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    Keeper : "Ce qui compte pour moi en tant que cinéaste, c’est de tendre vers une émotion"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    A l'occasion de la sortie de Keeper, premier long métrage de Guillaume Senez, à l'affiche ce mercredi, découvrez notre entretien avec le cinéaste.

    Happiness Distribution

    L'histoire de Keeper : Maxime (Kacey Mottet Klein) et Mélanie (Galatéa Bellugi) s’aiment. Ensemble, ils explorent leur sexualité avec amour et maladresse. Un jour, Mélanie découvre qu’elle est enceinte. Maxime accepte mal la nouvelle, mais peu à peu se conforte dans l’idée de devenir père. C’est maintenant décidé : du haut de leurs quinze ans, Maxime et Mélanie vont devenir parents… 

    AlloCiné : Pourquoi avoir eu envie de porter ce sujet à l'écran ? 

    Guillaume Senez, réalisateur et co-scénariste : Etant papa moi-même, j’avais très envie de parler de la paternité. Et plus spécifiquement d'une forme d’impuissance liée à la paternité.

    Le thème de la grossesse a fait l'objet de nombre de films, mais beaucoup plus rarement sous cet angle, à savoir un point de vue masculin et adolescent. Ce point de vue différent était important pour vous ?

    Oui car, à nouveau, c’est avant tout de la paternité dont j’avais envie de traiter. Choisir le prisme de Maxime me semblait donc une évidence. Souvent ces films qui parlent de grossesse adolescente choisissent l’angle de la fille, à juste titre d’ailleurs, c’est le personnage qui ressent et qui traverse le plus de choses. Mais malheureusement, trop souvent ces films bâclent le personnage masculin qui lui aussi peut ressentir des émotions intenses.

    Happiness Distribution

    J'imagine que les projections suivies de débats suscitent des questionnements sur l'idée de garder ou non un bébé. Quelles sont les questions ou les remarques revenant le plus souvent ? 

    Dès le début du projet, mon intention n’était pas de faire « passer un message » mais bien de montrer les choses comme elles sont. A chacun alors de se projeter dans l’histoire, d’être en empathie avec tel ou tel personnage. A partir de ce postulat, les réactions sont sans fin, le spectateur est libre d’interpréter le film comme il le souhaite. A chacun sa sensibilité, son vécu, ses croyances...

    Ce qui compte pour moi en tant que cinéaste, c’est de tendre vers une émotion

    In fine, la question de garder le bébé ou non ne se pose pas tellement. Par contre, le positionnement des spectateurs en fonction des parents des adolescents est très contrasté. Mais au-delà d’un questionnement, ce qui compte pour moi en tant que cinéaste, c’est de tendre vers une émotion. J’essaie juste que cette émotion soit la plus honnête possible. 

    Le film s'appelait dans un premier temps Hors Cadre. Il s'appelle finalement Keeper. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?

    Initialement, le film s’appelait Keeper. C’est quand le financement en France s’est enlisé qu’on nous a demandé de changer le titre. Nous avons alors opté pour Hors Cadre qui est devenu le titre de tournage.

    Par la suite, au montage, nous nous sommes très vite rendu compte que Hors Cadre n’est pas le film. Nous sommes alors revenu au titre initial : Keeper.

    Nous aimions le double sens de Keeper : to keep/garder ce bébé, et Keeper, le gardien de but

    Nous aimions le double sens de Keeper. To keep/garder ce bébé. Et Keeper, le gardien de but, qui faisait écho tant aux rêves professionnels de Maxime, qu'à sa toute grande impuissance à faire évoluer le résultat, dans sa vie de père comme dans le jeu. « A keeper can’t win a game, he can only save it ! ».

    Happiness Distribution

    Le foot occupe une large place dans l'histoire. C'est une de vos passions ?

    Oui, j’ai joué au foot toute ma vie et j’ai surtout entraîné pendant 10 ans. Le foot m’a appris beaucoup de choses, et puis surtout il m’a permis de financer mes études de cinéma. Je ne voulais pas faire un film sur le foot mais y baigner une partie de l’action. C’est en quelque sorte la nappe phréatique du récit. Le foot est une formidable arène cinématographique.

    Le foot est une formidable arène cinématographique

    Je crois qu’à part le cinéma et l’art en général, il n’y a pas plus représentatif de la société d’aujourd’hui que le monde du football. Je pourrais vous dresser des parallèles socio-économico-culturels entre les deux pendant des heures.

    Pouvez-vous nous parler en quelques mots de votre méthode de travail qui, je crois, est assez particulière, notamment sur la place du scénario ?

    Le scénario est très écrit mais les comédiens ne le reçoivent pas. Ils connaissent bien évidemment l’histoire, les personnages, les différentes relations entre les uns et les autres, etc... Nous travaillons beaucoup les personnages en amont.

    ==> Kacey Mottet Klein : découvrez notre interview-portrait

    Sur le tournage, nous commençons par improviser une séquence puis nous nous en parlons, et doucement, ensemble, prise après prise, nous arrivons au texte. C’est avant tout une recherche de justesse et spontanéité. Mais au-delà de ça, c’est aussi un travail dans la collectivité qui me plaît énormément : Je sais où on va, on ne sait pas encore comment on va y arriver, mais on y arrive ensemble.

    Après avoir réalisé plusieurs courts remarqués, Keeper est votre premier long métrage. Le parcours a-t-il été assez fluide et naturel pour passer d'un format à l'autre ?

    Non, ce fût une longue traversée du désert. J’aurais pu tourner ce film il y a cinq ans si nous avions obtenu les moyens financiers pour pouvoir le réaliser. C’est en France où le parcours a été le plus compliqué. J’ai pourtant la double nationalité, Française et Belge. Voir la France me fermer ses portes fût très difficile pour moi.

    Nicolas Desvignes / Bestimage

    Quels sont vos réalisateurs de prédilection?

    Je préfère toujours citer des films plutôt que des réalisateurs, car selon moi, seul l’oeuvre compte. Pas forcément celui qui la fait...

    Je citerai entre autres : Kids, Ceux qui m’aiment prendront le train, Paranoïd Park, Hunger, Chungking Express, et tant d’autres... Tellement d’autres.

    Avez-vous d'ores et déjà un nouveau long métrage en projet ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

    Oui, nous sommes en écriture avec Raphaelle Desplechin. Le film s’appellera Nos Batailles et traitera à nouveau de la paternité, mais à l'âge adulte cette fois. Avec un regard également sur le monde du travail, et plus particulièrement sur la question de comment garder ses valeurs et ses idéaux dans une carrière prenante tout en ayant la responsabilité d’une famille mono-parentale. Le projet est piloté par Les Films Pelléas en France et Iota Production en Belgique.

    La bande-annonce Keeper de Guillaume Senez

     

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