En salles depuis le 27 juin, Love, Simon, réalisé par Greg Berlanti (le producteur à succès derrière les séries Arrow, Flash, ou Riverdale) et adapté du roman de Becky Albertalli Moi, Simon, 16 ans, homo sapiens, est une comédie romantique adolescente qui raconte l'histoire de Simon Spier (Nick Robinson), un lycéen qui dès les premières secondes du film déclare être "comme tout le monde" mais qui cache un énorme secret à son entourage : il est gay. Lorsqu'il rencontre sur un réseau social à la mode "Blue", un autre ado dans le placard dont il ignore la véritable identité, Simon voit une lueur d'espoir venir éclairer son quotidien et se met à rêver à la possibilité d'une première grande histoire d'amour. Mais cette relation digitale naissante, et la quête identitaire de Simon, vont être bouleversées lorsqu'un camarade de Simon découvre son secret et se met à le faire chanter sous menace de révéler son homosexualité à tout le lycée.
Devenu un véritable petit phénomène depuis sa sortie aux États-Unis en mars, Love, Simon a pourtant au premier abord tout d'un film de lycée tout ce qu'il y a de plus classique, dans la lignée de Collège attitude, Elle est trop bien, ou 10 bonnes raisons de te larguer. Mais c'est justement en partie là que réside sa grande force, et sa différence. Parce que, oui, c'est vrai, Love, Simon est un film mainstream, à destination du grand public, et distribué par un grand studio. Mais c'est aussi un teen movie centré sur un personnage gay. Et ça, c'est moins fréquent. Et cela impose le film de Greg Berlanti comme un film qui fera date. Car même s'il ne gagnera jamais d'Oscar, Love, Simon est sûrement l'un des films les plus importants de 2018. Voilà pourquoi...
Parce que c'est la première comédie romantique pour ados avec un héros gay
Comme nous le confiaient récemment Greg Berlanti, Nick Robinson et Katherine Langford en interview, Love, Simon est le "premier film de studio qui raconte la découverte de l'amour par un ado gay". Un constat qui paraît étonnant en 2018 mais qui est pourtant bel et bien vrai. L'homosexualité, et plus globalement la communauté LGBTQ, ont évidemment déjà été au centre de pas mal de films indépendants, mais qu'un grand studio américain comme la Fox décide de faire de sa nouvelle rom-com ado une histoire d'amour gay, ce n'est pas rien et cela constitue en soi un réel pas en avant en terme de réprésentation des personnes gays et lesbiennes au cinéma. Qui pour la première fois peut-être peuvent se reconnaître dans le "Je suis comme vous" lancé par un héros de comédie romantique hollywoodienne mainstream.
Car si le petit écran, avec des exemples tels que Glee, Degrassi, ou plus récemment Skam, a permis depuis déjà un moment de mettre en avant la communauté LGBTQ par le biais de très beaux portraits de lycéens gays, le cinéma semblait lui rester bien en retard lorsqu'il s'agissait de s'adresser aux adolescents via des oeuvres grand public. Trop souvent, les personnages gays dans les films pour ados américains semblaient jusqu'à présent n'être que des personnages ultra secondaires, qui ne servaient qu'à cocher la case du "meilleur ami gay" ou de celui dont on se moque via des vannes de mauvais goût. Avec Love, Simon Hollywood semble donc amorcer un nouveau virage, en prouvant que, oui, un personnage gay peut être le héros d'une love story comme les autres, un brin guimauve et cliché comme tous les films et toutes les séries se déroulant dans un lycée. Qui offrent leur propre version romancée de la réalité mais qu'on aime quand même.
