David Yates (réalisateur)
Cela a-t-il été différent pour vous de diriger ce premier volet des "Animaux Fantastiques", par rapport aux films de la saga "Harry Potter" ?
Cette histoire était très différente de celles qu’on a racontées à Poudlard. Un nouveau groupe de personnages, une nouvelle période, un nouveau pays… Donc on avait l’impression de revenir à la maison dans un nouvel endroit mais que tout avait changé d’une façon positive et intéressante. J’ai eu l’avantage de retrouver des personnages avec lesquelles j’aimais travailler comme J.K. Rowling ou David Heyman, certaines des personnes avec lesquelles j’avais fait les Harry Potter. Mais nous racontons de toutes nouvelles histoires, et j’ai pu lancer un tout nouveau monde avec Eddie Redmayne, Katherine Waterston et tous ces gens. On a vraiment pu rassembler le meilleur des deux mondes. C’était agréable de retrouver ce qu’on avait avant et de faire quelque chose de totalement original.
Les technologies ont-elles évolué depuis les derniers Harry Potter ?
Ça évolue chaque année, la technologie s’améliore, les procédés s’accélèrent. Il y a de nombreux animateurs avec lesquels j’ai travaillé pendant longtemps qui ont augmenté leurs compétences. Par exemple, nous avons des gobelins dans ce film qui paraissent vraiment réels par rapport à ce qu’on pouvait faire avant. Le teint de leur peau, la texture, on peut obtenir plusieurs variations… Ça s’est vraiment amélioré d’année en année.
Maintenant que vous avez réalisé ce film, changeriez-vous quelque chose à la façon dont vous avez réalisé les Harry Potter ?
Non, probablement pas. J’ai adoré travailler sur ces films. Mon travail était de les faire grandir, de les rendre un peu plus sombres, un peu plus intenses. C’est la direction que prenaient les livres. Et maintenant, avec Les Animaux Fantastiques, J.K. Rowling écrit les scénarios d’une façon qui se rapproche davantage de ma sensibilité en tant que réalisateur et en tant que raconteur d’histoires. Les personnages sont adultes, le monde aussi. Les thèmes sont intenses et riches. Donc je n’aurais pas pu faire les Harry Potter différemment, parce que c’est comme ça ce que je suis, inévitablement. Quand vous faites du piano, vous jouez d’une certaine façon parce que ça exprime qui vous êtes. Et quand vous faites un film, vous ne pouvez pas vous empêcher d’exprimer qui vous êtes non plus, vous ne pouvez pas être quelqu’un d’autre. Et ce que j’adore dans Les Animaux Fantastiques et dans ces histoires que J.K. Rowling a créées pour ces nouveaux chapitres, c’est qu’il y a un peu plus de profondeur. C’est parfois un peu plus sombre, et ça parle de grands thèmes qui reflètent notre monde actuel. Et pour moi, c’est enthousiasmant en tant que story-teller.
Comment avez-vous choisi de confier le rôle principal à Eddie Redmayne ?
Eddie s’est imposé très tôt. Nous pensions tous qu’il serait parfait pour incarner Norbert Dragonneau. Il a une grande âme en tant qu’acteur, beaucoup d’humanité. Il n’avait pas fait beaucoup de rôles très drôles avant, mais je sentais qu’il pourrait trouver cet humour fantaisiste et mélancolique dans le personnage. J’adore la forme qu’il a. Je sais que ça parait bizarre, mais il a une forme incroyable. Et ce n’est pas un premier rôle masculin classique. Il y a quelque chose de magnifique et d’inhabituel chez lui, et j’aime beaucoup ça. Il était parfait pour Norbert Dragonneau. Je lui ai demandé de venir à New York, et il a très gentiment accepté de lire de nombreuses scènes différentes avec de nombreux acteurs pour les autres rôles tels que Tina ou Jacob. Pour moi, il était la base du casting, et je voulais l’entourer de personnes qui partageaient une vraie alchimie avec lui. Donc nous nous sommes rendus dans une chambre d’hôtel pendant au moins 72 heures et nous lui avons amené tous ces acteurs. Il a refait la même scène avec des acteurs différents pour me permettre de juger qui était la bonne Tina, qui était le bon Jacob. Leurs rôles devaient vraiment coller à Norbert Dragonneau, à Eddie Redmayne. C’était difficile, parce qu’Eddie est exigeant avec lui-même. Et quand on a commencé le tournage du film, nous avons tourné des scènes qu’il avait déjà jouées des douzaines et des douzaines de fois avec des acteurs différents. Il a dû réinjecter des surprises dans ces séquences et les renouveler.
