Le 12 novembre 2014, le New York Times lâchait une information en forme de bombe atomique : le géant Hasbro, célèbre fabriquant de jouets américain, souhaitait faire main basse sur les studios d'animations DreamWorks, qui ne sont pas au mieux de leur forme, entre échecs au Box Office, licenciements massifs et fermeture de studios historiques.
Depuis, ce rachat par Hasbro a été démenti. Il n'empêche : cela reste tout à fait symbolique de l'appétence bien réelle des acteurs du monde du jouet pour Hollywood. Hasbro, ce n'est pas n'importe quelle société. Avec un chiffre d'affaire de plus de 4,2 milliards de $, ce mastodonte est notamment connu pour ses jouets de marques Playskool, Mon Petit Poney, G.I Joe, les robots Transformers, ainsi que pour ses célèbres jeux de société (Monopoly, Scrabble, Cluedo, Touché - Coulé…). Ajoutons d'ailleurs que la société a créé en 2009 Hasbro Studios, qui s'occupe justement de capitaliser sur les licences maisons à la TV, dans les séries et films animés sortant directement en vidéo; ainsi que la division Hasbro Films, qui négocie directement avec les Majors pour les adaptations de leurs franchises sur grand écran. Le dernier exemple en date étant l'adaptation de Jem et les hologrammes, qui a d'ailleurs fait un fiasco au Box Office mondial en ramassant à peine plus de 2,3 millions de dollars. Certes, le film en a à peine coûté 5, mais tout de même !
Chez Disney, le rachat de Pixar en 2006 a permis à l'empire de Mickey de trouver un canal de distribution privilégié pour les jouets inspirés des héros des productions maison. Chez le danois LEGO, on semble aussi inspiré que chez Hasbro à l'idée de créer un groupe spécialisé dans les loisirs, et pas / plus uniquement dans les jouets. Allié à la Major Warner, le groupe a ainsi produit La Grande aventure LEGO, carton dans les salles du monde entier avec 468 millions de dollars de recettes. Sans compter l'exploitation de la licence LEGO dans les jeux vidéo, ainsi que la gestion de pas moins de sept parcs à thèmes dans le monde.
Pourtant, il ne fut pas aisé pour Warner de convaincre la marque de jouets de faire un film basé sur sa licence fétiche, tellement la firme danoise est réputée protectrice, voire franchement conservatrice. Une anecdote, évoquée par le journaliste Félix Gillette du site Business Bloomberg, raconte d'ailleurs bien cela. "Nous avions une scène de baiser" raconte Dan Li, producteur du premier film LEGO; "ce n'était absolument pas quelque chose de lubrique. Lorsque deux figurines de plastiques s'embrassent, il n'y a pas de langue ou autre. C'est juste du plastique, et on trouvait ca hilarant !".
Une plaisanterie qui ne fut apparemment pas du goût des responsables marketing de la marque. "Ils nous ont averti que les parents n'aimaient pas quand des figurines LEGO s'embrassent. On a fait plusieurs projections tests pour vérifier ça, et ils avaient raison. Les parents n'aimaient pas ça". Finalement, cette séquence de baiser a été remplacée par plusieurs séquences romantiques dans le film, en faisant des gros plans sur les figurines qui tentent d'emboîter leurs fameuses "mains" sans doigts. "Il y a encore cinq ans, faire un film LEGO aurait été impensable" déclairait Dan Li en 2014. Mais la marque danoise, universellement connue ou presque, a tôt fait de faire changer d'avis Hollywood. C'est qu'elle pèse très lourd, incarnant une véritable Cash Machine. En 2012, LEGO dégageait un profit de 969 millions de $, sur un C.A. de 4 milliards de $, avec une croissance des ventes astronomique de 24% ! "ils ont eu une influence sur l'histoire, le script, sur chacune des décisions majeures concernant le casting, sur chacune des décisions des réalisateurs. Le film est un mélange hybride fait d'images générées par ordinateur et de vraies briques LEGO. En fait, Ils ont co-créé le film !" précise Dan Li.
La Reine des neiges, Cash Machine de Disney
En juin 2015, The NPD Group, un des leaders mondiaux des études de marché, révélait ainsi dans une étude que jamais l'influence du cinéma n'a été aussi forte dans l'industrie du jouet, d'autant que le phénomène d'attraction est réciproque. Les licences de jouets dérivés de films représentaient 12% des ventes de jouets depuis le début de l’année 2015, soit une augmentation de 73% en deux ans et de 35% en comparaison avec la même période en 2014.
Rang | Top 5 des ventes de jouets dérivés de films |
1 | La Reine des neiges |
2 | Star Wars |
3 | Cars, le film |
4 | Avengers |
5 | Spider-Man |
Source : The NPD Group, Retail Tracking Service
"L'année 2014 a été la meilleure de l'histoire du groupe, et cela fait quatre ans de suite que nous atteignons un record" se félicitait Bob Iger, PDG de The Walt Disney Company. Il faut dire que les résultats ont plus que largement profités du succès planétaire de La Reine des neiges, qui a rapporté plus de 1,27 milliards de $ dans les caisses de la Major rien qu'avec les recettes au BO mondial.
