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    "The Yards" a 15 ans : Cinq choses que vous ne saviez peut-être pas sur ce film maudit puis adulé

    Le film noir de James Gray fête ses 15 ans cette semaine. Mais saviez-vous tout des coulisses compliquées du polar urbain avec Mark Wahlberg et Joaquin Phoenix ?

    Bac Films

    Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, James Gray est un réalisateur qui compte indéniablement dans le cinéma d'aujourd'hui. En l'espace de seulement cinq films, le réalisateur américain, plus aimé en Europe que dans son propre pays, a su se construire un univers propre, sombre et tragique en racontant sa tendre et triste New York mais aussi en peignant d'émouvantes luttes intimes et solitaires qui se jouent au coeur de familles où le milieu écrase, prédestine et force ses héros à faire d'impossibles choix.

    Celui qui se destinait d'ailleurs à la peinture avant de se tourner vers le cinéma n'a pas perdu son oeil d'artiste et ne cesse de prouver son incroyable talent de conteur. The Yards, un pilier de son cinéma, fête ce 1er novembre ses 15 ans. L'occasion de se replonger dans les coulisses d'un film compliqué qui a façonné, pour diverses raisons, le reste de la carrière de James Gray...

    1) Un film très personnel 

    The Yards est un film qui tient beaucoup au coeur de James Gray et qui a, comme tous ses films, une part d'autobiographie. Le réalisateur, qui n'avait jusque-là réalisé qu'un seul film, Little Odessa, s'est effectivement inspiré d'une histoire de corruption dans laquelle son père, qui sous-traitait des composants électriques pour le métro new-yorkais, avait été impliqué.

    Comme il l'avait confié à Télérama en 2009, "Une des inspirations majeures de The Yards est le combat de mon père pour réussir. Il était enseignant, mais il a voulu tenter sa chance et monter sa société, qui s’est vite retrouvée en liquidation (...) Il en a monté une autre, qui faisait de la sous-traitance pour le métro de New York. Il a eu des démêlés avec la justice. J’ai toujours senti chez mon père une profonde déception de n’avoir pas pu devenir riche et s’élever socialement (...) "The Yards" vient en partie d’histoires qu’il m’a racontées sur la corruption du système et de mon goût pour l’histoire sociale de New York."

    FIZET-BORDE-MARTINEZ / BESTIMAGE

    2) Mark Wahlberg recommandé par... 

    Dans une interview accordée à Indiwire en 2014, James Gray a révélé que le nom de Mark Wahlberg lui avait été, entre autres, soufflé par Paul Thomas Anderson, le réalisateur de Boogie Nights. Un choix qui n'était pourtant pas forcément évident pour Gray qui avait encore en tête la récente carrière de rappeur de Wahlberg :

    "Je connais Paul depuis des années (...) Je lui avais dit que je cherchais un acteur qui avait le coeur sur la main, issu de la classe ouvrière, une sorte de John Garfield en gros, quelqu'un de cette trempe. Et il m'a dit : "Je viens juste de commencer à travailler avec Mark Wahlberg. Je pense que tu vas le trouver génial." Moi j'étais un peu surpris : "Marky Mark ?". Et il m'a dit : "Non, le mec est top." J'ai rencontré Mark et je l'ai trouvé fantastique. Je n'ai que des belles choses à dire sur lui."

    3) Dans les filets d'Harvey Weinstein

    Comme James Gray portait The Yards en lui depuis longtemps, le réalisateur, lorsqu'il s'est mis à la tâche, a fini par accoucher d'un script de 200 pages. A la demande de Miramax, qui produisait et distribuait le film aux Etats-Unis, il accepte de resserrer son scénario et fait alors appel à Matt Reeves, l'un de ses camarades de fac. Le script séduit Mark Wahlberg, devenu, entretemps une star grâce à Boogie Nights, mais aussi deux autres acteurs en passe de toucher les étoiles : Charlize Theron et, bien évidemment, le futur acteur fétiche de Gray, Joaquin Phoenix. Jusqu'ici tout va bien... 

