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    Warcraft : entretien avec son réalisateur Duncan Jones
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Alors que la bande-annonce de "Warcraft" qui vient d'être dévoilée met fin à près de 9 ans d'attente autour de l'adaptation de la cultissime licence vidéoludique, nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec son réalisateur, Duncan Jones.

    AlloCiné : Cela fait neuf ans que le projet d’adaptation de la licence « Warcraft » a été annoncé. Une éternité.  Et ce vendredi, la bande-annonce de votre film a enfin été dévoilée, attendue par des millions de fans. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

    Duncan Jones : j’étais assez tendu et nerveux pour être honnête ; je crois qu’on l’était tous un peu ! La bande-annonce était dévoilée dans le cadre de la Blizzcon, une énorme convention destinée aux fans des jeux Blizzard qui fonctionne un peu comme le Comic Con. L’attente de ce public autour du film Warcraft est absolument colossale, et c’est un public exigeant. J’avais vraiment hâte qu’il découvre les images, ça fait si longtemps qu’il attendait ça !

    AlloCiné : Lorsque l’on a annoncé votre arrivé aux commandes du film « Warcraft » il y a deux ans, en remplacement de Sam Raimi, ca été une surprise. Plutôt bonne en fait, parce que l’on sait que vous avez un profond respect et une passion pour l’univers des jeux vidéo. Mais c’est vrai aussi qu’on vous attendait davantage sur un nouveau film de SF pour le coup. Qu’est-ce qui vous a motivé de vous lancer dans l’aventure « Warcraft » ?

    Duncan Jones : En fait, toute ma vie, j’ai joué aux jeux vidéo, et j’ai toujours fait sans problème la navette entre la Fantasy et les jeux vidéo. Donc pour moi, l’opportunité de faire un film de Fantasy était unique. J’ajoute d’ailleurs que j’ai toujours adoré les jeux créés par Blizzard Entertainment, depuis leur premier jeu, "The Lost Vikings", un jeu de plateforme sorti en 1992, à l’époque même où le studio ne s’appelait pas ainsi [NDR : c’était Silicon & Synapse]. J’ai joué à tous leurs jeux de la franchise "Warcraft", du premier volet sorti en 1995, sa suite un an plus tard, World of Warcraft aussi bien sûr. J’ai toujours fait partie des premiers joueurs de leurs titres. C’est un studio qui a 20 ans d’histoire et d’expertise dans la création de jeux. Travailler sur ce film était une opportunité que je ne pouvais pas manquer.

    Legendary Pictures

    AlloCiné : Blizzard est très connu pour être particulièrement protecteur vis-à-vis de ses licences. Ajoutez à cela la dimension et les ambitions du film, énormes, l’attente et la pression colossale des fans… Comment fait-on pour imprimer sa propre vision de cinéaste sur un projet comme celui-ci ?

    Duncan Jones : Vous avez tout à fait raison, Blizzard est particulièrement sourcilleux concernant ses licences. C’est d’ailleurs l’une des clés de l’énorme succès de ce studio depuis si longtemps. Ils ont un très grand savoir-faire, et connaissent les attentes de leur public. Ce qui fait que ca a fonctionné avec moi, c’est que je fais précisément partie de leur public de joueurs ! Je sais ce que j’aime, je sais qu’ils savent ce que j’aime, et, heureusement pour moi, nous aimons notre travail respectif ! (rires) Donc ca vraiment été une relation de pleine confiance pour ce film.

    AlloCiné : il y a quatre ans, vous aviez donné une interview dans un magazine UK, Retro Gamer, et vous disiez une chose très intéressante. Je vous cite : «Je pense que l'une des erreurs communes faites lorsqu'on veut adapter une licence vidéoludique au cinéma, est en fait de croire que tout ce qu'il y a à faire, c'est de raconter une histoire d'une manière totalement linéaire. Il ne faut pas faire comme cela. Il faut isoler et utiliser des éléments propres aux jeux qui pourront fonctionner ».  Comment avez-vous procédé pour  « Warcraft » ?