La branche produits dérivés de Disney, dont le chiffre d'affaires a grimpé de 12% à 3,9 milliards de dollars sur l'exercice 2014, annonça d'ailleurs cette même année que plus de 3 millions de costumes des deux héroïnes du film, Elsa et Anna, se sont vendus en l'espace d'un an aux Etats-Unis. A Noël 2014, les stocks furent à nouveau dévalisés. C'est sans compter aussi sur l'écurie Marvel, rachetée en 2009 par l'empire de Mickey. La galaxie autour du premier film Avengers, qui comprend les films sur les destins individuels de ses membres, compte à elle seule 9 films, et a rapporté 6,3 milliards de $, soit 4,7 milliards €. D'ici 2019, 11 nouveaux films sont prévus par Disney, dont un Toy Story 4. Autant dire que le filon Marvel / Pixar n'est pas prêt de se tarir...
Côté jouets exploitant justement tous les univers cinématographiques, Star Wars compris, Disney a trouvé à l'époque une nouvelle martingale avec Disney Infinity, qui a déboulé deux ans après que l'éditeur vidéoludique Activision ait fait de sa licence jouet - jeu vidéo Skylanders une franchise milliardaire. Le concept est diabolique : il s'agit d'un jeu vidéo où tout le contenu se trouve sur un disque qui offre l'essentiel du contenu par défaut, mais qui implique d'acheter des figurines pour débloquer le reste au fur et à mesure. Ces figurines prenant alors "vie" en les posant sur un récepteur fourni avec le jeu de base.
Avec l'étendu de ses licences et de ses personnages, des productions maisons Disney à Pixar en passant par Marvel ou Lucasfilm, la force de frappe de la Major est monstrueuse. Ce n'est pas tout à fait un hasard si Disney a annoncé fin juin 2015 la fusion de ses départements Interactive et Consumer Products pour se muer en Disney Consumer Products and Interactive Media, cherchant ainsi à répondre "aux changements des préférences des consommateurs dans un marché de plus en plus influencé par la technologie". Mais tout ça, c'était avant que la firme aux grande oreilles n'annonce brutalement, en mai 2016, l'arrêt complet de l'édition de jeux vidéo sur consoles, et mis fin à l'aventure Disney Infinity. La société paye en effet de trop nombreuses années d'errances dans lesquelles elle a engloutie des centaines de millions de dollars...
Disney arrête l'édition de jeux sur consolesLe cas LEGO
Jurassic Park, Batman, Le Seigneur des Anneaux, Star Wars, Pirates des Caraïbes, Harry Potter... Depuis quelques années, la marque danoise LEGO fait feu de tout bois en déclinant un maximum de licences cinéma en jouets. A cet égard, le deal signé avec Warner est plutôt juteux. Non seulement le film La grande aventure LEGO a été un gros succès au point qu'une suite verra le jour en 2018, permettant à la marque de décliner à nouveau l'univers du futur film en jouets. Entre les deux, en guise de hors-d'oeuvre, il y a toujours Lego Batman, le Film, en salle ce mercredi 8 février.
Ci-dessous, la bande-annonce de "Lego Batman, le film"...
Le fabriquant a également confié la gestion de la licence vidéoludique LEGO à Warner, qui a frappé en septembre 2015 un grand coup avec LEGO Dimensions. Dernier arrivé sur le secteur des jeux vidéo - jouets jusque-là occupé par Disney et Activision, LEGO Dimensions édité par Warner Interactive intègre des personnages et des niveaux tirés de larges univers; aussi bien celui de DC Comics (Superman, Batman, le Joker...) que celui du Seigneur des Anneaux, Retour vers le futur, SOS Fantômes, Doctor Who, Scooby-Doo ou encore celui de Portal, le jeu vidéo culte créé par le studio Valve. Bref, chez le tandem LEGO / Warner, on ratisse ultra large. Avec un un truc en plus : ces figurines visent tout à la fois le jeune public, qui voudra s'amuser avec, mais aussi les collectionneurs adultes qui auront les moyens de leurs passions. Car les tarifs sont salés, pour ne pas dire prohibitifs. Comptez 100 € le pack de démarrage, et entre 15-30€ selon le pack choisi (un pack figurine -au singulier- sera à 15€). On vous laisse imaginer l'ardoise si vous souhaitez faire main basse sur l'ensemble de la collection...
Ci-dessous, la publicité avec Christopher Lloyd, qui découvre son personnage de "Doc" en version LEGO...
... Et pour terminer la bande-annonce de LEGO Dimensions. Ou lorsque Gandalf côtoit notre Caped Crusader préféré...
Les Playmobil en embuscade
La Success Story du danois LEGO aiguise l'appétit de la concurrence, forcément. A commencer par celle du géant allemand Playmobil, né il y a 41 ans. Depuis sa création, la firme a vendu plus de 2,7 milliards de ses célébrissimes figurines robustes. En novembre 2014, on apprenait ainsi que le groupe Pathé et Wild Bunch planchait sur la mise sur pied d'un film d'animation Playmobil, pour une sortie prévue fin 2017. S'il n'a pas encore été annoncé de quoi il retournait côté scénario, les jouets allemands peuvent se targuer de posséder un catalogue d'ambiances assez vaste (des pirates aux contes de fées en passant par le zoo ou le cirque), et donc l'embarras du choix pour savoir où emmener le ou les héros du long métrage.
Vivement les opérations "papillon chatouilleur", "os rigolo" et autre "crampe de l'écrivain" d'une hypothétique adaptation de Docteur Maboul au cinéma. Ne riez pas, c'est tout à fait possible. Après tout, il est prévu d'avoir prochainement une version Live de Monopoly. Quoi qu'il en soit, les jouets et autres jeux de sociétés ont encore de beaux jours devant eux au cinéma...