Le feu. C'est au coeur de cet élément aussi imprévisible que générateur de fascination que Pierre Jolivet a voulu poser sa caméra afin de capter un sujet jamais vraiment traité par le cinéma français. Un sujet qui lui donnait aussi l'occasion de dépeindre des vies dont l'objet est justement de sauver celles des autres. Pour raconter le plus justement ces Hommes du feu, à découvrir en salles cette semaine, le cinéaste a voulu aller vers le plus de réalisme possible, autant dans les scènes d'action que dans la représentation de ses personnages.
Pour ce faire, il a immergé son équipe dans une véritable caserne de pompiers - certains apparaissant même dans le film - afin d'explorer ce quotidien fait de grands calmes et de grandes tempêtes au travers des histoires plus personnelles de Philippe, le Capitaine de la brigade campé par Roschdy Zem, et de Bénédicte, nouvelle recrue incarnée par Emilie Dequenne, qui va devoir faire face à de lourdes pressions et tensions dès son arrivée.
Pour aller au coeur du film et de ses nombreuses thématiques, nous sommes allés à la rencontre du réalisateur Pierre Jolivet et de son acteur fétiche, Roschdy Zem, qui célèbrent ici leur sixième collaboration...
Les uns et les autres, nous avions forcément des préjugés
Allociné : Est-ce que c’est vrai que vous aviez d’abord dans l’idée de faire un film sur la pyromanie ?
Pierre Jolivet : Oui, sur le feu, sur la pyromanie. J’avais assisté par hasard, quand j’étais jeune, à un très grand feu et j’avais trouvé ça, d’ailleurs comme tous les gens qui regardaient, extrêmement beau. Et puis, des années après, il y a eu un très grand feu dans les Bouches-du-Rhône, au Plan-d'Orgon. J’ai lié ces deux images en me disant que cette beauté incroyable, peut-être qu’il y en a qui cherchent ça. J’ai commencé à prendre des notes et j’ai découvert qu’il y avait des pompiers dont c’était le métier de découvrir si les feux étaient criminels ou accidentels. J’ai commencé à écrire l’histoire de ce pompier qui enquête pour savoir comment ce grand feu a commencé…
J’ai rencontré un pompier, deux pompiers, qui m’ont raconté beaucoup d’autres histoires. Puis, je me suis rendu compte que, moi aussi, j’avais des histoires de pompiers, comme tout citoyen. On a tous croisé des pompiers dans les moments difficiles de notre vie. Et donc, je me suis retrouvé à écrire un film sur les pompiers.
Vous avez vécu en immersion totale dans une caserne du Sud de la France pour préparer et tourner le film. Comment avez-vous choisie la caserne de Bram ?
Pierre Jolivet : Nous avons été dans cette caserne tous les jours. Moi, pendant trois mois et Roschdy, pendant deux mois. L’idée, c’était vraiment d’avoir une petite caserne du Sud de la France parce que j’ai passé beaucoup de temps en Provence dans la famille et qu’il y avait deux oncles qui étaient pompiers volontaires. Alors, je connaissais très bien cette ambiance de petits villages du Sud qui vivent quand même avec la peur du feu pendant les trois mois d’été. Je voulais attraper cette ambiance très particulière. Je suis allé traverser tout le département de l’Aude jusqu’à trouver celle qui me correspondait.
Les pompiers ne se considèrent pas comme des héros
Quand on est acteur ou réalisateur, comment ça se passe quand on arrive dans un milieu qu'on ne connaît pas forcément ? Comment avez-vous cohabité avec les pompiers sur place ?
Roschdy Zem : Ce sont deux milieux qui ne se connaissent pas. Nous, on ne connaît pas le milieu des pompiers et leur quotidien et, eux, ils découvrent ce que c'est qu'un plateau de tournage. Je crois que les uns et les autres, on avait des préjugés, forcément. Eux, d'abord, je crois qu'ils ont compris que le cinéma n'était pas un monde de charlots. Ils voient des films, ils voient quelques apparitions qu'on peut faire ici et là dans des émission où, parfois, on est amenés à faire les guignols, c'est vrai.
