Il y a à peu près 99,9% de chances que ce patronyme ne vous dise rien ou presque. Hugo Martin est pourtant dans son domaine une sacrée pointure. Formé au Art Center College of Design, il a débuté sa carrière en 2000 comme Storyboard Artist au sein du département animation pour MTV. Puis il est devenu Concept Artist en Freelance, avant d'être embauché à plein temps en 2005, toujours comme Concept Artist, par Naughty Dog, pour travailler notamment sur le premier volet de la saga Uncharted. Depuis, la lecture de son C.V. donne le tournis.
Travaillant pendant trois ans au sein du studio Blur, probablement une des meilleures sociétés au monde spécialisées dans l'image de synthèse, c'est notamment celle-ci qui réalise la plupart des fabuleux Trailers de jeux vidéo en CGI que vous pouvez voir. Il a ainsi oeuvré sur les jeux Age of Conan, Star Wars : The Old Republic, Halo Wars, Dante's Inferno, soit comme directeur artistique, soit comme Concept Artist. En parallèle, son talent lui a également ouvert les portes d'Hollywood : il fut engagé comme Concept Artist sur des films tels que Avengers, Pacific Rim, la future adaptation du roman de Stephen King, La Tour sombre, ou encore Order of the Seven, une variation de l'univers de Blanche-Neige qui reste encore au stade de développement chez Disney.
Plus récemment, Hugo Martin a intégré l'équipe de Id Software en tant que Creative Director sur le nouveau jeu du studio, Doom. L'occasion de lui poser quelques questions sur son parcours et son travail.
AlloCiné : Vous êtes directeur créatif chez Id Software. En quoi consiste précisément votre poste et comment travaillez-vous avec le Game Director du jeu ? Comment êtes-vous arrivé sur le développement de Doom ?
Hugo Martin : Je travaille avec l'équipe de développement en veillant à avoir une vision "méta" de ce que doit être visuellement le jeu et l'expérience de jeu. j'ai été engagé en 2013 juste après le début du développement du projet. Avant cela, j'ai travaillé comme Freelance pour eux, en m'occupant notamment du Design des démons de Doom; et j'ai tellement aimé travailler avec cette équipe que j'ai demandé s'il était possible de la rejoindre à plein temps ! C'était vraiment une super opportunité pour moi de travailler sur un classique du jeu vidéo. Marty Stratton (NDR : producteur du jeu] et moi avons travaillé étroitement ensemble dessus; je devais m'assurer que le jeu reste dans sa ligne directrice et artistique.
AlloCiné : "Doom 3" comportait quelques éléments de Survival Horror; son atmosphère était oppressante, claustrophobique. Visuellement parlant, quelles étaient vos intentions sur ce nouvel opus ?
Hugo Martin : Nous voulions avant tout revenir au feeling des premiers jeux Doom. Doom 1 et 2 étaient très colorés tandis que les tons / nuances étaient au top, ils distillaient une sacrée atmosphère à l'époque de leurs sorties. Il était important de préserver cet équilibre là dans la version 2016 de Doom. Mais nous voulions par-dessus tout que le jeu soit FUN ! La patte artistique devait servir de soutien à cet idéal de gameplay, tandis que nous avons modifié les proportions du personnage et des créatures. En fait, on voulait que le jeu ait un aspect très Comic Book, parfois exagéré. On a par exemple recouvert les créatures aux formes les plus exagérées d'éclairages très cinématique, ce qui leur donne un côté "réaliste".
AlloCiné : Cela fait une grosse quinzaine d'années que vous travaillez pour l'industrie de l'Entertainment; en particulier dans l'industrie du cinéma. Comment êtes-vous arrivé dans les jeux vidéo ?
Hugo Martin : En fait, j'ai commencé à travailler sur des jeux vidéo avec Naughty Dog en 2005. Ca été une super expérience de travailler à plein temps au sein d'un studio de développement aussi fantastique. Après ça, j'ai effectivement eu la chance de travailler en même temps pour l'industrie du film à Los Angeles, sur des films d'animations ainsi que sur des publicités. Pour tout dire, cette période a été énorme pour moi en terme d'apprentissage.Mais après 3 ans et demi passés chez Blur Studios et quelques années supplémentaires à travailler à mon compte, j'ai eu envie de revenir dans l'univers des jeux vidéo, de retrouver un job à plein temps au sein d'un studio de développement. Je trouve ça très gratifiant de participer à tout le processus créatif et de développement d'un jeu. Donc quand j'ai eu cette opportunité chez Id Software, j'ai sauté sur l'occasion. Ca m'a permis de venir m'installer avec ma famille ici, à Dallas, et de travailler sur Doom.
