AlloCiné : Comment avez-vous découvrir l'oeuvre de Paula Modersohn-Becker ?
Christian Schwochow : J’ai vu des peintures de Paula quand j’avais 11 ans. Je viens d’Allemagne de l’Est et l’un des premiers voyages avec mes parents après la chute du Mur était à Worpswede, où se trouve une communauté artistique, encore aujourd’hui. C’est là que j’ai rencontré pour la première fois les peintures de Paula et que cela m’a intrigué et aussi plu par leur force.
Quand j’étais adolescent, je voulais devenir peintre. J’avais un intérêt très fort pour les Beaux Arts, mais je ne connaissais pas l’histoire si spéciale de la vie de Paula jusqu’au jour où l’on m’a fait lire le scénario du film.
Ce qui m’a beaucoup fasciné, c’est d’abord à quel point cette femme était radicale, il y a plus de 100 ans, et à quel point elle a su surmonter les obstacles, sans se sentir comme une victime. Elle a réussi à s’accomplir en tant qu’artiste, et en même temps avoir le rêve de fonder une famille, d’être mère et avoir un couple équilibré. Je trouve ça très moderne, car même aujourd’hui, alors que nous avons tellement plus d’opportunités, beaucoup de gens n’arrivent pas forcément à avoir ce regard sur la vie de famille tout en s’épanouissant dans la vie professionnelle.
Vous parliez de la modernité du personnage. Comment avez-vous travaillé pour insuffler cette modernité au film et éviter les écueils du film en costume ?
Oui, c’est ce qui se passe souvent avec les films d’époque ou dans des biopics très classiques. Cela manque de vie. Mais quand je lis les journaux intimes, les lettres de Paula et de son entourage, je peux sentir cette vie, cette modernité, un personnage qui me parle. C’est pour cette raison que j’ai voulu injecter cela à différents niveaux dans le film. Cela commence avec les dialogues. Nous avons fait en sorte que cela sonne comme le langage d’aujourd’hui en changeant de petites choses. Quand on voit des portraits de cette époque, ils ne sourient pas, ils ont l’air un peu coincés. Mais ce n’est qu’une version de la réalité et si vous lisez ce que Paula exprime de façon intelligente et poétique, mais aussi de façon très plaisante, vous savez que la personne devait être différente que ce que ses portraits laissent transparaitre.
J’ai essayé, avec toutes les personnes qui ont travaillé avec moi sur ce film, que ça soit au maquillage ou aux décors ou aux costumes, de trouver une façon de la rendre moderne. Je voulais que Paula et Otto paraissent comme un jeune couple qu’on ne serait pas supris de croiser aujourd’hui. Je voulais qu’ils ressemblent un peu aux hipsters d’aujourd’hui, qui pourraient être dans la mouvance artistique berlinoise, la scène underground.
Un mot sur votre actrice Carla Juri qui est très sollicitée aujourd’hui. Elle vient de jouer dans Blade Runner 2 et est attendue sur d’autres projets en anglais. Vous avez été en quelque sorte un précurseur ! Pourquoi était-elle le meilleur choix pour jouer Paula selon vous ?
J’ai rencontré Carla il y a quelques années. Je n’avais pas vu de films avec elle avant cette rencontre. Nous avions le même agent en Allemagne et nous nous sommes rencontrés pour une fête de Noël ! Nous étions tous les deux en train de fumer au balcon. J’ai tout de suite pensé que c’était une personne spéciale. Elle a quelque chose de magique, de très intéressant. Puis elle a fait un film en Allemagne qui est une sorte de blockbuster et c’est au même moment que je commençais le casting pour Paula. Je lui ai demandé de venir passer une audition. Elle n’était pas très à l’aise à l’idée de parler allemand car sa langue maternelle est l’italien.
J’ai fait un long processus de casting pour ce film, je crois que j’ai vu 70, 80 personnes. Mais je n’arrivais toujours pas à faire un choix satisfaisant. Je suis allé à Londres pour rencontrer Carla et lui demander de passer une audition à Berlin. Elle est venue et après 5 minutes, j’étais persuadé que c’était elle. Je ne suis pas surpris que les gens voient son talent et qu’elle commence une grande carrière internationale.
Quels sont vos projets ? Travaillez-vous sur un nouveau projet dont vous pourriez nous parler ?
Oui, je tourne en ce moment. Je réalise ma première mini-série actuellement à Francfort (la série s’appelle Credo, Ndlr.). C’est une série en 6 épisodes sur des banquiers d'investissement, dans le monde de la haute finance. Et je ne sais pas si vous avez vu le film Frantz de François Ozon, avec l’actrice allemande Paula Beer, elle en sera le rôle principal. Il y a aussi un acteur de Paula, Albrecht Schuch qui joue Otto; l’acteur franco-américain Jean-Marc Barr… Il y a un casting européen assez important et la série sera parlée en plusieurs langues. J’ai commencé à tourner début novembre et je dois terminer dans trois semaines.