"Je ne cherchais pas à devenir actrice avant d'avoir cette opportunité", nous explique Sasha Lane lorsque nous la rencontrons à Paris. "J'aimais exprimer certaines choses grâce notamment au langage corporel ou au regard, mais je ne me voyais pas comme une actrice. Pas plus que je n'en rêvais." Depuis la présentation d'American Honey au Festival de Cannes, le jeune américaine va pourtant devoir se rendre à l'évidence : le monde du cinéma risque fort de compter sur celle qui incarne un dénommée Star devant la caméra d'Andrea Arnold.
Faites donc connaissance avec cette future star, éblouissante dans le long métrage recompensé par un Prix du Jury sur la Croisette en mai 2016.
SON ACTUALITE : AMERICAN HONEY
Le processus de casting a été très organique. Andrea m'a trouvée sur une plage et j'ai passé quelque chose comme une semaine avec elle. Nous avons beaucoup discuté, de sujets personnels notamment, et je me rappelle avoir rencontré deux des acteurs avec qui j'ai passé du temps. Andrea nous a filmés en train d'improviser pour voir l'alchimie entre nous, et ce que j'étais capable de faire. Et à la fin de cette semaine, elle m'a dit qu'elle me voulait dans le rôle donc j'ai terminé la fac avant de rejoindre le film.
Pour autant, le personnage de Star n'a pas été basé sur moi-même. C'est Andrea qui se charge de trouver des personnes qui possèdent l'âme ou correspondent à la vision qu'elle en a. Donc mon esprit devait être proche de celui de Star et c'est peut-être en me voyant dans sa peau qu'un changement s'est fait dans sa tête, mais elle avait déjà une idée précise de ce que mon personnage était.
Le film n'est pas complètement improvisé : les scènes dans le van l'ont été, mais la grande majorité du scénario était écrit. Andrea nous a juste laissé la liberté de dire les choses telles que nous le souhaitions, ce qui m'a permis d'avoir le sentiment d'être Star, de me comporter comme elle et de ne jamais abandonner l'énergie d'American Honey. J'étais vraiment plongée dedans et ça a rendu l'ensemble plus facile. Et difficile en même temps.
En quoi Shia LaBeouf vous a-t-il aidée, avec son approche instinctive du jeu d'acteur ?
Nous rebondissions l'un sur l'autre et ce qui était bien, c'est qu'il n'y en avait pas un qui suivait l'autre. Nous cherchions à aller quelque part ensemble et c'était un processus très naturel car nous laissions les choses se produire. Je pense que le fait de se nourrir l'un l'autre a bien fonctionné. Il est incroyable dans sa façon de travailler et ça m'a aidée.
Vous voir pour la première fois sur un écran au Festival de Cannes, était-ce le plus effrayant que vous pouviez vivre ? Ou cette expérience a-t-elle agi comme un vaccin ?
C'était très effrayant, et notamment parce que le film m'est personnel. Donc quand vous le regardez pour la première fois, avec tout ce monde autour et si un écran aussi grand, c'est stressant. Mais très beau aussi, car il contient beaucoup d'amour et beaucoup des personnes qui l'ont aidé à naître étaient présentes à ce moment-là. Mais quand même : imaginez voir votre tête sur un écran aussi énorme (rires) Surtout pendant près de trois heures.
Ce qui était drôle à Cannes, c'était de vous voir dans le film ou sur les affiches avec le tatouage de ce qui ressemble à une Palme d'Or. Vous étiez destinée à le présenter sur place !
(rires) C'est une fougère argentée de Nouvelle-Zélande, mais c'est vrai que c'est drôle et que ça y ressemble. Donc j'ai trouvé ça amusant, mais très bizarre en même temps.
Et lorsque l'on parle de Cannes, difficile d'oublier cette danse sur le tapis rouge. Comment avez-vu vécu ce moment ?
Je me rappelle que j'étais très très nerveuse. Lorsque nous avons appris que nous allions à Cannes, ça a été le bazar dans ma tête pendant des semaines. J'étais anxieuse mais, dès que nous sommes arrivés sur place, la bande était à nouveau réunie et nous avons pris possession des lieux. Ça m'a permis de me calmer un peu et plus rien d'autre que le fait d'être entourée ainsi ne comptait. J'ai compris que nous étions tous là ensemble, et pas juste moi. Ça aurait été trop dur de vivre cette expérience seule.
PREMIER SOUVENIR DE SPECTATRICE
Je ne suis pas certaine qu'il s'agisse du premier, mais je me souviens d'avoir vu Une vie volée et d'avoir été soufflée par son réalisme et le fait que je pouvais m'identifier à tous les personnages. J'étais vraiment captivée, intriguée et impliquée. J'étais vraiment dans le film et non dans une position de simple spectatrice, et c'est pour cette raison que je m'en souviens autant.
LES 3 FILMS QUI VOUS DEFINISSENT LE MIEUX
Est-ce qu'American Honey compte ? J'ai envie de l'inclure car il me définit bien (rires) Mais en-dehors de celui-ci, je citerais Moonlight, C'est la fin mais aussi Daddy Cool, auquel je me sens très attachée. Mais je dirais que les trois qui me définissent le mieux sont Une vie volée, American Honey et Moonlight.
UN MODELE ?
Je ne cherche pas à suivre les traces de qui que ce soit. Il y a énormément de bonnes actrices et, quand je vois à quel point elles sont fortes et parviennent à se plonger dans un rôle, ou la solidité de leurs choix, je me dis que je serais fière de moi si j'arrivais à faire de même. J'aimerais être l'une de ces actrices capable de s'éloigner des rôles qu'elle joue et ressentir que j'ai bien investi mon temps sur un projet.
LE MEILLEUR CONSEIL REÇU
"Reste toi-même" Je n'ai pas à me soucier du reste. Ce que je suis m'appartient et je pense que, dans le but de façonner ma vie comme je le souhaite, il me faut faire en sorte de rester moi-même et de continuer à flotter (rires)
LA MUSIQUE COMME INSPIRATION ?
Tout dépend du rôle ou de la scène. La musique joue un grand rôle dans American Honey, mais il me fallait quand même trouver ma propre musique, celle capable de me plonger dans l'état d'esprit nécessaire. Je ne peux donc pas citer d'exemple précis, car tout dépend de plusieurs choses : la scène, le rôle, ce que j'ai besoin de ressentir...
Dans le cas d'American Honey, les musiques de la bande-originale ont été choisies au fur et à mesure du tournage. Il a fallu un gros travail de collaboration pour parvenir à ce que vous entendez. Certaines chansons était déjà prévues, mais les autres sont arrivées pendant les prises de vues.
DERNIER SOUVENIR MARQUANT DE SPECTATRICE
Je pense qu'il s'agit de Captain Fantastic. C'est le genre de film qui me touche en plein coeur. Il y a beaucoup de niveaux de lecture et de personnages, et vous pouvez aussi bien haïr le père [joué par Viggo Mortensen, ndlr] que l'adorer. Je l'ai vraiment apprécié.
Il possède d'ailleurs le même esprit de liberté que "American Honey".
Tout à fait. Cette idée de s'enfuir du monde capitaliste, mais aussi de prendre soin d'une famille. Et les deux films montrent qu'il est difficile de bien faire les choses, car ce qui vous paraît juste n'est pas nécessairement le meilleur ou le plus facile des choix. Les gens sont de plus en plus nombreux et ces films nous aident à les aimer.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 10 janvier 2017