AlloCiné : Comment tout a commencé ?
Félix Maritaud, comédien (Sauvage) : Un jour, on m'a demandé mon numéro de téléphone via Facebook. On m'a dit : "Tu me remercieras plus tard". A la suite de ce coup de fil, j'ai rencontré les directrices de casting de 120 battements par minute et Robin Campillo. Ça a plutôt accroché avec Robin, on a commencé à avoir de longues discussions. Je lui ai pas mal parlé de mes expériences. On s'est revus dans le cadre du casting. On a fait les répétitions, puis le tournage. J'ai pris beaucoup de plaisir, et comme j'en donnais, ça a continué. C'est un truc d'échanges.
Il cherchait des pédés engagés, sensibles et charismatiques, à l'image des mecs d'Act Up qui étaient vraiment dans un truc de puissance par l'image. Il a ratissé assez large dans le milieu gay parisien pour son casting. Assez vite, j'ai rencontré Nahuel [Perez Biscayart], Arnaud [Valois] et Antoine [Reinartz]. Ca nous a permis de créer des liens ensemble avant le début du tournage.
Est-ce que tu avais pensé à faire du cinéma auparavant ?
Non. Je pense que si j'avais pensé à en faire, ça aurait plutôt été de l'autre côté de la caméra, du côté de l'image. J'avais déjà fait de la performance, du happening, mais c'est très différent. Tu donnes pendant un temps avec le public sur place ; il n'y en a pas forcément une diffusion. C'est un peu moins précis que le cinéma, qui demande de répéter des actions, des émotions, de passer par différents stades émotionnels. J'ai beaucoup aimé.
Ce qui m'a le plus poussé à continuer, c'est l'espèce de communauté artistique qui existe sur un plateau de cinéma.
Ce qui m'a le plus poussé à continuer, c'est l'espèce de communauté artistique qui existe sur un plateau de cinéma. Chacun vient avec un talent, une identité forte. J'ai peut être eu de la chance, de tomber sur des plateaux où les gens étaient vraiment super. Ce truc où tout le monde se rassemble autour d'un objet, pour créer une histoire dans l'histoire. Que chacun rassemble son talent pour un objet-film.
Est-ce que tu t'es dit très vite en faisant ce film que tu allais vouloir en faire ton métier ?
Je n'ai pas envie de me définir acteur parce que ça voudrait dire que j'ai un objectif ou un but. Mais je n'en ai pas en fait. Je trouve ça juste génial. J'ai envie de le vivre au présent, maintenant quoi. Je sais qu'il y a des relations avec des réalisateurs que je peux tisser et c'est très exaltant. Les réalisateurs, souvent, sont des gens brillants, et j'aime bien la relation avec des gens brillants.
Je ne sais pas trop si je suis un acteur ou si je suis juste un garçon qui peut faire l'acteur. Est-ce que ça a vraiment du sens de se dire : je suis un acteur. Tout le monde peut être un acteur s'il a décidé d'oublier son ego et d'être disponible et généreux. Je crois que c'est la base.
Est-ce que tu regardais beaucoup de films étant jeune ?
Je regardais très peu de films, jeune. Je vais au cinéma assez fréquemment aujourd'hui parce que forcément quand tu es dans un circuit, tu as envie de voir le travail des autres. Ce sont surtout des réalisateurs qui me donnent des films et je les regarde. Par contre, je faisais souvent des rêves où j'étais au cinéma, et où il y avait un truc d'écran et de passage. C'est un truc qui m'est arrivé pas mal de fois, enfant.
Quel est ton premier souvenir marquant de spectateur ?
Il y en a eu pas mal. Mulholland Drive, je sais que je l'ai vu assez tôt. Ça a été un début de fascination un peu ésotérique, pour les choses qui n'existent pas, les fictions internes. Je crois que c'est mon premier vrai choc. Je l'avais vu à la télé avec mon père, je devais avoir 9-10 ans. C'est jeune pour voir ce film.
Y a-t-il des comédiens d'autres générations qui t'inspirent ?
Je trouve Gérard Depardieu hyper inspirant. Il ne manque pas d'intégrité. J'aime bien son rapport hyper poétique à ce qu'il fait. Il est tout le temps dans le sensible quand il parle de ce métier. Il n'est jamais dans un truc de théorisation, de méthode pour être acteur… Je pense que sa technique vient de sa sensibilité profonde. Quand je l'écoute parler dans les années 80 de ce métier, il est dans un affect total, une compréhension brillante de ce qu'il fait, c'est très impressionnant.
