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    Angry Birds : retour sur une Success Story signée Rovio
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Le succès planétaire du jeu Angry Birds, adapté au cinéma en film d’animation, est celui d’un studio finlandais, Rovio. De ses débuts difficiles jusqu’au carton mondial des oiseaux énervés, retour sur une Success Story mouvementée... Et risquée.

    Rovio

    Difficile que vous soyez passé à côté. Encore moins si vous possédez un Smartphone. Sorti sans crier gare en 2009, le jeu Angry Birds a connu un succès planétaire aussi immédiat que foudroyant. Et lorsqu'on dit planétaire, ce n'est pas un effet de manche : on parle d'un jeu qui a été téléchargé plus de trois milliards de fois depuis sa sortie et au gré des différentes versions. Oui oui, trois milliards. Angry Birds, ce sont plus de 200 millions de personnes y jouant chaque mois.

    Derrière ce succès se trouve un studio de développement finlandais du nom de Rovio. Et son appétit est féroce : il s'apprête à prendre pied au cinéma en mai prochain avec l'adaptation en film d'animation de l'univers de sa martingale vidéoludique. Associé à Sony Pictures, Rovio joue gros, avec un film d'animation qui a coûté, budget marketing inclu, environ 175 millions d'euros. Ce qui s'appelle se donner les moyens de ses ambitions, même si le pari est risqué. Retour sur une vraie Success Story, qui prend quand même des allures de montagnes russes propres à donner des sueurs froides.

    Des débuts difficiles jusqu'à la quasi banqueroute

    L'histoire commence dans une ville banlieue d'Helsinki, en Finlande, du nom d'Espoo. C'est là que Rovio voit le jour en 2003, sous un ancien nom : Relude. Il est alors fondé par trois étudiants de l'université de technologie d'Helsinki : Niklas Hed, Jarno Väkeväinen et Kim Dikert, après avoir remporté une compétition de création de jeux pour mobile. Ils changent de nom en janvier 2005 pour devenir Rovio Mobile.

    Entre 2003 et 2009, Rovio va connaître des années difficiles. Le studio sort pas moins de 51 jeux (!), mais le marché des jeux sur portable est encore assez confidentiel, d'autant que de nombreux portables ne sont pas encore tactiles. Ce n'est qu'en juillet 2008 qu'Apple ouvre son App Store, avec le succès qu'on lui connait. L'Iphone, que la marque a lancé en juin 2007, va rapidement devenir une plateforme de choix pour le développement des jeux.

    En 2009, l'existence même de Rovio est menacée : la société est au bord de la banqueroute, ne parvenant pas à rentabiliser ses investissements. Il faut trouver un nouveau concept de jeu, ou bien la boîte coule. C'est alors qu'un designer du studio montre des dessins qu'il a effectué, montrant un oiseau colérique sans ailes ni pattes. Le concept plaît aux développeurs, qui se chargent alors de phosphorer pour trouver une idée de gameplay autour de ce personnage et comment le mettre en scène.

    Leurs yeux se tournent alors vers un jeu qui cartonne depuis avril 2009, jouable en plus dans un navigateur web : Crush the Castle. Dans ce jeu, il s'agit de détruire des châteaux ou autres fortifications à l'aide d'une catapulte, et ainsi faire tomber ses occupants. Un concept génialement simplissime, et ultra addictif. Un tueur de productivité en puissance.

    Ci-dessous, un extrait de Crush the Castle...

    Dans le jeu sur lequel le studio planche, le concept est tout aussi simple. Les joueurs utilisent un lance-pierre pour lancer des oiseaux (énervés !) sur des cochons verts placés sur ou à l'intérieur de différentes structures, dans l'intention de détruire tous les cochons présents dans l'aire de jeu. Au fur et à mesure des niveaux, le joueur obtient de nouveaux oiseaux, certains dotés de pouvoirs spéciaux, offrant des techniques de destruction différentes.

    Une mise sur orbite fulgurante

    En décembre 2009, Angry Birds sort sur l'App Store. Simplicité de la prise en main, univers et personnages attachants, challenge relevé : le jeu fait un carton plein. En octobre 2010, le jeu de Rovio a été téléchargé 12 millions de fois, d'autant qu'il ne coûte au consommateur - joueur qu'une somme modique : 1€ à peine. C'est le Jackpot pour Rovio, qui avait investi 140.000 € dans le développement de ce jeu. La courbe de croissance des ventes n'en finit pas de s'envoler.