    Lancé à l'été 1998, le tournage s'achève en septembre avec un budget de 17.7 millions de dollars. L'expérience n'est pas facile et Gray doit se battre pour faire entendre sa vision auprès de producteurs qui ne le comprennent pas. La suite ne sera pas plus aisée. Harvey Weinstein, vice-président de Miramax, notamment réputé pour porter comme un génie les films auxquels il croit et pour "oublier" les autres dans un coin, fait, comme à son habitude, passer le film devant un public test. Les résultats sont mauvais et Weinstein aurait alors demandé à Gray de changer sa fin.

    Le réalisateur accepte de tourner ces nouvelles scènes durant trois jours en mai 1999, soit plusieurs mois après la fin officielle du tournage. Pour autant cette nouvelle fin et la durée du film n'auraient toujours pas convaincu Weinstein. Ce dernier aurait alors voulu couper une bonne partie du film mais aurait ensuite accepté de revenir à une version de 1h45, devant les très mauvaises réactions des nouvelles projections test. Il aurait ensuite laissé le film prendre la poussière pendant une année supplémentaire.

    Lors d'une interview accordée au LATimes, Gray décrira d'ailleurs cette collaboration en ces termes : "Toutes les décisions majeures, il les a prises du début à la fin". Selon le livre "Sexe, mensonges & Hollywood", disponible aux Editions du Cherche midi, si Gilles Jacob n'avait pas aimé le film et invité Gray à le présenter au Festival de Cannes, ce dernier serait sorti directement en DVD, comme d'autres petits bijoux de Miramax...

    Gregory Pace/Sygma/Corbis

    4) Sifflé à Cannes 

    En 2000, James Gray est donc invité à Cannes pour présenter The Yards. Malheureusement, l'expérience ne sera pas l'une de celles qui sauve un film. A l'issue de la projection, le film recueille en effet des réactions très mitigées. Si certains reconnaissent d'emblée le talent de Gray, d'autres n'hésitent pas à siffler le film. Un comble lorsqu'on sait que le film est aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs polars modernes... Sur place, la critique américaine confirmera cette tendance en livrant des commentaires très peu glorieux à l'égard du film.

    A de nombreuses occasions, Gray s'est d'ailleurs exprimé sur l'expérience cannoise, qu'il a "subie" plusieurs fois. Subi puisque le réalisateur ressent beaucoup de frustration à montrer ses films dans un contexte qui fait naître, selon lui, des attentes impossible à réaliser : "C'est en quelque sorte ma malédiction parce que ce n'est pas juste pour les films. Les films devraient être jugés pour ce qu'ils sont. Je ne pense pas que Cannes offre cette possibilité-là", nous expliquait-il en 2013 (voir l'intégralité de cet entretien dans la vidéo ci-dessous

    5) Une sortie sabordée aux Etats-Unis

    Suite à l'expérience cannoise, Harvey Weinstein ne croit plus du tout aux chances de The Yards et ne prend même pas la peine de se montrer aux projections spéciales. L'aventure The Yards embrasse alors définitivement la voie du film maudit. Weinstein ne viendra d'ailleurs pas à la projection organisée à New York et, lors de l'avant-première du film, en octobre 2000, les invités n'auront pas droit au traditionnel buffet de jolies mignardises mais à une version beaucoup plus sordide. Pour finir, c'est dans une salle à moitié vide que le film sera projeté. Pour Gray, l'expérience sera une véritable "humiliation", comme l'indique l'ouvrage "Sexe, Mensonges & Hollywood".

    La sortie se fera dans cette continuité puisque Miramax n'investira pas d'argent pour appuyer le film. Zéro spot publicitaire, zéro affichage public, zéro promotion, et une sortie dans seulement 150 cinémas aux Etats-Unis. Après quelques semaines d'exploitation, le film ne sera donc plus à l'affiche et aura réalisé une petite recette : 1 million de dollar au box-office US. Cette expérience minera James Gray pendant longtemps. Il mettra d'ailleurs sept ans avant de tourner son film suivant, La Nuit nous appartient

    Mais, cette sortie limitée outre-Atlantique n'empêchera pas le film d'être découvert et adoré ailleurs, notamment en France, ni d'atteindre un statut de film incontournable dix ans après son lynchage injustifié. 

    "The Yards", massacré, critiqué puis adulé :

     

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