Quand ils ont vu la logistique, le travail et la rigueur qu'imposaient un film, je crois qu'est née chez eux une forme d'admiration pour notre travail. Et ils se sont rendus compte que cette logistique correspondait aussi à la logistique qu'était la leur lors d'une opération.
Moi, ce qui m'a séduit chez eux, c'est le fait, d'abord, d'avoir affaire à des pompiers volontaires et non pas à un corps d'élite. De voir ces gens qui ont une vie assez ordinaire se consacrer de façon addictive au métier de pompier avec cette implication qu'est la leur et ce qui en découle. Forcément, il y a des opérations qui ne les laissent pas indemnes. On est forcément en empathie avec ces gens-là. Et il y a un véritable échange qui s'opère et un respect mutuel. Ça, c'était intéressant à découvrir et c'est ce que nous offre aussi ce métier : ce mélange des deux mondes que j'ai pu retrouver dans d'autres films, mais, là, encore plus, parce qu'il y a vraiment ce sentiment de vie de famille.
C'est une vie de famille, ils déjeunent tous ensemble, ils s'entraînent tous ensemble et, en plus, il y a plusieurs générations. Il y a ceux qui sont en fin de carrière et il y a ceux qui arrivent, qui ont 20 ans, qui sont tout jeunes. Le passage de témoin s'opère naturellement entre eux. Ce sont ces deux forces communes qui ont travaillé pour élaborer ce projet.
Dans leurs interventions, ils ne courent jamais, ils prennent le temps de poser les choses
Est-ce que vous pensez qu'en tant que citoyens, nous avons une vision un peu faussée des pompiers, quand on n'a jamais eu l'occasion de les côtoyer ? Certains peuvent ainsi penser que c'est un métier de tête brûlée...
Roschdy Zem : Les têtes brûlées sont directement chassées. Pour les pompiers, il n'y a rien de pire que les têtes brûlées. Et d'ailleurs, on parle souvent des pompiers comme des héros. Eux, ils ne se considèrent pas comme tel et c'est une condition vitale pour le groupe et pour la personne en question pour pouvoir être en harmonie dans une opération. Il y a une chose qui m'a beaucoup frappé dans leurs interventions, c'est que les pompiers ne courent jamais, par exemple. Ils prennent le temps de poser les choses, ils prennent ces 10 minutes nécessaires, que ce soit dans un accident de la route, un incendie, ce que vous voulez, ils prennent ces 10 minutes.
Pierre Jolivet : Lorsqu'ils descendent du camion, ils ne sautent jamais. Ils descendent en marchant sur les trois marches. Ils vont vite mais ils ne vont jamais trop vite. Ils posent les choses.
C'est très intéressant de savoir ça, on peut très bien s'imaginer le contraire...
Pierre Jolivet : Nous, comme des couillons, on s'est dit qu'il fallait montrer l'urgence, en courant… Non, non. Je suis allé en opération avec eux, ils font ce qu'il y a à faire parce qu'un pompier qui se blesse, c'est un pompier de moins sur l'opération. Donc, ça décale tout le travail des autres. On fait d'abord attention à soi.
En permanence, ils ont leurs terminaisons nerveuses en alerte
Roschdy Zem : Une fois que le plan est élaboré, là, il y a une accélération du mouvement. Mais, c'est une décision qui est transposable n'importe où, pour les besoins d'une scène. Dès qu'on fait une scène dans l'urgence, elle est ratée. Si on ne prend pas ces 10 minutes nécessaires, même si le jour est en train de tomber, qu'on est en train de perdre la lumière, si on ne prend pas ce temps-là pour comprendre ce qu'on a envie de faire et ce à quoi on veut arriver, on se rend compte que le résultat est souvent décevant.
Ces 10 minutes qu'on pourrait s'imposer parfois et qu'on ne s'impose pas, surtout quand on est un jeune metteur en scène et qu'on pense que l'urgence va tirer le film vers le haut. On peut transposer ça même dans notre vie privée (rires). Eux, grâce à l'expérience l'ont compris et c'est une façon de fonctionner qui est assez intéressante.
