mouvement "Time is up" qui soutient l’équité entre hommes et femmes dans notre société ultra macho. "Me Too", c’est surtout centré sur les diverses victimes sortant de l’ombre et dénonçant leur agresseur. "Time is up", c'est très important pour moi car c’est focalisé sur le changement nécessaire pour faire progresser notre société. Ce qui est intéressant, c’est que j’apprends tellement de choses sur notre population en me mélangeant avec d’autres activistes et tous les gens que nous rencontrons aux quatres coins du pays... Cela me permet de mieux comprendre pourquoi certains ont voté pour Trump et de tenter de leur montrer que leur choix n’est pas forcément le meilleur, tout en êtant prudente et à l’écoute de leurs critiques également.
Est-ce que vous vous voyez comme un exemple pour les femmes d’aujourd’hui ?
Jane Fonda : Sans doute, et je suis ravie de parler aux femmes chaque fois que je le peux en montrant comment l’on peut vieillir avec grace en conservant son énergie, sa bonne humeur et même son activité sexuelle ! Mais ce qui m’importe aussi, c’est de parler aux hommes. Car je crois que c’est beaucoup plus dur d’être un homme aujourd’hui. On force les hommes dès leur jeune âge à être ou, plutôt, à se croire invincible, à devenir le chef de la famille, le dominant… Tout ceci met un poids psychologique énorme sur les hommes. C’est comme si on leur volait leur sensibilité, leurs émotions, leur vulnérabilité... "Vous ne pouvez pas pleurer", "vous ne pouvez pas aimer votre mère", "Arrêtez de vous plaindre et ne demandez jamais de l’aide"… En tout cas c’est ce que l’on apprend aux garçons et aux jeunes homme, en grande majorité, aux Etats-Unis. Cela empêche les hommes d’être entiers et je pense que ceci explique tel comportement, telle dérive et tel extrémisme. Nous avons besoin d’exprimer plus de compréhension et d’empathie les uns envers les autres si nous voulons survivre sur cette planète.
Justement, que vous inspire la situation politique dans le Monde en ce moment ?
Jane Fonda : Je suis stupéfaite et inquiète. Mais je suis heureuse de voir comment la jeunesse d’aujourd’hui est pleinement réveillée et prête à se battre pour ses libertés. En tout cas, je suis pleine d’optimisme et je ris
au nez de ceux qui veulent nous faire peur et nous déprimer ! Ce qui est encore plus horrible que la situation politique, c’est la situation de l’environnement. Notes planète est vraiment en pleine crise et nous
devons faire un effort international pour trouver des solutions communes… Et puis enfin, je suis horrifiée par mon pays commandé par un gangster et la Russie, également sous les ordres d’un autre gangster et comment ces deux gangsters sont en train de se marier !