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    Uncharted 4 ou le triomphe absolu d'un studio sans égal
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Sublime hommage aux films et récits d'aventures Pulp doublé d'une démonstration technique sans égale, l'ultime volet de la saga "Uncharted" développé par Naughty Dog est avant tout le triomphe absolu d'un studio au brillant savoir-faire.

    SCEE / Naughty Dog

    Séquence flashback. Juin 2013, The Last of us débarque sur PS3. Gorgé de moments de pure terreur et de tensions, qui laissaient place avec une fluidité déconcertante à des plages de mélancolie et de poésie au milieu d'un paysage de désolation aussi grandiose que terrible, c'est peu dire que le titre développé par Naughty Dog était un sublime chant du cygne d'une console en fin de vie, et soulignait la maîtrise absolue d'un studio de développement non seulement d'un point de vue technique pour la machine, mais aussi pour la narration, la caractérisation des personnages, et la mise en scène.

    Si The Last of us était un fabuleux diamant noir brut, Uncharted 4 : A Thief's End est carrément le joyau ultime de la couronne d'un studio de développement qui n'a, depuis longtemps, plus rien à prouver. Dans cet ultime volet des (més)aventures de Nathan Drake, jamais Naughty Dog n 'est autant apparu en pleine possession de ses moyens, achevant de le consacrer parmi les meilleurs studios de développement au monde.

    Un studio à qui Sony ne refuse rien ou presque, s'octroyant le luxe de décaler à plusieurs reprises la sortie d'un titre afin de livrer un résultat tout simplement parfait à la hauteur de l'attente des fans. Peu de studios en vérité font montre d'une telle indépendance et jouissent d'une telle confiance de la part d'un éditeur. Mais le résultat est là : Uncharted 4 est tout à la fois une déclaration d'amour inconditionnel aux films et récits d'aventures Pulp doublée d'une démonstration technique sans égale. Le point final d'une saga sous les auspices d'un développeur qui donne le meilleur de lui-même.

    Toute les bonnes choses ont une fin. Ou presque.

    Quelques années après ses dernières aventures dans Uncharted 3, Nathan Drake semble s'être rangé pour de bon. Il coule des jours plus ou moins paisibles en compagnie de l'ex reporter Elena Fisher, rencontrée dans le premier opus, et avec qui il s'est marié. Travaillant pour une société de renflouage d'épaves au Panama, il garde pourtant au fond de lui une certaine nostalgie de sa vie antérieure de chasseur de trésors. Il ne faut toutefois pas bien longtemps avant que l'aventure se manifeste à nouveau, lorsqu'il voit surgir de nulle part son frère aîné, Sam, qu'il croyait mort. Celui-ci demande l'aide de Drake pour se sortir d'une mauvaise passe... Une demande que Nathan ne peut évidemment refuser; d'autant que Sam a toujours incarné cette figure paternelle de substitution qui lui a cruellement fait défaut. Conduit par des enjeux bien plus personnels qu'avant, Nathan se lance dans sa plus grande aventure, qui le conduira autour du monde à la recherche d'un trésor pirate légendaire dissimulant une conspiration, dont les ramifications s'étendent à travers l'Histoire.

    Au gré de cette aventure, de loin la plus longue de tous les volets de la saga (compter facilement au moins 15h de jeu; plus si vous cherchez tous les trésors), Naughty Dog embarque le joueur - spectateur dans un Roller Coaster étourdissant et ébourriffant, multipliant au passage les séquences de Flash Forward et de flashback au coeur d'un récit dont le fil n'est pourtant jamais perdu.

    Voir Libertalia et mourir...

    A ce stade, un premier constat clinique s'impose de toute urgence : les superlatifs nous manquent pour qualifier le travail d'orfèvre de l'équipe de Naughty Dog sur la qualité visuelle d'Uncharted 4. C'est beau à pleurer. De la lande écossaise découpant son inquiétante silhouette, fouettée par le vent et battue par la neige, aux paysages de safari de Madagascar à bord d'un véhicule 4x4, en passant par cette sublime architecture des ruines de la ville de Libertalia et New Devon, les villes "paradisiaques" nées de l'utopie des pirates, c'est absolument fabuleux. Pour tout dire, non seulement ça enterre littéralement la concurrence, mais il y a même de quoi ridiculiser et atomiser jusqu'au souvenir les plans en CGI de n'importe quel opus de la saga Pirates des Caraïbes.