Pierre Jolivet : Et aussi, ce que vous disent les pompiers et qui est assez intéressant, c'est qu'aucune situation ne ressemble à une autre. Il y a tout ce qu'on a appris et il y a la réalité de la situation qui demande en permanence de s'ajuster. Ce n'est pas ce qu'on avait prévu, la maison est un peu plus haute, la personne est plus jeune, le camion n'a pas pu se garer là où on pensait le garer…
En permanence, ils ont toutes leurs terminaisons nerveuses, et surtout ceux qui décident et qui dirigent comme le personnage de Roschdy dans le film, très en alerte, parce qu'on le leur a appris. Mais, là, ce jour-là, ce n'est pas comme ça. La fenêtre n'est pas à la même hauteur, etc. Ils doivent tout le temps improviser, s'adapter. En tout cas, ceux qui décident doivent être très pertinents et intelligents, tout le temps.
Je voulais vraiment cette sensation de chaleur, d'étouffement et de violence
Comment avez-vous filmé les scènes de feu du film, qui donnent vraiment l'impression d'être au coeur de l'action et dans les flammes avec les pompiers ?
Pierre Jolivet : C'était un choix car dans la caserne où j'étais descendu dans le Sud, ils m'ont montré des petits films qu'ils avaient fait dans les flammes, entre collègues, avec leur Iphone, en 15 secondes comme ça. J'avais trouvé ça formidable, parce qu'on est au milieu des flammes avec eux. Je me suis dit que je ne voulais pas du gros truc numérique fait après où l'on voit que ce sont des fausses flammes, où l'on ne voit pas mais où l'on sent bien que c'est numérique. Je voulais vraiment cette sensation de chaleur, d'étouffement et de violence que j'ai vue dans ces vidéos.
Donc, il a fallu qu'on trouve un terrain à enflammer sur un certain nombre d'hectares, sécurisés par des pompiers dont le métier est de mettre le feu. Parce que les gens ne le savent pas forcément, mais il n'y a rien qui arrête mieux le feu que le feu. Donc, dans tous ces grands feux que vous voyez dans le Sud, il y a ces brigades-là qui survolent en hélicoptère et qui disent : "Le feu va là, donc on va mettre le feu-là." Et quand le feu rencontre un autre feu, il s'arrête. Donc, cette brigade-là dont c'est le métier a mis le feu sur un certain nombre d'hectares et nous on a filmé dans les flammes. Ce qui était quand même très impressionnant.
Et ils vous l’expliquent tous et on l'a vécu, le feu, ce n'est pas un truc qu'on contrôle, c'est un truc organique. On croit qu'il va être à cette hauteur-là et, puis, finalement, c'est trois fois plus haut. On croit que ça va être haut et c'est plus bas mais avec trois fois plus de fumée… De cinq mètres en cinq mètres, le feu rencontre d'autres essences de végétaux et c'est complètement un autre feu. Avec cet élément très vivant et très dangereux, j'ai voulu qu'on aille au plus près des flammes pour que le spectateur dans le film puisse devenir pompier pendant 90 minutes. Sauf que c'est plus dur pour le spectateur parce que lui n'est pas rompu à l'exercice.
Le feu est incontrôlable mais, en même temps, le coach de l'équipe, votre personnage Roschdy, est censé aussi avoir la science du feu. Donc, finalement, il y a quand même une science de l’incontrôlable…
Pierre Jolivet : Oui, absolument. Enfin, on essaie d'appliquer le maximum de règles en regardant où le feu va.
Roschdy Zem : Réduire le risque à son maximum tout en sachant qu'il y a des aléas qu'on ne contrôle pas. Les impondérables, comme ils disent.
Est-ce que votre rapport au feu a changé si, bien sûr, vous en aviez un ? Avez-vous plus peur du feu, ou exerce-t-il encore plus de fascination ?
Roschdy Zem : J'avais déjà une fascination pour le feu.
Pierre Jolivet : Moi aussi, c'est pour ça que j'ai écrit ce film.
Roschdy Zem : Mais, de l'avoir approché de si près, surtout quand on a tourné les séquences d'incendies, cette chaleur qu'on ressent... Je me souviens lorsqu'on a fait cette arrivée en voiture et qu'il y avait cette parcelle en flammes. Dans la voiture, j'avais l'impression d'être dans un rôti. Sensation très désagréable qui a atténué ma fascination pour le feu et celle de m'en approcher. C'est quelque chose de terrible et je crois que le monologue que j'ai à la fin du film le décrit très bien. C'est assez clairement exprimé.