Parce que c'est un film LGBTQ avec une fin heureuse
En plus d'être un film important par le simple fait que son héros ne soit pas un homme blanc hétéro, Love, Simon se démarque aussi parce qu'il n'est pas vraiment un film LGBTQ comme les autres. En effet, sans tomber dans le cliché et stigmatiser tous les films du genre, avouons que les histoires et autres romances gays que le cinéma a tendance à nous offrir respirent rarement la joie de vivre et, pire, se terminent souvent de manière triste et désespérée, faisant de l'homosexualité quelque chose de douloureux et/ou de potentiellement mortel. Oui, Brokeback Mountain, Philadelphia, Milk, Moonlight et Call Me By Your Name, on parle (entre autres) de vous.
Plutôt que de faire de l'histoire de Simon Spier un drame où le love interest du héros finira forcément par lui briser le coeur ou par mourir, Love, Simon a fait le choix d'une fin heureuse (on n'en dira pas plus évidemment). Il n'est pas question de vie ou de mort dans le film de Greg Berlanti et les ressorts lacrimaux du long-métrage se trouvent ailleurs. C'est en effet le questionnement intérieur de Simon, ses doutes et ses peurs, qui nous font pleurer, parce que c'est un processus incroyablement émouvant, qui touche forcément en plein coeur ceux qui ont vécu cela de près ou de loin. Et le fait de voir Simon aimer et embrasser un autre garçon pour la première fois est bien plus beau et renversant que toutes les fins tragiques que les scénaristes auraient pu écrire.
Parce que c'est un très beau film sur l'acceptation
Plus qu'une simple histoire d'amour dont le protagoniste est gay, Love, Simon est aussi et surtout un film important sur l'acceptation. L'acceptation des autres, évidemment, puisque l'une des peurs de Simon, qui a fait de son homosexualité un secret, réside dans la réaction que sa famille et ses amis pourraient avoir en apprenant qu'il est gay. Mais également l'acceptation de soi, et l'étape souvent difficile du coming-out qui en découle. Car Love, Simon rappelle une chose fondamentale : le coming-out est un processus personnel et privé. "Je m'en tape si tu ne pensais pas que mon coming-out prendrait ces proportions", lance Simon à celui qui a révélé son secret au grand jour. "C'était pas à toi de décider de ça. C'est moi qui suis censé décider où, et quand, et comment, et qui le sait, et comment je dois le dire. C'est quelque chose qui m'appartient. Et à cause de toi j'en ai été privé".
Comme Simon, beaucoup trop de personnes ont été "outé" sans l'avoir décidé (on pense évidemment aux célébrités dont l'homosexualité a été révélée par la presse people). Faire son coming-out revient à dire au monde entier une vérité qui nous appartient. Une vérité que chacun doit pouvoir énoncer au moment voulu et de la manière qu'il l'entend. Love, Simon parle très bien de ce sujet et ce n'est pas la seule chose qui émeut dans le parcours initiatique de Simon. Car l'autre chose que rappelle le film, ou qu'il dit à ceux qui n'en auraient pas conscience, c'est qu'il n'est pas toujours facile d'accepter d'être gay, dans une société où être hétéro reste encore la norme en 2018.
Un passage très réussi du film, dans lequel Simon imagine ce que donnerait le coming-out hétéro de ses amis :
Mais heureusement, malgré les doutes et les peurs de son héros, qui redoute la réaction de ses proches, Love, Simon parvient à énoncer un message très important : la vérité peut être libératrice et chacun a droit au bonheur et à l'amour, que l'on soit gay ou hétéro. Un message que traduit à la perfection l'une des plus belles scènes du film, entre Nick Robinson et Jennifer Garner, qui joue la mère de Simon, durant laquelle ce dernier demande à sa mère si elle savait qu'il était gay. "Je savais que tu avais un secret", lui répond-elle. "Quand tu étais petit tu étais tellement insouciant. Mais ces toutes dernières années, de plus en plus, c'est presque comme si je te sentais retenir ta respiration. (...) Etre homosexuel ça t'appartient. Ça fait partie de ta vie et tu devras l'appréhender tout seul. Et je déteste ça. Dès que tu nous en as parlé tu as dit "Maman, je suis toujours moi". J'ai besoin que tu entendes ça : tu es toujours toi Simon. Et tu es toujours le même fils que j'adore taquiner. (...) Il faut reprendre ton souffle maintenant Simon. Il faut que tu sois plus toi. Ce que tu n'as pas été depuis un temps incalculable. Tu mérites d'avoir tout ce que tu souhaites".
