L'année dernière, la saga danoise Département V avait fait son petit effet sur les cinéphiles avec ses deux premiers opus, Miséricorde, puis Profanation. La troisième adaptation de la saga romanesque revient et est disponible en e-cinéma depuis le jeudi 5 mai dernier.
A cette occasion, AlloCiné a pu rencontrer l'acteur Nikolaj Lie Kaas, l'interprète de Karl dans la saga, et ancien acteur de The Killing. Loin du dur à cuire des écrans, nous avons rencontré un homme charmant et passionnant.
Vous êtes en France pour présenter "Département V : Délivrance". L’année dernière j’ai pu rencontrer Mikkel Norgaard [réalisateur des deux précédents films] et l’acteur Farès Farès. Tous les deux m’ont dit que le cœur de la franchise reposait dans la relation entre les deux policiers. Etes-vous d’accord avec ça, et comment avez-vous travaillé avec Fares sur cette relation ?
Je suis complètement d’accord avec eux. Fares et moi sommes connectés. (…) Mon personnage, Karl, ne pourrait pas être aussi égoïste s’il n’avait pas Assad. Il n’est pas aimable et se fout de tout et de tout le monde. Et Assad assume les conséquences de cela. Fares et moi avons travaillé dès le début, car nous sommes différents, et c’est quelque chose que nous avons beaucoup utilisé. Dans ce troisième film, nous abordons le sujet des croyances et des convictions. De ce qui permet de ne pas renoncer à la vie. Le personnage d’Assad a besoin de croire, il a cela dans le sang, c’est ce qu’il est.
Karl ne croit en rien, il est proche du suicide. Pour lui, la vie est courte et on doit la remplir artificiellement avec une routine. (…)
La bouteille trouvée au début du film permet à vos personnages de sauver des enfants, mais n’est-elle pas aussi ce qui va sauver Karl de ses démons ?
Il est marié à sa vie. Il ne croit en rien dit-il, mais il croit en plus de choses que bien des gens, car il cherche à changer les choses. Et lorsque j’ai parlé à des policiers pour préparer le rôle, j’ai réalisé qu’ils ne parlent de leur engagement dans ce travail qu’en disant : "je voulais changer les choses". (…) Et eux qui sont sur le terrain tous les jours, sont beaucoup plus impliqués émotionnellement que nous lorsqu’on lit le compte-rendu d’un fait divers dans le journal. Et c’est pour cela que Karl cherche un meilleur endroit où vivre.
Et c’est pour cela qu’Assad veut l’impliquer dans une nouvelle affaire et le faire sortir de son marasme…
Exactement. Car il sait que s’il n’a pas son travail, Karl n’a rien. C’est la triste réalité. Lorsque je donnais des interviews pour le premier film Département V, je disais que la chose la plus triste à propos de Karl est qu’il est marié à son travail, c’est son identité et sa colonne vertébrale. Beaucoup de gens n’ont pas de rapports sociaux, car ils sont trop timides ou ont trop de problèmes personnels pour être sociables.
Hans Petter Moland m’a dit que dans les deux premiers films, Assad est en retrait et Karl l’homme de la situation, mais que dans ce troisième film, c’est l’inverse.
Ah complètement. Assad est le moteur de ce film, c’est par lui que tout commence, car il veut sauver son ami.
Quelle était selon vous la vision d’Hans Petter Moland pour ce film ?
(…) Je pense qu’il a apporté [son expérience]. Il est plus âgé que Mikkel [le précédent réalisateur], et nous avons parlé de la foi, et il était passionné par cela. Après deux films avec le même réalisateur, nous avions besoin de secouer un peu la boîte pour donner une nouvelle vie à la saga.
Une nouvelle vie qui a aussi été donnée par l’espoir qu’il y a dans ce troisième film, et pour moi, il s’agissait du bon moment pour changer de réalisateur.
Cette nouvelle histoire est la meilleure des trois. Je ne parle pas que du film, mais aussi du livre. Il y a davantage de raison, mais aussi comme vous l’avez dit plus d’espoir. L’histoire traite des enfants, et cela attire le public, car tout le monde peut s’y reconnaître même sans avoir d’enfants, et ça vous prend tout de suite aux tripes.(…)
Que savez-vous du quatrième film "Département V" ?
Oui, nous en parlons, mais ce sera le dernier. Les scénaristes vont bientôt écrire le nouveau film, et nous devons clore l’histoire de ces deux personnages. Karl doit avoir un peu de bonheur !
Je pense que pour vous qui avez fait plusieurs séries dont The Killing, c’est une chance de pouvoir creuser un personnage au cinéma, et cela crée aussi une complicité avec le public. Vous pensez que le succès de la franchise repose sur cet élément ?
Cela joue beaucoup, oui, mais c’est aussi un problème : être trop présent dans un même rôle. Sans Fares et son Assad, je pense que le public se serait lassé de mon personnage. Personnellement, en tant qu’acteur, j’ai besoin de Fares pour jouer.
Au début de votre carrière, vous avez beaucoup joué les personnages pétris d’humour noir, êtes-vous comme cela dans la vie ?
Je pratique beaucoup l’humour noir. A l’écran, parfois c’étaient les personnages qui l’imposaient, parfois c’étaient les gens avec qui je travaillais qui m’en proposaient. Et j’ai la chance d’être accepté par le public dans le drame comme la comédie.
Quel acteur a été un modèle pour vous ?
Plus jeune, je dirais Jack Lemmon. Il était drôle, brillant acteur, capable d’être à la fois dans le contrôle et dans le pathétique. Et il s’est battu presque littéralement, pour qu’on le respecte. Dans le génial film Glengarry, il joue un marin si pathétique, si triste, mais persuadé qu’il sera quelqu’un un jour. Mais beaucoup d’acteurs n’acceptent pas les rôles pathétiques car ils pensent donner l’impression d’être vulnérables.
Vous avez plusieurs fois joué des policiers dans votre carrière, quatre ou cinq fois…
(il m’arrête et compte sur ses doigts) Oui, c’est exact.
… Etait-ce pure coïncidence ou une sorte d’admiration pour ce métier ?
Non, ça a commencé avec The Killing. J’avais demandé à mon agent de ne pas me proposer d’autres films policiers car j’avais peur ensuite de me mettre à détester le genre. Puis un an plus tard, il m’a fait rencontrer Mikkel Noorgaard qui devait diriger le premier Département V, et il y a eu un déclic avec lui. (…) et c’est pour cela que j’ai commencé la saga, ça n’avait rien à voir avec le fait de jouer un policier. J’en ai fait cinq fois, vous dites ?
"The Killing", "Edderkoppen", et les trois Département V.
Ah ok, vous avez raison.
Et vos projets ?
J’ai une audition pour un projet américain, et je viens de terminer le film danois Du forsvinder, un homme à une tumeur au cerveau et il est accusé par la police d’avoir volé 12 000 couronnes à son travail. Est-ce lui le coupable ou sa tumeur ? Et on essaye de déterminer à partir de quel moment la tumeur a pu jouer sur son comportement.
Propos recueillis le 4 avril à Paris par Corentin Palanchini.