Mon compte
    "Mary est un exercice de simplicité" selon son réalisateur Marc Webb

    Retour au cinéma indépendant pour Marc Webb, réalisateur des "Amazing Spider-Man" qui nous présente "Mary", joli drame porté par Chris Evans et la révélation Mckenna Grace, et où il est question de tendresse et de simplicité.

    Après son expérience contrastée dans la toile de Spider-Man et des blockbusters, Marc Webb est revenu à ses premières amours : le cinéma indépendant dans lequel il s'était révélé grâce à (500) jours ensemble en 2009. Grâce à Mary, il renoue avec la tendresse et la simplicité de ses débuts, mais ne reste pas trop éloigné de l'univers des super-héros puisqu'il met Chris Evans en scène, dans la peau d'un homme qui élève une jeune surdouée. Un joli long métrage que le cinéaste a évoqué à notre micro avant de partir le présenter sur les planches de Deauville, où il a remporté un Prix du Public mérité.

    AlloCiné : Avec "Gifted" comme titre original, et votre nom associé à celui de Chris Evans, il serait facile de penser que "Mary" parle de super pouvoirs. En étiez-vous conscient alors qu'il s'agit de votre premier film post-"Spider-Man" ?

    Marc Webb : (rires) Vu comme l'industrie fonctionne aujourd'hui, si vous voulez participer et faire des films populaires, vous n'êtes pas obligé de faire un film de super-héros, mais c'est un espace amusant dans lequel vous pouvez jouer. Et c'est ce que tout le monde fait, car nous sommes tous des enfants au fond de nous. Ceux qui font des films tendent à avoir des aspirations fantastiques, et nous avons la possibilité de corréler tout ceci, donc c'est pour cette raison que tout le monde, qu'il s'agisse de Mark Ruffalo ou Michael Keaton, met un pied dedans.

    Chris s'est bien évidemment défini grâce au genre super-héroïque, mais il vaut tellement plus. Et il veut faire beaucoup plus. Nous avons eu de la chance de pouvoir travailler avec lui. Il est très bon en super-héros, mais les gens ont tendance à oublier tout ce que cela demande comme aptitudes techniques. Comme nous en sommes conscients, nous avons fait en sorte que ce film soit vraiment le nôtre, que nous nous amusions. Nous étions sur une île au large de la Géorgie, à pouvoir se balader sans qu'il n'y ait personne, et surtout pas de paparazzi ou de studios.

    Faire le film que nous voulions faire tout en nous amusant s'est révélé être un exercice de simplicité. Et c'était une grande joie que de suivre ce processus. Nous en avions tous les deux besoin afin de rester connectés aux raisons qui font que nous aimons les films.

    Diriez-vous que le titre original renvoie aussi bien à Mary la surdouée qu'à Frank qui l'élève ou Bonnie, qui éduque les enfants ? Comme une façon de dire que chacun est doué à sa manière ?

    Oui et il y a même une ironie dans ce titre car c'est un don pour lui que de l'avoir. Je trouve amusant que l'on se demande ce qu'il signifie et qui il désigne vraiment. Je préfère quand même le titre "Mary" car elle réprésente le catalyseur de toute l'histoire, et c'est simple. "Gifted", c'est bien, mais il y a quelque chose de plus charmant avec "Mary", et j'ai même songé à prendre ce titre aux Etats-Unis, même le studio a préféré le premier.

    C'est exactement ce que je me disais en sortant du film : "Mary" est certes moins original que "Gifted", mais plus fidèle au film, dont elle est le centre.

    Oui, c'est le rôle le plus mémorable du film, je suis d'accord.

    Rester simple et revenir aux fondamentaux sans chercher à frimer

    Et c'est aussi parce que Mckenna Grace, son interprète, est très douée. Son personnage a-t-il été le plus difficile à caster ?

    Tout à fait. Mary est, pour moi, un exercice de simplicité : il n'y a pas de générique, pas de décors construits car nous avons tout tourné en décors naturels, nous avons fait beaucoup d'improvisation. Je cherchais à faire un film pop accessible à tout le monde aux Etats-Unis, en sachant que ce n'est pas non plus un film d'Art&Essai. Et pour moi, le défi était de faire tout reposer sur les épaules d'un enfant, capable d'évoluer dans une sphère profondément émotionnelle, mais aussi d'être drôle en disant ces choses de madame je-sais-tout, tout en restant crédible. Il était difficile de trouver cet équilibre dans la performance, mais le plus dur, le plus terrifiant sur ce film, aura été de trouver l'enfant en question.