Etes-vous impliqué dans les films suivants ?
Je réalise le deuxième épisode, je travaille dessus actuellement. Je travaille avec J.K. Rowling et Steve Kloves sur le scénario en ce moment. Je vois grosso modo vers quoi on va, tout est déjà dans la tête de J.K. Rowling. Je connais l’arc narratif des épisodes 2, 3 et 4 très grossièrement. Je ne suis pas sûr de vouloir tous les diriger. Je veux vraiment me concentrer sur la sortie du premier et le deuxième m’enthousiasme beaucoup. Il est très différent du premier, l’histoire que J.K. Rowling a créée est tellement onirique, assez envoutante, et vraiment très belle pour ce second film qui est très différent de notre point de départ. Donc ça m’enthousiasme en tant que réalisateur parce qu’on ne répète pas les mêmes choses. J.K. Rowling a tellement d’ambition pour la saga que je vais peut-être me laisser embarquer jusqu’au bout. (rires) Mais pour le moment, je prends simplement du plaisir dans ce que je fais, on verra où ça nous mène. C’est un vrai plaisir de travailler avec elle et David Heyman, Steve Kloves, Lionel Wigram et tout notre merveilleux casting.
Comment expliquez-vous l’incroyable succès qu’a rencontré l’univers de J.K. Rowling ?
Selon moi, la clé, c’est que ses personnages sont réels d’une certaine manière. Ils sont très vivants. C’est presque contradictoire, mais ils représentent des gens que nous connaissons ou qui nous ressemblent. Et d’une manière très spéciale, parce qu’ils arrivent à franchir les frontières culturelles. En eux, nous voyons une partie de nous-mêmes, des gens que nous aimons, ou des gens qui peuvent nous intimider. Elle a ce don incroyable pour créer des personnages et pour exprimer les expériences humaines et les aspects les plus dramatiques de notre vie dans cet univers magique. C’est vraiment spécial, vraiment unique. C’est un vrai don. Dans un sens, ses histoires nous permettent d’interpréter notre propre vie, de nous évader, et d’explorer notre humanité dans ce monde vivant et enjoué. Elle a vraiment un talent très spécial.
Quel est le sortilège ou l’objet magique que vous préfèreriez utiliser ?
J’adorerais utiliser un Retourneur de Temps. Il n’y en a pas dans notre film mais c’est quelque chose de génial. Parfois je me dis que l’Histoire de l’Humanité est extraordinaire. Tout ce qu’on a traversé en tant qu’espèce. Et je crois que depuis la Seconde Guerre Mondiale nous avons vécu la période la plus incroyable en termes de paix générale et de prospérité. Ça n’a pas toujours été facile, on a traversé des dépressions, des crises, des conflits et des choses terribles. Mais si vous regardez cette période à travers le prisme de l’Histoire humaine, ça a été une époque incroyable. Et parfois, je voudrais que les gens qui sont frustrés par ce qui se passe dans le monde, qui disent que tout devrait être parfait, puissent voir à quel point le monde a été imparfait avant, cette période dans laquelle nous avons vécu, la prospérité générale, les technologies que l’on a développées, l’optimisme générale et l’humanité que nous avons développée, la façon dont le monde s’unit. C’est une époque extraordinaire, une grande opportunité, mais aussi un danger. Et je pense que nous devons nous rappeler que nous sommes déjà passés par des choses terribles. Nous devons accorder de l’importance au présent, aux opportunités qui se présentent. Les choses ne sont pas toujours parfaites, la vie est imparfaite, et nous devons faire de notre mieux avec.
Direction New York avec Norbert Dragonneau...