    Rovio a donc trouvé la martingale, qui est logiquement déclinée sur à peu près tous les supports possibles et autant de variantes. Angry Birds Seasons (2010) par exemple, extension qui comporte des niveaux avec thème Halloween, Noël, Saint-Valentin, Saint Patrick et Pâques. Angry Birds Rio, qui accompagne la sortie du film du même nom, en 2011. En mars 2012, c'est Angry Birds Space, qui introduit les notions de gravité et d'apesanteur. Cette année-là, Rovio sort aussi le carnet de chèques pour s'octroyer une prestigieuse licence avec la sortie d'Angry Birds Star Wars.

    Ci-dessous, la bande-annonce d' "Angry Birds Star Wars". Aucune image de gameplay, mais un résultat drôle qui fait mouche...

    Un lancement de haut vol... Et à haut risque

    Lancé dans un développement tout azimut, Rovio décline sa marque sur tous les supports possibles et imaginables. C'est par exemple le lancement mondial en mars 2013 d'une série animée, Angry Birds Toons. Soit 52 épisodes de 2min45 chacun, pour la première saison. De quoi tenir un an, sur un rythme de diffusion d'un épisode par semaine. Il y aura trois saisons, pour un total de 91 épisodes.

    Ci-dessous, un Teaser de la saison 1 d'Angry Birds Toons...

    Ce sont aussi tous les produits dérivés (peluches, gadgets en tous genres, Mug, Tee-shirt & Co...), et même carrément la création d'un parc à thème de plus de 10.000m² ouvert en 2013 en Chine, baptisé Angry Birds Land. Troisième parc sur le thème du combat entre oiseaux et cochons, après ceux en Finlande et en Grande-Bretagne.

    Pourtant, l'orage approche. Comme d'autres sociétés avant elle, Rovio est victime du syndrôme des jeunes entreprises qui atteignent une masse critique trop vite et trop tôt. Dans le domaine des jeux sur mobile, la concurrence devient impitoyable, surtout avec le modèle des jeux Free to Play. Soit pour les non initiés des jeux gratuits à télécharger, mais qui propose au joueur de passer à la caisse dans le jeu; par exemple pour prendre des niveaux, débloquer des bonus, etc. A ce petit jeu, les titres Clash of Clans et l'increvable Candy Crush Saga mènent la vie dure aux oiseaux énervés de Rovio. Le modèle économique d'Angry Birds, payant à l'achat ou gratuit avec publicité, a du plomb dans l'aile. Lancé fin juillet 2015, Angry Birds 2 tente de prendre le train du Free to Play en marche : en un mois, il se télécharge quand même 50 millions de fois.

    L'inquiétude vient aussi de la baisse significative des recettes des ventes des produits dérivés. Selon le quotidien économique spécialisé La Tribune, "Avec 41,4 millions d'euros en 2014, la vente de peluches, de jouets et autres produits commerciaux s'est effondrée par rapport à 2013 où elle avait rapporté 73,1 millions d'euros. Le CA de la société, pour l’exercice fiscal 2014, s’élevait à 158,3 millions d’euros ; chiffre en baisse de 9% par rapport à 2013". Cela dit, "la société finlandaise s'envole toujours sur le terrain du jeu. La sortie de six nouveaux numéros en 2014 a permis à Rovio d'améliorer son revenu tiré des téléchargements de ses applications de 95,2 millions d'euros en 2013 à 110.7 millions d'euros en 2014" poursuit le quotidien.

    Sony Pictures Releasing GmbH

    "La croissance de Rovio et son ardeur à vouloir explorer de nouvelles opportunités ces dernières années ont été exceptionnelles. Mais nous avons fait trop de choses" reconnaissait Pekka Rantala, le PDG de la société, dans un communiqué de presse en 2015. Et d'ajouter : "Dans notre condition financière actuelle, nous devons nous concentrer sur ce que nous faisons de mieux : créer de magnifiques expériences de jeu, produire un fantastique film d’animation et ravir nos fans avec de très bons produits". Un communiqué qui s'accompagne de coupes franches dans les effectifs de Rovio, qui perd 40% de salariés, soit 260 personnes sur un global de 670. Une saignée qui fait déjà suite à une précédente en octobre 2014, où la société se sépara de 10% de ses effectifs.

    Voilà pourquoi Rovio fonde de gros espoir sur le film d'animation Angry Birds; film pour lequel la société a d'ailleurs recruté John Cohen, producteur du film d'animation Moi, moche et méchant, et David Maisel, ancien président de Marvel Studios, comme producteur exécutif. Un succès massif du long métrage doit aussi permettre de relancer les ventes des produits dérivés, qui constituent une des principales sources de revenus pour Rovio, aux côtés des jeux sur Smartphones.

    Pour juger sur pièce, Red (le nom de l'oiseau - mascotte rouge d'Angry Birds) et ses potes vous attendent dans les salles obscures depuis ce mercredi.

     

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