Tous les acteurs qui n'ont pas froid aux yeux m'inspirent
Sinon, des actrices, Béatrice Dalle, par exemple... Elle m'inspire autant dans la manière qu'elle a de se donner pour les rôles que dans la manière qu'elle a de gérer son image publique, sa relation aux gens.
Tous les acteurs qui n'ont pas froid aux yeux m'inspirent, et tous ceux qui savent rester eux-mêmes et droits, coûte que coûte.
Est-ce que la musique peut t'inspirer dans ton travail ?
Oui, ça arrive. J'écoute beaucoup de musique depuis super longtemps. Ca me provoque, ça me génère des choses qui sont un peu comme de la matière après à mettre dans des rôles. Il y a de la musique que j'écoute en spécificité pour me mettre un peu dans des moods.
Qu'est-ce que tu écoutes comme genre de musique au quotidien sinon ?
De la musique des années 60, africaine, iranienne… Plein de choses !
Quel est le meilleur conseil qu'on t'ait donné ?
C'est Béatrice Dalle qui m'a dit : "On ne sera riche que dans nos coeurs, l'intégrité paye, mon chéri !" Ça, je pense que c'est le meilleur conseil qu'on m'ait donné, pas que dans ce métier, dans la vie.
Passer derrière la caméra, une tentation ? Ou peut être écrire ?
J'écris en ce moment. J'écris lentement. Je ne sais pas si je vais réaliser, je ne suis pa ssûr que ça soit une bonne idée de me donner le contrôle de beaucoup de gens ! Je ne voudrais pas être un tyran pour des gens ! Mais oui, c'est attirant, c'est tellement beau de faire ça que ça donne envie, c'est clair !
Que s'est-il passé pour toi après 120 battements par minute ?
Après 120 BPM, j'ai trouvé un agent, j'ai fait Sauvage. Il y a eu ce truc de début de circuit et maintenant je suis plus à l'aise, je ne suis pas pressé. Peut être que je devrais être plus volontaire, mais je trouve que ça fait peur les acteurs trop volontaires. Nicolas Maury parlait de ça récemment et je suis vraiment d'accord avec lui.
Cannes 2018 : "Sauvage c'est Maurice Pialat chez le Marquis de Sade"Comment es-tu arrivé sur Sauvage ?
C'était sur le tournage de 120 battements par minute. Je suis arrivé un matin et Nahuel [Perez Biscayart] était en train de lire le scénario de Sauvage. Je lui ai dit un peu en rigolant : "C'est quoi, ça ?". Et il m'a dit : "C'est un rôle pour toi !". Du coup, il m'a mis en contact avec Camille [Vidal-Naquet, le réalisateur].
Je n'ai pas du tout regardé la prostitution dans le rôle. J'ai regardé vraiment les sentiments du personnage, son amour.
Ce qui a surpris Camille, je l'ai appris récemment, c'est que je n'ai pas du tout regardé la prostitution dans le rôle. J'ai regardé vraiment les sentiments du personnage, son amour. Si on déconstruit l'image sociale de la prostitution comme étant quelque chose de très loin et très extérieur, on arrive à se dire que c'est un boulot un peu banal pour pas mal de gens. Et pour lui, c'est tellement banal qu'il ne faut pas en faire des caisses quand tu fais ce genre de personnages.
Ce qui est intéressant dans Sauvage, c'est qu'on ne sait jamais où l'on va nous emmener. Il y a des ruptures de ton, et parfois de l'humour dans les moments les plus inattendus...
Je pense que Camille a eu envie de construire ce film un peu comme la vie de ce personnage. Il zone et il ne sait jamais où il va. Il a une vie très surprenante, mais qui suit une espèce de fil. Ce sont des rires de surprise souvent, mais quand le public rigole, ce sont pour moi les moments les plus tragiques pour le personnage. Donc ça m'a paru un peu fou. Mais je le comprends : quand tu es dans une tension, d'un coup, tu as un truc qui jailli, qui te sort un peu du truc tendu. Le rire permet d'exprimer une forme de soulagement.
120 battements par minute : un an après Cannes, que deviennent les comédiens du film ?
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