De passage à Paris pour la promotion de son livre L'Art du regard, un recueil d'affiches vintage de films érotiques underground, le cinéaste danois Nicolas Winding Refn s'est prêté au jeu de l'interview à notre micro. L'occasion également pour nous d'évoquer la carrière du réalisateur culte, dont on ne présente plus les nombreux succès : Bronson, Drive ou encore la trilogie Pusher.
Comment vous est venue l’idée de publier un livre consacré à des affiches de cinéma vintage ?
Nicolas Winding Refn : Il y a cinq ans, j’ai acheté à un de mes amis une collection d’affiches. Je n’avais aucune idée de ce qu’il y avait dans le lot, ni quel volume cela représentait. Quand les cartons ont été livrés chez moi, j’ai réalisé que j’avais acheté environ un millier d’affiches et qu’il s’agissait de films dont j’ignorais l’existence. J’étais un peu dégoûté d’avoir dépensé 10 000 dollars pour ça. Non seulement je ne connaissais pas les films, mais en outre ils étaient tous issus du mouvement dit de la sexploitation et invitaient les spectateurs au péché. Deux choix s’offraient à moi : les stocker dans ma cave et ne plus jamais les revoir ou leur trouver une utilité. Il est important de les conserver à mon sens, parce que certains d’entre eux brisent tous les tabous. L’idée est donc venue d’en faire un livre d’art. J’ai décidé de faire le livre d’art le plus cher de l’Histoire. J’ai demandé à un éditeur londonien combien il me fallait dépenser pour réaliser ce souhait et il m’a répondu : 100 000 dollars. Et j’ai donc décidé de m’aligner et de publier ce livre pour 100 000 dollars.
En tant que cinéaste, contrôlez-vous la création des affiches de vos propres films ?
Oui absolument, je pense que c’est très important qu’un réalisateur soit impliqué dans la post-production.
Le succès rencontré par vos films vous permet-il de rester indépendant d'un point de vue créatif ?
On choisit d’être indépendant. Et je tiens beaucoup à mon indépendance, ma liberté artistique, donc je m’emploie fortement à le rester.
Prenez-vous en compte les attentes du public quand vous tournez un film ?
Je fais les films tels que j’ai envie de le faire, en imaginant qu’une partie du public a les mêmes goûts que moi en matière de cinéma. Je ne peux faire que ça, tourner un film tel que j’aimerais le voir. Et avec un peu de chance, les gens auront également envie de le voir.
Quelle est la chose la plus importante que vous ayez apprise en tant que réalisateur ?
(Rire) Ce que j’ai appris ? Ne pas croire en sa propre hype. C’est un piège dangereux dans lequel il ne faut absolument pas tomber.
Parmi tous vos films, avec lequel vous sentez-vous le plus proche ?
J’aime chacun de mes films, mais je dirais que Bronson est mon film le plus autobiographique, métaphoriquement parlant. Ce n’est pas en lien avec ma vie, mais cette soif de célébrité, de s’exprimer à travers l’art est ce qui me rapproche de ce film. Bronson est l’histoire d’une personne qui s'invente un alter-ego. Dans un sens c'est ce que j’ai également fait en devenant ce que j’ai créé à travers mes films. Pour le moment je suis fier de tout ce que j’ai fait et je suis toujours excité à l’idée de créer quelque chose de nouveau. C’est important d'être fier de ses films, quoi qu’il advienne.
Votre proximité avec vos films se traduit-elle également dans le choix de vos comédiens principaux ?
Si les acteurs sont mauvais, le film le sera également… Le jeu des acteurs est la priorité numéro 1 pour qu’un film soit réussi. J’ai eu la chance de travailler avec les trois meilleurs au monde : Mads Mikkelsen, Tom Hardy et Ryan Gosling. Cela a été à chaque fois un plaisir de travailler avec eux. Quand quelque chose fonctionne, il faut continuer jusqu’à ce qu’on éprouve le besoin de changement.
Beaucoup de réalisateurs de cinéma se tournent vers la télévision pour développer des projets. Aimeriez-vous faire de même ? Votre projet de remake TV de Barbarella est-il par exemple toujours d’actualité ?
Oui le projet est toujours d’actualité entre moi et Gaumont, mais je ne sais pas encore si cela se fera. La télévision est simplement un autre média, mais cela n’implique pas que chaque réalisateur soit dans l’obligation d’avoir sa propre série. Pour moi, le cinéma restera toujours plus prestigieux. Je n’ai rien de prévu à l’heure actuelle, mais on ne sait jamais. J’adore la télévision, il suffit juste de trouver le projet adéquat.
La bande-annonce d'Only God Forgives, dernier film en date de Nicolas Winding Refn :