    Duncan Jones : Quand vous êtes réalisateur, le matériau ou le sujet de base que vous allez utiliser pour faire votre film peut être n’importe quoi. Un exemple que j’aime donner, c’est The Social Network de David Fincher. Si je vous avais dit à l’époque que je comptais faire un film sur Facebook, vous m’auriez pris pour un fou en trouvant l’idée complètement ridicule. Mais Fincher savait exactement quelle histoire il souhaitait raconter, quels seraient ses personnages, comment faire en sorte de susciter l’intérêt du public pour un tel sujet.  Ca n’est pas le fait que le sujet de départ soit original ou pas qui fera le succès du film, c’est la manière dont vous le traitez. C’est trouver les éléments, les ressorts dramatiques qui captiveront votre audience, qui feront que le public s’attache à vos personnages, etc. La clé de voûte de tout ça, c’est le script.

    Legendary Pictures

    Vous savez, il y a une période pas si lointaine où l’on n’avait pas beaucoup d’estime et de respect pour les adaptations de Comic Book au cinéma. Mais on a assisté avec bonheur à l’arrivée d’une génération de réalisateurs, certains brillants, qui ont grandi avec cet univers, et qui savent comment attirer le public vers cet univers, qui savent faire des films de telle manière qu’ils arrivent à capter l’attention du public. Moi, j’appartiens à une génération qui a grandi avec les jeux vidéo, et j’espère pouvoir faire la même chose.

    AlloCiné : Comment  avez-vous préservé cet équilibre difficile, surtout dans le cas des adaptations de jeux vidéo, qui consiste à chercher à satisfaire à la fois les Gamers qui sont familiers avec l’univers de « Warcraft », et un public qui peut être réceptif à la Fantasy mais pas forcément joueur ?

    Duncan Jones : Si l’on veut que ce soit un succès, on a nécessairement besoin d’un public qui ne connait pas l’univers des jeux. Et je pense que c’est précisément une des raisons pour lesquelles Warcraft a mis si longtemps à se faire avant que je ne vienne sur le projet ; savoir quelle histoire raconter et comment la raconter. C’est aussi un peu la même lutte qu’a vécu Peter Jackson quand il tentait de convaincre les studios de réaliser Le Seigneur des Anneaux, à une époque où ils ne voulaient justement plus mettre un centime dans un film de Fantasy, considéré comme totalement dépassé. On lui disait que Tolkien, c’était super, mais c’était un public de niche. Le génie de Jackson, ca été justement cette capacité d’élargir l’audience pour l’œuvre de Tolkien. J’espère qu’on connaîtra le même destin que ses films, en tout cas c’est cette logique que nous voulions adopter avec Warcraft.

    Legendary Pictures

    AlloCiné : Visuellement, le résultat est vraiment étonnant, et ne ressemble pas à ce qu’on a pu voir jusqu’à présent; un mélange de Live Action avec de la cinématique comme Blizzard sait les faire, avec aussi un rendu assez organique. Quelle a été votre approche visuelle pour le film ?

    Duncan Jones : Ceux d’entre nous qui ont grandi en jouant à Warcraft ont toujours été frappés et séduits par l’esthétique et le réalisme des cinématiques de Blizzard, qui sont toujours incroyablement vivantes. Comme c’est un film Live Action, il fallait absolument que ce que l’on voit à l’écran soit crédible, avec les acteurs. Mais en même temps, comment capturer ce côté hyper-réaliste que l’on voit dans les productions Blizzard ? Dès le départ on a cherché à combiner le mieux possible ces deux aspects, et je suis vraiment fier du rendu visuel, assez unique.

    Propos recueillis par Olivier Pallaruelo

    Et en bonus, voici le sompteux Trailer cinématique de la prochaine extension du jeu World of Warcraft, "Legion", attendu pour l'été 2016...

     

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