AlloCiné : Comment est venue l'idée de The Rain ?
Jannik Tai Mosholt : Nous avons eu l'idée de The Rain il y a quelques années déjà, alors que nous imagions ensemble à quoi ressemblerait une série post-apocalyptique se déroulant en Scandinavie car, et c'est particulièrement le cas au Danemark, il n'existe pas réellement de vie sauvage dans cette région.
Christian Potalivo : Également, les séries post-apocalyptiques se déroulent généralement dans d'autres pays que le nôtre. C'est pourquoi il nous semblait intéressant de développer ce thème dans une région comme la Scandinavie.
Quelles ont été vos influences ?
JTM : Nous nous sommes inspirés du roman Sa Majesté des mouches, car nous voulions faire une série qui aborde le thème de la survie à travers un groupe de personnages, et non pas sur la base d'exploits individuels. Nous nous sommes également inspirés du livre La Route de Cormac McCarthy, mais également de la série des Hunger Games car nous voulions que la série s'adresse avant tout à un public jeune, qu'elle soit optimiste, pleine de vie et d'espoir, afin d'éviter que notre propos ne soit trop triste ou déprimant. Pour nous, cette série a avant tout été l'occasion de célébrer la vie et la persistance de nos personnages. Une autre de nos influences a été la série The Leftovers, car elle aussi met en scène des protagonistes face à des circonstances qu'ils ne comprenennt pas, mais qui leur sont imposées par la force des choses. L'être humain est constamment à la recherche de réponses, car nous ne comprenons pas tous les mystères de la vie.
Comment avez-vous réparti vos rôles ? En quoi avoir trois créateurs à la tête d'une même série a-t-il été selon vous un atout créatif ?
Esben Toft Jacobsen : Chacun d'entre nous a un profil complètement différent des autres. Jannik est le showrunner, Christian est le producteur tandis que pour ma part je suis en charge de l'aspect visuel de la série.
CP : Nous nous connaissons par cœur, car nous fréquentions la même école de cinéma. C'est une collaboration qui dure depuis plus de quinze ans, je ne sais pas comment cela fonctionne pour les autres, mais dans notre cas nous respectons les qualités de chacun, ce qui nous permet d'échanger des idées sans craindre d'être jugés. Et lorsque nous ne sommes pas d'accord, nous débattons ensemble et retenons l'argumentation qui nous semble la plus convaincante. Je pense que la clé de notre collaboration est que nous nous apprécions énormément, et que nous aimons travailler ensemble tout simplement.
JTM : Pour moi, un film ou une série est le fruit d'un travail en équipe. Donc dès les prémisses de ce projet, nous nous sommes promis de le faire ensemble, et je pense également que l'on ressent moins de pression en travaillant à plusieurs plutôt qu'en le faisant seul.
The Rain est la toute première production originale danoise de Netflix. La série aurait-elle pu voir le jour sur une autre chaîne ou un autre média ?
JTM : Absolument pas. Quand nous avons développé l'idée de la série il y a quelques années, nous ne pensions pas pouvoir la faire car au Danemark, seuls deux types de séries voient le jour, les feuilletons policiers et les comédies dramatiques. Donc ce n'est qu'après avoir appris que Netflix cherchait à lancer sa première production originale scandinave que nous avons réalisé que c'était là notre unique chance de pouvoir concrétiser notre projet en série. Nous sommes donc allés à leur rencontre et par chance ils ont été emballés par notre histoire
CP : Au Danemark, nous lançons à peu près quatre nouvelles séries par an, et il est donc essentiel qu'elles touchent un public le plus large possible. Le Danemark est un petit pays avec peu d'habitants, alors une série de genre comme la nôtre n'aurait probablement jamais pu voir le jour. Mais avec Netflix, nous nous adressons à une audience mondiale, qu'aucune chaîne danoise n'aurait pu nous permettre d'atteindre.
Je trouve cela génial que l'on puisse promouvoir les cultures par le prisme de la fiction.
De nombreuses séries européennes de Netflix ont connu un succès international ces derniers temps (Dark, La Casa de Papel, The Crown…). En quoi ce nouvel essor peut-il révolutionner le monde des séries européennes ?
JTM : C'est un changement majeur car auparavant la plupart des films et des séries vus dans le monde étaient des productions américaines. Et le seul moyen pour nous de toucher un public international était que quelqu'un aux États-Unis décide de tourner un remake en anglais de notre série, mais alors ce n'était plus notre travail mais celui de quelqu'un d'autre. Désormais on peut faire une série qui parle de notre société, tournée dans notre langue maternelle, et toucher par la même occasion un public beaucoup plus grand que par le passé. Je trouve cela génial que l'on puisse promouvoir les cultures par le prisme de la fiction.
CP : Ironiquement, le seul remake qui a été fait à partir d'une de mes séries est français (rires). (ndlr : il s'agit de Ben avec Barbara Schulz, adaptée de la série danoise Dicte)
[SPOILER] Pourquoi avoir décidé de faire avancer l'intrigue de plusieurs années lors du premier épisode, et de faire vieillir les protagonistes principaux ?
JTM : Nous voulions faire disparaître les traces de notre civilisation et laisser le temps nécessaire à la nature de reprendre ses droits, qu'elle remplace peu à peu l'humanité en recouvrant ses vestiges.
CP : J'ajoute que nous voulions également éviter que la série se concentre sur le quotidien d'enfants enfermés dans un bunker pendant huit épisodes consécutifs. L'histoire que nous voulions raconter est celle de deux adolescents en quête d'identité dans un monde hostile. C'est pourquoi nous avons pris la décision d'accélérer leur vieillissement, quitte à ignorer des événements intervenus au cours de cette période, mais ce n'est pas sur cela que nous voulions nous attarder.
The Rain débute comme un huis-clos avant de se transformer en survival. Quelle direction avez-vous voulu donner à la série ?
JTM : Nous avons conçu la série comme si elle avait un double épisode d'ouverture : le premier nous permet d'introduire l'action et les personnages, tandis que le second démarre véritablement l'action.
CP : La série est centrée sur ses deux personnages principaux, c'est pourquoi nous avons opté pour une approche claustrophobique dans le premier épisode, afin d'être au plus près d'eux pour mieux faire leur connaissance.
Dans la série, Simone tient lieu de figure paternelle pour son jeune frère Rasmus. Était-ce important pour vous que le personnage principal de The Rain soit une femme ?
JTM : Dès le départ, il nous semblait primordial d'adopter ce point de vue car nous voulions qu'elle soit pour son frère à la fois une mère et un père, mais aussi qu'elle soit montrée comme une jeune femme en pleine découverte d'elle-même. Il y a tellement de choses qu'elle n'a pu connaître en raison des circonstances. Par le passé, elle a toujours suivi la voie dictée par son père mais depuis sa disparition, elle a dû faire ses propres choix et tracer sa propre destinée.
Une saison 2 de The Rain est-elle en préparation ? Avez-vous déjà décidé combien de saisons seront nécessaires à la série pour mener l'intrigue à son terme ?
CP : Il n'y a pas de plan pour un nombre précis de saisons, nous avions à cœur de faire quelque chose de cool et d'intéressant mais il est vrai qu'avec une telle histoire, il a fallu faire des sacrifices en écartant certaines idées par manque de temps. Nous aimerions pouvoir explorer de nouvelles choses, mais tout va dépendre de l'accueil réservé à la série. Nous verrons ensuite ce qu'il sera ou non possible de faire.
La saison 1 de The Rain est à découvrir dès à présent sur Netflix :