    Uncharted 4, un titre qui offre la sensation incroyable -et presque émouvante- d'emmener le joueur dans des coins reculés et oubliés de tous, et dont il est le témoin privilégié de leurs découvertes aux côtés de Nathan Drake. Une sensation qui est aussi accrue par le choix de certains cadrages à la profondeur de champ stupéfiante, littéralement vertigineux (et amplifié par l'usage d'un nouvel objet, le grappin, qui permet de jouer les Tarzan), dont Naughty Dog s'est aussi fait une spécialité. C'est là qu'il faut rendre grâce à la puissance du médium que sont les jeux vidéo et à leur capacité d'immersion des joueurs - spectateurs. Chaque brin d'herbe, chaque plante, chaque mur en ruine, chaque élément du décor a fait l'objet d'un souci maniaque du détail proprement sidérant. Du début à la fin de l'aventure, c'est bien une sensation de sidération et d'ébahissement qui nous envahit pour ne plus jamais nous lâcher.

    Si le récit sait ménager ses effets, Naughty Dog sait aussi se fendre régulièrement de séquences tout en douceur, qui confinent même parfois aux purs moments de grâce. Témoin cette séquence au début du jeu, lorsque le joueur observe une tranche de vie de couple entre Nathan et Elena, où les deux font un peu le point sur leur existence, avant de se chamailler gentiment pour savoir lequel des deux fera la vaisselle, et de se réconcilier devant une partie de Crash bandicoot sur Playstation. Un titre développé par un certain studio ... Naughty Dog ! Magie et malice de la mise en abîme. Nettement plus loin dans l'aventure, lors de la découverte des ruines de la ville de Libertalia, Nathan et Sam prennent brièvement le temps de souffler et discuter un peu en s'asseyant au milieu des décombres de ce qui fut autrefois une taverne. Une séquence facultative, comme les invitations régulières aux dialogues entre les personnages, qui nourrissent toujours un peu plus le récit et permettent de donner de la chair à des personnages déjà très attachants et très bien écrits. Et comment ne pas citer ce passage en apesanteur qui, bien qu'éphémère, voit Nathan et Elena deviser à bord du 4x4, tandis que l'on découvre, subtilement accompagné par un thème musical discret et plein de nostalgie signé Henry Jackman, le fantastique paysage des abords de la ville en ruine de New Devon, au coeur de la jungle ?

    Puisque l'on parle des personnages, il faut d'ailleurs ici rendre grâce à la direction et au jeu des acteurs. Magnifiés par une animation (faciale notamment) de haute volée, Nolan North, sous les traits de Nathan Drake, mais aussi Troy Baker (Sam) et Emily Rose (Elena Fisher) donne le meilleur d'eux-mêmes dans cet ultime chapitre. La qualité de leurs interprétations tient aussi beaucoup à la méthode de travail particulière employée chez Naughty Dog en matière de Performance Capture. Souvent, chez les autres studios, les animations de Performance Capture sont mises en boîte en One Shot, sur des périodes assez brèves, notamment pour des raisons de coûts. Chez Naughty Dog, le processus d'Acting de la Performance Capture se fait en parallèle du développement du jeu, et peut durer plusieurs mois. Une méthode -et soit-dit en passant là aussi un vrai luxe- qui porte ses fruits.

    In Fine, c'est au terme d'un épilogue émouvant et plein de tendresse pour ses personnages que Naughty Dog fait tomber le rideau et fait ses adieux à Nathan Drake. Tandis que c'est avec un certain pincement au coeur que le joueur repose sa manette, neuf ans après avoir embrassé pour la première fois la destinée d'un héros devenu le fétiche de ses géniteurs.

    Qu'en est-il de l'après Uncharted 4 pour le studio ? On murmure qu'une suite à The Last of us serait présentée au prochain salon de l'E3. Peut-être aussi l'envie de créer une nouvelle licence ? Nouvelle licence, suite, rumeur ou pas... Peu importe au fond. Il est parfois bon que certaines questions demeurent pour le moment sans réponse. C'est quand les aspirations d'un brillant studio ne se laissent pas facilement deviner qu'elles ont les meilleurs chances de survivre.

     

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