Il y a quelque chose d'attirant parce que c'est beau un feu et ça sent bon. Le crépitement de la végétation, c'est joli à entendre. Mais, il y a quelque chose de satanique, qui vous attire mais, très vite, vous sentez le danger et votre corps est en alerte parce que tous les éléments organiques de votre corps vous le disent. Il y a quelque chose de douloureux. C'est une sensation qui n'existe dans aucun autre cas de figure, ce crâne qui commence à bouillir, ce qu'on sent dans les cheveux même. Toute personne normalement constituée fait normalement un pas en arrière. Il y a ce paradoxe d'attirance et de crainte…
Il faut savoir que nous sommes tous des pyromanes
Pierre Jolivet : C'est exactement ça, c'est ce que dit le film : "C'est beau mais de loin". Il faut savoir que nous sommes tous pyromanes. Les psys me l'ont expliqué : nous naissons tous pyromanes. D'ailleurs, quand on a des enfants, on planque la boîte d'allumettes car il n'y a rien de plus simple que de la faire craquer : C'est beau, c'est chaud, c'est vivant et puis, en plus, c'est incontrôlable, donc c'est vraiment extrêmement attirant. Donc j'ai essayé d'attraper cette vérité du feu. Mais, maintenant que j'ai vécu plusieurs feux dans la caserne où j'étais, je dirais que je le vois un petit peu "comme le voient les pompiers" entre guillemets. C'est à dire un élément qu'il faut surveiller, qu'il faut essayer de contrôler. Cela n'exerce plus sur moi, qui ait vu beaucoup d'images de feu, tout à fait la même fascination.
Nous ne sommes pas tous fascinés par le feu, on peut surtout en être effrayé...
Pierre Jolivet : Même quand vous regardez un feu de cheminée ? Je vais vous raconter une histoire, c'est n'importe quoi mais ça m'amuse de vous la raconter quand même parce que ça a un rapport au feu, indirectement. On interviewait la mère de Gary Cooper. On lui disait : "Votre fils est un acteur formidable. Quand est-ce que vous vous êtes dit qu'il allait faire cette carrière ?". Et elle dit : "Oh vous savez, il y a longtemps, il devait avoir 18 ans, on était à la maison, on regardait le feu et je lui ai dit : 'Gary, à quoi tu penses ?' Et il me répond : 'A rien'. Je me suis dit que ça allait être un grand acteur." J'adore (rires). Voilà, on regarde le feu et on a un regard qui vous emmène quelque part.
Roschdy Zem: Il y a deux choses qui provoquent ça. Le feu et l'océan. Deux éléments incontrôlables, qui sont attirants et en même temps dangereux pour l'homme.
Pierre Jolivet : Évidemment, dans le personnage central, celui de Roschdy, quand j'ai écrit le premier synopsis, que j'ai fait lire à Roschdy, il y avait cette scène de fin entre lui et le jeune garçon et qui est pour moi la quintessence du sujet, où tout ce qu'on dit là est dit par le héros. Je savais où le film allait, je ne savais pas encore quelle était la route que je ferai avec les pompiers, c'est venu de scénario en scénario, mais je savais où le film se finissait.
Un bon flic, c'est un mec qui pense comme un voyou
C'est vrai que le héros est inquiétant à la fin…
Formidablement, oui, Roschdy en avait parlé. Je ne te l'ai même pas demandé, tu l'as fait. Quand [on lui demande] : "Pourquoi t'es devenu pompier, t'as fait des conneries ?" Lui, il répond : "Oui, oui et surtout le feu, ça m'intéressait." Et le regard que fait Roschdy sur cette phrase est évidemment le coeur du film.
Roschdy Zem : C'est la question de savoir comment optimiser son attirance vers une attitude qui pourrait être néfaste pour en faire quelque chose de bien. Et ça, ça existe aussi chez les médecins, chez les pompiers et dans d'autres corps de métier. Le fait d'être censé permet, d'abord, finalement, de continuer de flirter avec un vice qui pourrait être le tien – et je suis sûr que ça existe chez les pompiers…
Pierre Jolivet Et chez les médecins et chez les flics. Les flics te disent : Tu seras jamais si bon flic que tant que tu comprends pas les voyous et que t'as pas eu, une fois envie, de faire un hold-up.
