Love Streams de John Cassavetes
Avec Gena Rowlands, John Cassavetes, Diahnne Abbott...
De quoi ça parle ? En amour, Sarah est passionnée, jalouse et possessive. Se sentant trahie par son mari et sa fille, elle débarque chez Robert, riche écrivain accro à la débauche, alors que le fils de ce dernier vient de lui être confié. Dès qu’il la reconnaît, il se jette dans ses bras. Leur amour mutuel réussira-t-il à les apaiser ?
1. Changement de dernière minute
A l'origine, John Cassavetes ne devait pas jouer dans "Love Streams" mais quelques semaines avant le début du tournage, Jon Voight (qui devait reprendre son rôle du théâtre à l’écran) lui a annoncé vouloir réaliser lui-même le film... Cassevetes l'a donc évincé du projet et c'est pour cette raison qu'il s'est dévoué pour camper Robert Harmon. Ce changement a eu de lourdes conséquences sur le film puisque Cassevettes n'avait pas le côté séducteur de Jon ni sa ressemblance physique avec Gena Rowlands. Il a donc réécrit le scénario en cherchant à approfondir la nature de ces deux personnages frère et soeur.
2. Exprimer ce qui tient à coeur
Gena Rowlands et John Cassavetes étaient mariés au moment du tournage de "Love Streams", film dans lequel ils incarnent respectivement une soeur et son frère. Le cinéaste/scénariste/acteur explique en quoi son avant-dernière réalisation lui a permis d'exprimer des questions l'ayant obsédé : "Love Streams m’a aidé à poser des questions : qu’est-on sans famille ? S’il ne vous reste qu’un proche, quel rapport avoir avec lui ? Comment exprimer son amour ? Mourrons-nous sans jamais avoir exprimé quoi que ce soit ? Poursuivrons-nous notre existence sans jamais rien exprimer ? Et ce questionnement me semblait très intéressant, parce qu’il explorait un sujet capital. C’est le film le plus triste que j’ai jamais réalisé, sans conteste."
3. Une production inattendue
Après avoir produit Chuck Norris, Sylvester Stallone et d'autres acteurs musclés spécialistes du film d'action, les producteurs Menahem Golan et Yoram Globus, directeurs de la société Cannon, cherchaient à acquérir une sorte d'éthique cinématographique. Avant de faire faillite en 1987, ils ont ainsi produit John Cassavetes ("Love Streams"), Robert Altman (Fool for love), Franco Zeffirelli (Otello), ou encore Jean-Luc Godard (King Lear).
4. La muse de John Cassavetes
"Love Streams" fait partie des huit films réalisés par John Cassavetes dans lesquels sa femme Gena Rowlands joue, après Un enfant attend (1963), Faces (1968), Ainsi va l'amour (1971), Une femme sous influence (1974), Opening Night (1977), Gloria (1980) et Tempest (1982). Après le décès de son mari en 1989, elle tournera sous la direction de son fils Nick Cassavetes et de sa fille Zoe Cassavetes, perpétuant ainsi le tournage en famille cher à John.
5. Hommage à Gena Rowlands
John Cassavetes voit "Love Streams" comme un moyen de se faire pardonner par sa femme Gena Rowlands pour avoir été un mari absent. Le metteur en scène explique : "Pendant des années, je n’ai pensé qu’à moi. J’invoquais le droit des artistes à n’être bridé par rien ni personne. Et puis j’ai voulu faire un film pour Gena, pour me faire pardonner d’avoir gâché la vie de mon épouse depuis si longtemps, en ne cessant de tourner, de me saouler, de m’éloigner en permanence de la maison. Ce qui, pourtant, ne l’a pas empêchée de rester à mes côtés, même enceinte, enfant après enfant. Ce film est un hommage à toutes les saloperies que j’ai pu lui faire." (Propos recueillis par Ray Carney, Cassavetes on Cassavetes, Éditions Faber & Faber, 2001, extrait traduit par Gilles Boulenger et Jean-Pascal Grosso pour Libération (11 juin 2003))