L'Indomptée se déroule entièrement à la Villa Médicis. Quel rapport entretenez-vous avec ce lieu ?
Caroline Deruas : Un rapport passionnel. Je suis allée à la villa Médicis pour la première fois, il y a environ 18 ans, et j'en suis tombée littéralement amoureuse. Ensuite j'ai entrepris une véritable conquête de ce lieu. J'ai attendu plus de 10 ans avant de me présenter au concours, le temps d'avoir réaliser suffisamment de court-métrages pour pouvoir le tenter. Je l'ai ensuite passé trois fois pour l'avoir. Et quand j'y suis arrivée, enfin, j'ai vite compris qu'une année entière passée dans ce lieu ne me suffirait pas, qu'il me faudrait lui déclarer ma flamme de manière plus personnelle et plus audacieuse. Le film est une déclaration d'amour à cette maison mère des arts, pas toujours tendre peut être, mais une déclaration d'amour tout de même. La villa y apparaît comme une mère mangeuse de jeunes artistes, aussi protectrice que dévoreuse.
Vous ne vous contentez pas de faire de la Villa Médicis un personnage. C'est ce lieu qui provoque toutes les péripéties. Comme dans le cinéma fantastique. Par exemple, on pense à La Maison du Diable.
Si la villa est à l'origine des péripéties c'est qu'elle rassemble chaque année en son sein autant d'âmes sensibles qu'à l'affût d'événements extraordinaires. C'est un lieu dont on attend beaucoup, et si on a un peu d'imagination, elle ne peut pas nous décevoir... Dès qu'on pénètre à l'intérieur d'une maison aussi chargée d'Histoire, le sol remue, les histoires du passé rejaillissent, les nouveaux arrivants eux-mêmes les convoquent, certains pour se donner de la force ou pour s'inspirer, d'autres pour se faire peur. Mais personne ne peut traverser cet endroit sans être pris par le vertige de l'Histoire. D'autre part, le contact quotidien, familier, avec la beauté, amplifie ce vertige. Nous ne sommes pas habitués à côtoyer des fresques du 16ème siècle, à vivre au milieu de sculptures antiques. Partout où l'humain a su se dépasser, on ressent fortement sa présence. Un visage de pierre qui sait être émouvant provoque un trouble merveilleux, et il sera toujours plus facile de se blottir dans ses bras plutôt que dans ceux d'un être vivant.
Le choix de Clotilde Hesme et Jenna Thiam est vraiment intéressant. La dernière fois qu'elle se sont donné la réplique c'était pour Les Revenants, déjà une fiction avec des fantômes...
Oui déjà... Je crois qu'il est temps d'en finir avec la mode des films réalistes quotidiens. Elle a fait son temps. Il y a dans ma génération de cinéastes, un besoin de revenir à un cinéma plus romanesque, qui cherche au-delà des limites du réel. Un cinéma de plaisir, d'exploration, un retour au fantastique, parfois à l'onirisme, voir même au lyrisme. Quand je vois les films des cinéastes de ma génération tels que mon ami Yann Gonzalez, ou Virgil Vernier, ou Helena Klotz ou Julia Kowalski et encore Gabriel Abrantes, pour ne citer qu'eux, cela m'enchante et je pense que ce n'est que le début d'une nouvelle vague extrêmement foisonnante et prometteuse qui commence.
La bande-annonce de L'Indomptée :