AlloCiné : Avez-vous réellement fait l'escapade décrite dans le film ?
Robert Redford : Non, mais j’ai l’habitude des randonnées en montagne et j’ai pas mal exploré la côte Pacifique des Etats Unis. En fait dans le film, même si nous donnons l’impression que nous sommes sur cette longue aventure sur la Côte Est, il n’en est rien. C’est la magie du cinéma. Si nous avions fait le film il y a dix ans, on nous aurait sans doute transportés par hélicoptère à divers points clefs de cette randonnée de presque 3 200 kilomètres. Mais aujourd’hui pour faire ce genre de film sans gros effets spéciaux, les budgets sont restreints et il faut aller tourner là où il y a des aides financières. Et donc nous avons fini par tourner à Atlanta en Georgie. Et tout fut tourné là-bas. Ensuite par hélicoptère une autre équipe de tournage a fait des plans aériens des véritables endroits du chemin sur lequel nous aurions dû nous aventurer.
Est-ce que le tournage a été difficile malgré tout ?
Nick Nolte : Il a duré environ trois mois il me semble…
Robert Redford : Et c'était bien trop long ! (Rires) Non, ce fut une vraie partie de plaisir de travailler avec Nick qui est un homme chaleureux et un acteur hors pair. Même s’il y avait un script solide tiré d’un livre que nous avions tous les deux adoré, nous nous sommes permis quelques libertés et improvisations. Mais c’est bien l’esprit du livre.
Justement, pour parler de cet esprit, ce film est un éloge à la camaraderie entre deux hommes. Parlez-nous de votre relation, sur le tournage et en dehors...
Robert Redford : Comme vous le verrez dans le film, nous avons une amitié en béton, toute naturelle. C’est une vraie complicité basée sur le respect et le sens de l’humour. Nick est vraiment plus qu’un collègue de travail, c’est un veritable ami avec un coeur énorme.
Nick Nolte : Nous sommes tous les deux de la génération de l’après-guerre, quand tout était à reconstruire. Et je me souviens que lors de notre première discussion pour ce film, nous avons en fait parlé longuement de notre enfance. Nous avons ainsi connecté sur un plan personnel et émotionnel plus que professionnel. Et je crois que cette conversation nous a permis de mieux comprendre nos personnages. Rien n’est simulé dans cette amitié car elle est basée sur l’amitié entre Robert et moi-même.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour rester fidèle au livre tout en faisant le film que vous aviez en tête ?
Robert Redford : Ca n'a pas été une mince affaire d’adapter ce roman, et nous avons forcément dû faire quelques raccourcis. A un moment, j’avais même pensé le réaliser mais je me suis dit que de me plonger à
fond dans cette relation demandait à mon travail d’acteur toute ma concentration. La grosse différence, c’est que dans le livre les deux héros font cette randonnées par "morceaux" : ils en sortent et y reviennent. Nous avons choisi de les laisser aller jusqu’au bout du chemin d’un seul trait. C’est plus captivant cinématographiquement, il me semble. Sinon on aurait perdu le public : une fois que nous sommes engagés sur le chemin on se doit d’aller jusqu’au bout… Et en parlant d’engagement, j’ai commencé à travailler sur ce film en 2004 donc c’est vraiment pour moi un projet-passion.
Quels sont les autres thèmes au coeur du film, de votre point de vue ?
Robert Redford : De loin, l’amitié entre deux hommes est ce qui ressort en premier. Je crois que l’amitié est la chose la plus importante dans la vie. Sans cela on passe une éternité seul avec soi-même et on devient vite triste et vide. Ce film est aussi un regard sur la famille, car deux amis sont comme deux frères. Aujourd’hui plus que jamais, avec les familles recomposées, les amis deviennent la famille. Ce qui est également intéressant, c’est de voir comment le temps n’affecte en rien une véritable amitié. Ici, on retrouve nos compères trente ans après leurs folles aventures de jeunesse et après s’être fait la gueule pendant trois décennies. Et ils se retrouvent comme si rien n’avait changé, comme si le temps s’était arrêté. Un ami c’est pour la vie comme on dit.
Est-il vrai qu’à un moment le film aurait dû se faire entre vous et votre complice de toujours, Paul Newman ?
Robert Redford : En effet. Il y a plus de douze ou treize ans, avant que Paul ne nous quitte, nous avions pensé faire ce film. A cette époque nous cherchions un troisième film à faire ensemble. Mais malheureusement c’était à un moment où la santé de Paul était déjà sur le déclin... Nous avons donc dû renoncer, ce qui est très triste. Paul avait douze ans de plus que moi. Il me manquera toujours. Ainsi va la vie…
Rabndonneurs Amateurs - au cinéma le 13 janvier 2016