Mis en scène par le cinéaste uruguayen Gustavo Hernandez à qui l'on doit The Silent House (La Casa Muda), présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2010, No dormiràs se déroule en 1984. Dans un hôpital psychiatrique abandonné, une compagnie théâtrale menée de main de maitre par Alma (Belén Rueda), expérimente une technique extrême de jeu. En privant ses comédiens de sommeil, Alma prétend les préparer à donner le meilleur d’eux-mêmes. Au fur et à mesure des jours d’insomnie, les acteurs ressentent des choses de plus en plus étranges… Bianca (Eva de Dominici), jeune actrice en compétition pour le rôle principal, tente de percer les secrets de cet étrange endroit et devient bientôt l’objet de forces inconnues.
Emmené par les commédiennes espagnoles Belén Rueda (Mar adentro, L'orphelinat, Les Yeux de Julia), Natalia de Molina et l'argentine Eva de Dominici - qui fait ses premiers pas sur grand écran - le long métrage est né d'une expérience personnelle du metteur en scène. Après des nuits d’insomnies, où ses sens étaient devenus plus vifs et la perception de son environnement plus aiguë, ce dernier a commencé à faire des recherches sur les répercussions du manque de sommeil sur le cerveau et le corps. Il a alors trouvé qu’il serait intéressant de partir du postulat d’une veillée extrême et prolongée.
En construisant son récit dans le passé, comme c’était déjà le cas avec The Silent House, Gustavo Hernández interroge l’inconscient collectif sud américain. Dans son premier film, il revenait sur un fait divers qui se serait déroulé dans les années 1940. L’histoire de No dormiràs se passe, sans qu’on y fasse allusion, dans une période trouble marquée par la dictature dans les années 1980. Il ne s’agit donc plus d’évoquer les fantômes du passé, mais d’y faire face. Comme l’Argentine, l’Uruguay réprimait par le sang toute contestation et les artistes faisaient partie de ces cibles privilégiées. Les hôpitaux psychiatriques (endroit où se déroule le film) étaient parmi d’autres bâtiments publics des lieux de tortures, si bien qu’il est difficile de ne pas avoir en tête ce passé douloureux : la privation de sommeil étant, par ailleurs, une technique de torture bien connue.
Cette coproduction entre l'Uruguay, l'Argentine et l’Espagne d'un budget de 9,9 millions de dollars, traite également des limites de l'art et les sacrifices qu’un artiste doit faire pour créer son oeuvre. "C’est quelque chose qui me hantait depuis longtemps et j’avais besoin d’en faire un film. Un artiste est dans une démarche de recherche constante, pour évoluer et créer une oeuvre unique, mémorable. Je pense que le sacrifice est propre à tous les grands artistes", raconte Gustavo Hernandez.
No dormiràs , qui a totalisé 100 000 entrées au box-office argentin, sort ce mercredi dans nos salles obscures. N'oubliez pas de bien dormir avant...