Pour les admirateurs de l'acteur-réalisateur John Cassavetes et / ou de Steven Spielberg, c'est toujours une anecdote sympathique à connaître, même si on la découvre tardivement. Une anecdote livrée par un grand universitaire spécialiste de Cassavetes et son cinéma (il fut le premier à écrire un livre sur lui), Ray Carney, dans un ouvrage intitulé Cassavetes on Cassavetes, publié en 2001 aux Etats-Unis (quand on dit que ca date !).
Il y raconte ainsi, brièvement, la première -et unique- rencontre professionnelle entre les deux hommes. L'un, Cassavetes, est alors un acteur chevronné, avant de percer davantage encore comme scénariste et réalisateur avec un premier film en forme de chef-d'oeuvre réalisé en 1959 : Shadows. Spielberg, tout juste le début de la vingtaine, cherche à perçer dans le milieu du cinéma, et veut apprendre sur le tas. Il a déjà à son actif quelques petits courts-métrages bricolés, et même un premier long, Firelight, réalisé en 1964 pour la dérisoire somme de 500 $, et diffusé dans une unique salle de cinéma à Phoenix, en Arizona.
Trainant souvent sur les plateaux de tournages cinéma et TV pour observer, Spielberg parvient à se faire engager comme assistant de production non crédité sur le tournage du film Faces de Cassavetes, en 1968. La suite, c'est Carney qui la raconte dans son ouvrage : "Pendant trois jours, un tout jeune Steven Spielberg travailla comme assistant de production, offrant café et cigarettes à l'équipe de tournage et au casting, avant d'en avoir assez et de partir. Deux ans plus tard, Spielberg se trouvait sur un plateau de tournage pour un Show TV dans lequel jouait Cassavetes lorsque celui-ci, qui n'aurait logiquement pas pu se souvenir de lui, le surprit en allant le voir lors d'une pause, et lui demanda ce qu'il pensait de la scène qu'il venait de tourner. Lorsque Spielberg lui rétorqua qu'il voulait devenir réalisateur un jour, Cassavetes lui demanda alors comment il l'aurait dirigé dans la scène qu'il venait de tourner, et mis en pratique ses conseils pour la prise suivante. Cette manière de faire était typique de Cassavetes. Avec lui, personne n'était indigne de lui parler et inapte à lui donner des conseils, pas même ce jeune d'une vingtaine d'années qui se tenait à l'écart du tournage". Et d'ajouter : "Il [Cassavetes] devint ainsi réputé dans le milieu pour considérer avec autant d'estime l'opinion du plus modeste membre de l'équipe de tournage que le respect qu'il manifesta à Steven Spielberg ce jour-là". Cassavetes ou l'élégance incarnée.