    Vous pouvez bien sûr l'imaginer. Mais trouver quelqu'un doté de cette capacité émotionnelle et cette sophistication pour comprendre ce qu'il se passe, une personne à la fois disciplinée et joueuse, capable de parler d'émotions avec un vocabulaire que certains adultes n'ont pas, ça n'est pas aussi facile. Mais c'est une actrice très impressionnante. Elle parvient à pleurer sincèrement sur commande, et c'est aussi là que réside son talent pur. Il est difficile d'oublier sa performance et nous avons eu beaucoup de chance de la trouver, même si cela nous a pris longtemps.

    Twentieth Century Fox

    Cette idée de simplicité dont vous parliez, était-ce aussi ce qui vous a motivé à faire ce film, après les blockbusters qu'étaient les "Amazing Spider-Man" ?

    Les Spider-Man m'ont secoué, pour être honnête, mais je me suis beaucoup amusé en les faisant, même s'il s'agissait de films très compliqués car ils sont entourés de grosses attentes et d'une grande pression financière, ce qui génère un peu de tension. Je cherchais donc quelque chose qui me ressemble plus, même si je ne l'ai pas fait intentionnellement, en partant à la recherche de quelque chose de spécifique. Il se trouve que j'ai lu le scénario de Tom [Flynn] il y a un bout de temps, et j'ai travaillé dessus avec lui car j'avais aimé ce qu'il me faisait ressentir. Il ne s'excusait pas d'être chaleureux dans sa manière de voir le monde.

    Ce qui m'importait, au-delà des performances des acteurs, était de rester simple et de revenir aux fondamentaux, sans chercher à frimer. Mary est un film qui repose sur l'art, la simplicité, et j'ai fait un vrai effort en ne faisant rien de particulièrement décoré. Je voulais me mettre en retrait et nous n'avons pas utilisé de dolly, et réduit l'emploi de tripodes au strict minimum. Je cherchais à éloigner tout équipement de moi pour me concentrer sur notre petite histoire et son environnement, et trouver des nuances dans les performances. Nous avons presque tourné le film comme un documentaire.

    Mckenna Grace, alias Mary, dans ses oeuvres :

    Pour vous donner un exemple, qui renvoie aussi à la performance de Mary, je tenais vraiment à créer le monde dans lequel le film se déroule. Et c'est grâce à la séquence dans laquelle Bonnie teste Mary pour voir à quel point elle est intelligente, qui a été la première que nous avons tournée, d'un seul bloc, que nous avons pu établir le naturalisme que je voulais. Car il aurait été facile de tomber dans le côté mignon et la blague. Mais là, nous avons mis des enfants qui n'avaient jamais tourné de film de leur vie dans la salle de classe. Jenny [Slate] est entrée, elle était vraiment Mademoiselle Stevenson et a commencé à leur faire cours.

    Les enfants n'ont donc pas eu l'impression de jouer car c'est comme s'ils étaient à l'école. Mckenna était au milieu d'eux et nous avons tourné pendant une heure, deux heures, la journée entière..., en improvisant, posant des questions aux autres enfants. Et c'est ainsi que le ton est né. Je n'aurais jamais pu faire cela sur les Spider-Man. Ou plutôt, ça ne m'est jamais venu à l'idée, car cela peut frustrer des acteurs. Mais c'est une approche très amusante et le naturalisme se ressent dès le début du film. Nous n'avons pas beaucoup répété en amont du tournage, ce qui indique la simplicité que je cherchais.

    Je deviens schizophrène lorsqu'il s'agit de films

    Même si vos films ne se ressemblent pas, on y retrouve toujours une personne normale confrontée à un personnage ou une situation extraordinaire : Tom et la fille de ses rêves dans "(500) jours ensemble", Frank et Mary ici, Peter Parker et ses pouvoirs... Est-ce une approche consciente de votre part, pour favoriser l'identification du public ?

    J'essaye d'éviter de tourner autour des mêmes thèmes de façon consciente. Car je veux faire des choses différentes, à tel point que je deviens schizophrène lorsqu'il s'agit de films. Mais il y a forcément des liens et je m'identifie à mes personnages. Mais j'aime Mary plus que n'importe qui d'autre dans le cas présent. Et lorsque vous faites un film, l'un des fondamentaux pour le rendre intéressant veut que ce qui arrive aux protagonistes doit être profondément significatif. Comme s'il s'agissait de l'événement le plus important de la vie de cette personne.

    Je pense que c'est vrai et la nature du drame requiert des circonstances extraordinaires pour fonctionner. Pour avancer et grandir, les hommes doivent devenir plus empathiques, et c'est ce que l'on retrouve dans mes films. Il s'agit davantage d'un conflit interne, même pour quelqu'un qui devient un méchant. C'est notamment ce qui m'attire dans les films que je fais : cette idée que les hommes doivent exprimer leurs émotions. Et pourtant, je viens du Wisconsin, où ça n'est pas très bien fait.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 1er septembre 2017

    Quand Mary refuse d'aller à l'école :

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top