Roschdy Zem : Un bon flic, c'est un mec qui pense comme un voyou.
Pierre Jolivet : Mais, bien sûr. Et finalement, le chirurgien, c'est un boucher, qui a envie d'ouvrir le corps humain, de voir le sang qui gicle, sauf qu'il a réussi à canaliser cet intérêt pour sauver des gens en permanence.
Ce qui est tout autant complexe, c'est que ces corps de métier si particuliers flirtent aussi avec l'erreur humaine en permanence. Ils sont toujours confrontés à la faute qu'il pourraient faire et à la culpabilité énorme qui pourrait en découler, vu qu'ils touchent à la vie des autres. Tout le monde ne pourrait pas supporter ça...
Roschdy Zem : Je pense que sur chaque mission qui leur incombe, surtout pour un cadre, il y a forcément une part de culpabilité. Si on était passé par le secteur ouest, on aurait peut-être pu limiter… Mais si à un moment, on ne se blinde pas contre ça, effectivement, on ne peut pas faire ce métier. Ils font toujours au mieux.
Pierre Jolivet : Et le mieux, ce n'est pas forcément la perfection. Le quotidien d'une caserne, c'est du rien et puis une accélération sur une situation extraordinaire. Et à nouveau, une rigolade et on repart sur d'autres choses. Cette sinusoïde incroyable de ces moments forts et de ces moments faibles, c'est ça que j'ai essayé d'attraper. Il se trouve que dans les moments forts pour les pompiers, trois fois sur quatre, c'est une histoire de vie ou de mort. Une histoire de vie ou de mort, ça suffit à faire un film (rires). Parce que c'est quand même un thème fort. Eux, c'est tout le temps. Les situations, une fois sur deux, sont des situations de vie ou de mort.
Roschdy Zem : De quoi alimenter la schizophrénie des personnages, parce qu'effectivement, ils passent du plaisir autour d'une bonne table à la confrontation, dans l'heure suivante, à un spectacle sordide.
Comment gérer l'après ? C'est ce qu'on a essayé de filmer
Ce que l'on voit aussi dans le film et qui fait partie de votre cinéma, c'est le lien social, la solidarité et le reflet de notre société. On se rend compte que les casernes peuvent fermer mais aussi que les pompiers sont les seules personnes, avec les policiers, à pénétrer le foyer et l’intimité des gens…
Roschdy Zem : Ce sont les premiers sur les lieux. C'est pour ça que je parlais de sordide tout à l'heure. Il y a d'autres corps de métiers qui sont confrontés à ça mais, bon, l'endroit a été nettoyé. Ils sont aussi bien confrontés à la mort qu'aux femmes battues, qu'aux enfants incarcérés dans un accident de voiture... Ce sont toujours les premiers sur les lieux.
Et quand on est un jeune pompier de 20 ans - c'est ça qui m'a intéressé dans le scénario - quelles sont les conséquences de ce que tu viens de vivre ? Effectivement, il y a l'action mais, après ? Comment tu le vis, comment tu le racontes quand tu rentres chez toi, que ta femme t'attend, quand ton enfant te demande un câlin ? Ils n'ont pas été réellement préparés à ça. On leur dit qu'ils vont être confrontés à ça mais il n'y a pas une cellule psychologique au sein de la caserne.
Pierre Jolivet : Il y a des psys de référence qu'ils peuvent aller voir mais pas au moment... Roschdy a raison. Ce qu'on a essayé, c'est de filmer la gestion de l'après. Tous en parlent. L'action, on sait tout ce qu'on a à faire, chacun son rôle, on essaie d'être le plus froid possible. Mais, la vision, elle vous revient après. Et d'ailleurs, dans la scène de l'incendie du bus dans la cité, ils ne rentrent pas seuls chez eux. Ils font toujours ce qu'on a mis dans le film, ils mangent tous ensemble, ils parlent, ils débriefent. Il a beau être 3h00 du matin, on rentre à la caserne, on mange une omelette, on parle, on boit et, après, chacun repart chez lui...
Les hommes du feu débarquent dans les salles de cinéma :