C'est bien simple, on n'a pas été aussi touché par un discours de parent depuis celui de Michael Stuhlbarg dans Call Me By Your Name. Quelques phrases si fortes, si puissantes, si belles, qu'elles méritent à elles seules qu'on aille voir Love, Simon.
Parce que son message pourrait changer la vie de beaucoup de jeunes
En montrant qu'être gay ne devrait aucunement être perçu comme quelque chose de négatif, que l'on peut être gay et heureux, et que l'on ne devrait pas avoir à cacher qui l'on est, Love, Simon s'impose sans mal comme l'un des films les plus touchants et les plus nécessaires de cette année 2018. Le long métrage de Greg Berlanti prend même un malin plaisir à détourner les clichés du genre de la comédie romantique dans l'une de ses dernières séquences, en montrant que Simon a le droit à l'amour et qu'il a le droit de vivre cet amour sur une grande roue, comme Drew Barrymore et tous les autres héros hétéros de teen movies. Ça aussi, mine de rien, on avait probablement besoin qu'Hollywood nous le montre enfin dans l'un de ses films à gros budget.
Et si l'un des messages de Love, Simon est que l'on a tous droit à l'amour, ou qu'"On mérite tous une première grande histoire d'amour", comme dirait la tagline de l'affiche, l'autre message du film est assurément "Vous n'êtes pas seuls". Ce que traverse Simon, tant de jeunes adolescents gays l'ont vécu auparavant et vont continuer de le vivre. Et si plus de films avaient décrit la vie de la communauté LGBTQ de manière positive et optimiste, peut-être que certains adolescents en mal de repères auraient pu y trouver une certaine lueur d'espoir et ne pas commettre l'irréparable (des études, notamment rapportées par l'association américaine Trevor Project, rappellent que les adolescents gays, lesbiens ou bis sont cinq fois plus susceptibles de tenter de se suicider que les adolescents hétéros).
Grâce au personnage de Simon Spier, qui lui-même semble en manque de repère (malgré la présence dans le film d'Ethan, autre ado de son lycée à avoir fait son coming-out et qui vit fièrement son homosexualité), la jeunesse LGBTQ actuelle pourrait donc avoir trouvé son modèle. Ou du moins un exemple positif d'acceptation de soi et de prise de parole qui pourra peut-être permettre à certains d'énoncer leur propre vérité à leur manière. Car chaque expérience et chaque coming-out est différent. Mais ce qui est certain c'est que Love, Simon est un film qui marque les consciences, libère la parole, et semble déjà avoir poussé de nombreux jeunes à faire leur coming-out, si l'on en croit les récits de spectateurs touchés qui fleurissent notamment sur Twitter. Même le frère de Nick Robinson, probablement motivé par l'histoire du film dans lequel jouait son frère, a choisi de révéler son homosexualité à sa famille au moment du tournage de Love, Simon : "Je pense que le timing a été un peu une coïncience, mais l'une des meilleures choses qui est ressortie de ce film est que j'ai pu lui parler", a déclaré Nick Robinson à Ellen DeGeneres lors de son passage dans le talk-show Ellen. "Je pense que la force d'un film comme celui-ci est de démarrer des conversations".
Il ne reste donc plus qu'à espérer que, comme Simon Spier, de nombreux adolescents gays qui n'osent pas faire leur coming-out trouveront le courage de "reprendre leur souffle" grâce à Love, Simon. C'est tout ce qu'on peut leur souhaiter.
Notre interview de Greg Berlanti, Nick Robinson et Katherine Langford :