AlloCiné : Y'a-t-il pour vous une grosse différence, ou pas du tout, entre ce que l'on vous demande de faire côté cinéma et les jeux vidéo ? Par exemple est-ce que vous avez une plus grande liberté artistique dans le domaine des jeux vidéo ?
Hugo Martin : on travaille de manière très similaire, à ceci près que le temps de développement d'un jeu vidéo est nettement plus long. Il y a un travail en matière de Design nettement plus important. Le joueur aura la possibilité de voir votre travail sous toutes les coutures et sous n'importe quel angle, donc il faut vraiment envisager toutes les possibilités lorsque vous travaillez sur les éléments d'un jeu; vous assurer qu'il soit suffisamment "cool", qu'ils vous plaisent, et qu'on même temps ils s'emboîtent parfaitement avec le projet en cours de développement. Les films comme les jeux sont des processus collaboratifs par excellence, donc savoir travailler au sein d'une équipe est vital si vous souhaitez réussir.
AlloCiné : vous avez travaillé 3 ans et demi chez Blur Studios, mondialement réputé pour la qualité des cinématiques créées au sein de la société. Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?
Hugo Martin : C'était une époque un peu particulière pour moi dans ma carrière. J'ai encore des contacts avec des gens très proches là-bas, et j'adore y retourner lorsque je suis de passage à Los Angeles. Chez Blur, on avait toujours le sentiment de donner le meilleur et d'être toujours au sommet, parce qu'il n'y avait que très peu d'entraves qui vous empêchaient de donner le meilleur de vous même. Là-bas, toutes les conditions sont réunies. Tous les jours vous avez envie de relever le challenge de mettre la barre encore un peu plus haute, de faire mieux, de progresser. Tim Miller, sa femme Jenn et leurs partenaires ont vraiment sû créer un havre de paix pour de jeunes artistes doués et très motivés, brillants, qui veulent non seulement se surpasser, mais -c'est important- prendre plaisir à le faire. Vraiment, le travail effectué au sein de ce studio est absolument incroyable.
AlloCiné : vous avez travaillé avec Guillermo del Toro sur "Pacific Rim". Un réalisateur féru de jeux vidéo comme vous le savez sans doute. Il disait d'ailleurs être persuadé de voir dans les quelques années à venir émerger un véritable "Citizen Kane" du jeu vidéo, salué pour son univers et son histoire. Qu'en pensez-vous ?
Hugo Martin : S'il est impliqué, je suis sûr que ce sera le cas. Guillermo est un artiste incroyable, et j'adorerai voir ce qu'il peut faire avec un jeu vidéo !
AlloCiné : Vous le savez, il y a eu de nombreuses adaptations de jeux vidéo au cinéma. Beaucoup étaient catastrophiques. Et, depuis une poignée d'années, Hollywood semble à nouveau repris d'une frénésie d'adaptations, pour le meilleur ou pour le pire... Qu'en pensez-vous ?
Hugo Martin : Tant que les films resteront fidèles à la source originale, je suis pour. Il y a tellement de bons jeux que j'aimerai voir adaptés ! Et en tant que fan, forcément, j'ai envie que ce soit bien fait ! Regardez combien ils ont su adapter les Comic Books ces dix dernières années ! Je pense que l'heure est venue de voir la même qualité du côté des adaptations de jeux vidéo. D'ailleurs, j'adorerai voir Guillermo réaliser un jeu et ensuite qu'il l'adapte sur grand écran !
AlloCiné : Vous travaillez beaucoup sur les jeux vidéo... Mais trouvez-vous le temps de jouer ? Si oui, à quoi ?
Hugo Martin : Je joue à énormément de jeux, surtout en ce moment étant donné mon rôle au sein du studio Id Software. Là, je suis à peu près je pense à la moitié de Dark Souls 3, et quand j'ai besoin de faire un break après m'être fait largement punir dans le jeu, je fais une partie de Call of Duty : Black Ops III. Sur mon bureau, j'ai un exemplaire d'Uncharted 4 qui m'attend ! J'espère pouvoir le commencer rapidement, mais en même temps, j'ai tellement d'âmes à collecter qui m'attendent dans Dark Souls III !